Les défis du secteur touristique en Algérie

03/05/2023 mis à jour: 00:46
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Le tourisme, c’est presque un truisme que de le rappeler, est à la fois un excellent moyen d’échanges, de rencontres entre les peuples et les cultures, et une activité génératrices de revenus notamment en devises sonnantes et trébuchantes.

Comme toutes les autres, cette activité est cependant paradoxale en ce sens qu’elle ne génère pas que des avantages, elle peut également, si on n’y prend garde, induire des effets pervers sur l’environnement naturel et social des territoires. D’où cette interrogation lancinante et à laquelle aucun pays, ou presque, n’a échappé : quelle orientation donner à cette activité ? Pour dire les choses simplement, quel type de tourisme promouvoir dans son pays ?
 

Il faut dire qu’aujourd’hui la «consommation touristique» connait une r-évolution dans les pays émetteurs, en ce sens que le touriste privilégie plutôt des destinations, des produits touristiques durables. Des villes très touristiques mettent en place des mesures pour ralentir la fréquentation touristique. Des phénomènes nouveaux apparaissent comme le «Overtourisme», la « tourismophobie », la gentrification, etc. 

Ces évolutions à l’évidence interpellent notre pays, l’Algérie : doit-on continuer sur l’ancien modèle de consommation touristique au risque de détruire nos territoires ? Ou bien faudra t-il réfléchir ensemble, professionnels, universitaires, politiques à une utilisation rationnelle des ressources touristiques, donc à un nouveau modèle touristique ?
 

L’Algérie est un pays aux ressources infinies. La faune et la flore chatoyantes, peu endommagées, en font l’une des régions les mieux préservées du nord de l’Afrique. Le cadre environnemental dans lequel s’inscrit l’Algérie est à la fois montagneux, balnéaire et saharien. Autant d’éléments qui permettent à tout type de touriste ou de voyageur de trouver son bonheur. Cependant, un élément essentiel reste à préserver : le caractère discret et authentique de l’Algérie. 

En effet, ce pays à l’Histoire millénaire, qui a vu passé de nombreuses civilisations, a une position unique dans la région; il est presque, osons le mot, un lieu de culte. De ce point de vue, l’Algérie ne semble guère adaptée pour le tourisme de masse, mais elle est en revanche une attraction pour les plus curieux et les plus instruits, avides de connaissances et de découvertes. C’est à ce carrefour entre beauté naturelle et potentiel inédit, que s’inscrit, à mon sens, l’Algérie. En d’autres mots, il s’agit d’une destination de niche.
 

1. DU TOURISME DE NICHE POUR ÉVITER LA DÉNATURALISATION DU PAYSAGE ALGÉRIEN

Si le tourisme de niche semble plus approprié, c’est parce l’exemple des pays voisins est suffisamment éloquent pour en tirer des leçons. L’idée est de conserver la spécificité algérienne (la discrétion) et d’actionner ce levier afin d’attirer une clientèle friande d’authenticité. Un aspect capital dans le développement touristique d’un pays comme le nôtre, est que la vie du voyageur ou du touriste lors de son séjour ne doit pas constituer un obstacle à la vie des algériens. 

Ce qu’ils viennent chercher tient dans la culture algérienne, encore méconnue par beaucoup, et la conservation du patrimoine. C’est un sentiment de consolidation nationale qui doit régner au sein du pays afin de montrer que l’authenticité algérienne se trouve loin d’un conservatisme austère à l’évolution, mais plutôt dans un schéma d’innovation sur base de ses acquis.
 

a) Les produits touristiques à mettre en valeur

L’Algérie est un pays dont les ressources et le patrimoine sont naturellement foisonnants. Beaucoup de lieux ont été conservés tels qu’ils étaient à l’origine : une côte algérienne de 1200 km à l’état sauvage où la nature est reine, riche en faune et en flore ; un désert de plus d’un million de kilomètres carrés, avec des paysages idylliques ; et autre atout majeur de l’Algérie, son Histoire. Depuis l’Antiquité, en effet, en passant par les Empires numide et romain, jusqu’à nos jours, l’histoire a laissé des vestiges témoignant de la grandeur de ces civilisations avec des grands personnages qui les ont marqué tels que Jugurtha, Saint-Augustin, La Kahina, Tin Hinan, Lala Fatma N’Soumer et tant d’autres. Le triste constat étant que l’Algérie n’est connue qu’à travers les guerres et autres conflits politiques dont elle a été la proie, occultant le potentiel culturel et artistique du pays. Notre artisanat à part entière gagnerait à être connu et diffusé.

b) Les acteurs à impliquer
Dans ce processus, les acteurs de premier plan sont évidemment les autorités. Il est important d’envisager certains travaux de restauration et de préservation des sites historiques et archéologiques. À ce titre, un autre acteur devrait également entrer en jeu : le secteur éducatif. Par l’intermédiaire d’écoles d’urbanisme, et d’art, pour la restauration de certains sites, l’Algérie se garantit un travail qualitatif tout en renforçant le projet pédagogique et les portfolios de plusieurs étudiants. L’âme du pays sera ainsi conservée et il se dressera même en pionnier de l’investissement dans l’innovation au sein de la région Nord Afrique.
 

Par ailleurs, il sera également essentiel de mettre sur pieds des formations à destination de guides, dont les connaissances du pays doivent être excellentes. Ceux-ci devront travailler main dans la main avec des tours opérateurs et des agents de voyages compétents. Un office du tourisme complètement renouvelé devra servir de ciment afin de veiller à la bonne coordination de ces différents services. Les compagnies aériennes et l’hôtellerie ont également un rôle à jouer, et devront prendre part à ce plan par la mise en place d’actions ambitieuses pour assurer le meilleur service.

2. INITIATIVES À METTRE EN OEUVRE

a)Les affaires étrangères (Politique des visas)
Un système d’obtention de visa beaucoup plus fluide et efficient devrait être mis en place, tout en veillant à la sécurité nationale. L’initiative qui consiste à faciliter les formalités d’obtention de visa pour les destinations du Sud, est une bonne chose, il serait judicieux de la généraliser à l’ensemble du territoire, car une grande partie de notre offre touristique consiste en la combinaison de plusieurs régions du pays.
b) Le ministre de l’intérieur (rôle de la PAF et des douanes)
Il s’agit de sensibiliser les agents de police de l’air et des frontières ainsi que les agents de douane au sens de l’accueil. Dès l’entrée sur le territoire national, les premières impressions, les premiers contacts sont capitaux.
La sensibilisation devra se faire sous forme de mission à accomplir pour l’Algérie. C’est un acte patriotique.
 

c) L’Office National du Tourisme
 

Revoir la mission de l’ONT :
- En mettant à jour le site web et en veillant à son ergonomie et la qualité des informations présentes.
- Réévaluer la participation de l’Algérie à des salons du tourisme en fonction de l’orientation de notre politique touristique.
- Signer des partenariats avec des opérateurs touristiques dans les principaux pays cibles, afin d’assurer une mission de représentation de la destination.
- Un budget marketing et communication doit être alloué, accompagné d’objectifs précis.
- Organisation de sessions d’informations dans les destinations choisies avec des professionnels du secteur ainsi que la presse.
 

d) Les compagnies aériennes (nationale et étrangères)
Qu’elles soient nationales ou étrangères, les compagnies aériennes doivent être informées de la nouvelle orientation touristique et doivent s’impliquer dans la mise en place de cette politique. Des réunions doivent avoir lieu afin de les encourager dans cette voie pour en faire un objectif national.
 

e) Le secteur hôtelier dans toutes ces formes
Le secteur hôtelier doit également être entièrement revisité. En pariant sur plusieurs types d’infrastructures, les opportunités se multiplient. Les investissements dans ce secteur doivent être écologiques et durables tout autour des bassins recelant des ressources touristiques. Le littoral national par exemple doit bénéficier d’une réglementation stricte tant au niveau des normes de construction qu’au niveau de la densité des structures hôtelières. Il serait souhaitable d’intégrer des exigences écologiques, comme par exemple l’emploi des énergies renouvelables, le recyclage des eaux… De la même façon, définir la catégorie des hôtels qu’accueillera ce littoral. Cette nouvelle politique du littoral évitera la « bétonisation » de cet espace très fragile Envisager une gamme d’hôtels plus luxueux et écologiques, de type « lodge » dans le désert, tels qu’ils existent au Botswana. L’Algérie s’alignera alors sur un modèle qui attirera une cible très spécifique et soucieuse à la fois d’un confort inégalé que d’une expérience authentique du pays. Quant à la petite hôtellerie, plutôt orientée vers des expériences, il faut penser ”expéditions organisées”, hôtels indépendants, initiatives locales.
 

f) Le secteur des agences de voyages

De sérieuses formations doivent être données aux agents de voyages déjà établis afin de parfaire leurs connaissances du pays. Un travail de coopération entre les AGV et les offices du tourisme locales doit être introduit et automatique afin de d’orienter le voyageur dans sa consommation du produit touristique en fonction de ses motivations pour rencontrer ses attentes.

g) Les directions du tourisme de chaque wilaya
En relation avec les opérateurs touristiques (ONT, ministère du tourisme, tours opérateurs), ces instances devront communiquer les produits identifiés comme “touristiques”, susceptibles d’être commercialisés à l’échelle internationale.
 

3. ACTIONS DE COMMUNICATION ENVERS LES MARCHÉS ÉMETTEURS CIBLES
 

a)Vers les associations des Tours Opérateurs et agences de voyage

Il s’agit de faire la promotion d’une Algérie nouvelle mais toujours authentique. Un plan de communication avec un agenda de campagne étalé sur plusieurs années devra être mis en place, avec des actions ponctuelles dirigées vers les agents de voyages à échelle internationale (mais ciblées), des workshops pour faire découvrir la destination, des séances d’information pour les tours opérateurs. Envisager également des voyages d’étude organisés avec les acteurs de premier plan.
 

b) Vers les magazines et la presse touristique

Il faut que l’Algérie fasse parler d’elle positivement. Pour cela les médias représentent un enjeu capital. Il s’agit tout d’abord de rassurer le monde extérieur à propos de la sécurité du territoire algérien.

En focalisant l’attention des médias vers des attractions historiques, géologiques, naturelles et culturelles en général, l’image de l’Algérie prendra des couleurs plus positives. Petit à petit, il sera intéressant de cibler la presse internationale susceptible de parler de l’Algérie dans ces termes et de vanter l’apport culturel d’un pays encore inconnu touristiquement.
L’Algérie doit faire parler d’elle et peut également être le théâtre de grands événements culturels, comme c’était le cas lors du Festival Panafricain (PANAF 2009).
 

C) Sur les médias sociaux
La partie digitale de la campagne, qui sera menée de front, devra être virale et constituer un levier important de retour sur investissement. Il faudra veiller à attirer l’attention de l’internaute en lui amenant « des bonnes nouvelles d’Algérie ». Envisager la création de blogs, penser à la publicité virale et d’autres types d’inserts publicitaires à déployer.
 

OBJECTIF

a) Les formations comme valorisation des métiers du tourisme
Elles sont le moteur de l’évolution de ce projet de renouvellement. Entre études supérieurs pour les jeunes, workshops pour les adultes déjà actifs professionnellement, il faut stimuler l’éducation. Motiver les jeunes étudiants et dispenser des formations de qualité qui garantissent l’accès à l’emploi ensuite est capital. Un pays où le tourisme fonctionne est avant tout un pays dans lequel les citoyens se sentent bien et entendus. L’Algérie possède une population majoritairement jeune, une jeunesse dont il est essentiel de promouvoir le potentiel et de lui montrer les perspectives qu’offre leur pays.
 

À ce titre, des échanges avec d’autres institutions à travers le monde seront sûrement d’un grand soutien. Comme c’est le cas en Europe avec les séjours Erasmus.C’est en valorisant les formations dispensées, en mettant en avant les professeurs et la qualité de leur curriculum, que les métiers du tourisme en Algérie seront valorisés. 

En s’imprégnant du savoir-faire d’autres régions du monde, l’Algérie dispose d’une grande marge de manoeuvre pour développer une industrie touristique à son image sans devoir s’aligner sur le modèle occidental. La discipline doit faire partie intégrante des cursus dans le domaine du tourisme et refléter une image élitiste en ce qui concerne l’hôtellerie de haut standing. Ce sont des métiers qui doivent être pris au sérieux puisqu’ils pourraient contribuer à une rentrée importante pour les finances de l’Etat.
 

MOT DE FIN

La mise en place de ces actions permettra, dans un laps de temps réduit, le lancement de la destination. Cette mise en application doit cependant être opérée par des experts dans le domaine, afin d’éviter les maladresses commises par le passé. L’Algérie ne peut plus continuer à se reposer sur ses acquis sans penser à l’avenir des générations futures. Dès aujourd’hui, un travail conséquent devrait être entamé pour lancer une industrie touristique qui rendra service au peuple algérien autant qu’à son économie. Les qualités d’expertise et de leadership nécessaires pour une mission de cette envergure sont strictes et requièrent une fibre patriotique indéniable. 

 

Md Ameziane Meziant

Expert consultant en tourisme
Membre du Skäl Club International de Bruxelles.
E-mail : [email protected]

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