Les banques publiques se donnent également les moyens d’être compétitives : Al Baraka et Al Salam continuent à dominer le marché de la finance islamique

19/08/2024 mis à jour: 22:18
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Photo : D. R.

Considérés comme un moyen d’attirer les liquidités thésaurisées et d’intégration des fonds circulant hors  circuit bancaire, les produits de la finance islamique (FI)  sont au cours de ces quatre dernières années de plus en plus commercialisés au niveau des banques. Ayant été auparavant l’apanage des  banques dites islamiques en l’occurrence Al Baraka Bank (depuis 1991) et Al Salam Bank Algérie depuis 2009, ces produits  sont actuellement proposés par les  banques conventionnelles. Ces dernières annoncent régulièrement l’ouverture de guichets dédiés à la FI.  La cadence s’est d’ailleurs accélérée notamment après les changements apportés sur le plan réglementaire.

L’encadrement de l’activité de FI est, en effet, depuis 2020 régi par le règlement 20-02 du 15 mars 2020, définissant les opérations de banque relevant de la finance islamique et les conditions de leur exercice par les banques et les établissements financiers.

Ce qui a été suivi un mois plus tard par l’instruction 03-2020 du 2 avril 2020, définissant les produits relevant de la FI et fixant les modalités et les caractéristiques techniques de leur mise en œuvre par les mêmes institutions financières.

S’adaptant au changement et pour marquer leur ouverture à la FI, les banques ont mis en place une série de mesures liées entre autres à la commercialisation des produits de la FI via la création d’une structure dédiée à cet effet et par la mise en place d’un comité de contrôle charaïque pour l’étude des dossiers.

Et ce, en plus des sessions de formation au profit des banquiers et la mise en œuvre de stratégies commerciales. La Banque Nationale d’Algérie (BNA) est la première banque publique à s’être lancé dans ce créneau en date du 4 août 2020, en offrant des produits conformes à la charia à travers au niveau de ses agences. Et ce, avant d’ouvrir des agences.

Les autres acteurs de scène bancaire (CPA, BEA, BADR…) ont également adopté la démarche. Une certaine concurrence s’est installée sans pour autant permettre à ces banques d’augmenter leur part sur ce créneau. Certes, les produits de la FI continuent à retenir l’intérêt des acteurs bancaires représentant 60% de l’ensemble des nouveaux produits ou services commercialisés en 2023, selon le dernier rapport de la BA, mais deux banques spécialisées Al Baraka et Al Salam se taillent la part du lion.

Et ce, en attendant l’arrivée d’autres acteurs privés sachant que des banques étrangères ont demandé des autorisations pour investir dans ce créneau. En effet, selon la même source, en matière de produits de financement ( six au total : Mourabaha, Moudaraba, Moucharaka, Ijar, Istisna et le Salam ) sur un encours global de 458,5 milliards de dinars à fin 2023,( +16,4% par rapport à 2022 où l’encours s’est chiffré à 393,9 milliards de dinars), Al Baraka et Al Salam se sont accaparés 366,5 milliards de dinars à, soit 79,9 % du volume total des produits de financement.

Développer l’attractivité

Aussi , toujours selon la BA, en dépit d’une évolution remarquable à hauteur de 15,3 milliards de dinars entre 2022 et 2023(+246,9 %), les banques publiques n’occupent qu’une part minoritaire de 4,7 % dans l’encours total de cette catégorie de produits dans le système bancaire même si cette part est en hausse de 3% et de 1,1 % par rapport à 2022 et 2021.

La même tendance est à relever pour les dépôts. «Tel qu’observé l’année précédente, ce sont les deux banques spécialisées dans la finance islamique qui détiennent 69,4% du montant total des dépôts et affichent une somme de 471,8 milliards de dinars», indique la BA.

Aussi, si en 2023, l’encours des dépôts relevant de la FI a augmenté s’élevant à 680,1 milliards de dinars contre 554,8 milliards à fin 2022 et 444,7 milliards de dinars à fin 2021, l’évolution résulte principalement de la forte hausse de 65,8% des comptes de dépôts pour atteindre les 422,6 milliards de dinars à fin 2023 contre 254,8 milliards à fin 2022.

Là encore, la part détenue par les banques publiques dans l’encours total des dépôts est de 20,21% en hausse de 7,11% comparativement à l’année précédente (13,1%), tandis que celle détenue par les banques privées s’élève à 79,79%.

Ces dernières totalisent un encours de dépôts de 542,6 milliards de dinars en 2023. Cela pour dire que les banques ont encore à faire sur le plan marketing. «Il va falloir développer l’attractivité de cette nouvelle offre par l’adoption de plans marketing stratégiques et opérationnels spécifiques mis en œuvre par les opérateurs.

Sans pédagogie de leur part vis-à-vis de leurs clients, ces derniers ne seront pas capables de distinguer entre produits conventionnels et alternatifs», préconise à ce sujet le spécialiste en FI, Azeddine Ghlalmallah. Et de poursuivre : «Pour que l’offre soit attractive, il faut nécessairement qu’elle soit compétitive, que ce soit en termes de coût ou d’innovation technologique, car la seule communication ne sera pas suffisante pour convaincre.»

Dépôts  en compte d’investissement en recul

Concernant les dépôts en compte d’investissement, ils ont vu leur encours reculer de 14,2%, s’établissant à 257,5 milliards de dinars après avoir augmenté de 29,1% à la fin de l’année 2022. Des montants qui devraient être selon le cabinet d’audit et conseil Finabi intégré dans un fonds d’investissement islamiques qui sont gérés dans la pratique par des experts en finance islamique et soumis à un comité de conformité Sharia.

Les revenus générés sont répartis selon des principes de justice et d’équité. Selon Finabi, ces fonds «offrent aux investisseurs algériens une alternative diversifiée et favorisent une plus grande inclusion financière».

De même qu’ils stimulent l’innovation «en finançant des projets éthiques et innovants», d’autant qu’ils permettent selon la même source d’investir dans des projets socialement responsables, ils contribuent à un développement durable et équitable.

«Le développement des fonds d’investissement islamiques en Algérie pourrait jouer un rôle clé dans l’enrichissement du paysage financier, en offrant des solutions d’investissement alignées avec les principes éthiques et religieux tout en stimulant l’économie», estime à ce sujet l’étude de Finabi Sur un autre plan, concernant les sukuks (obligations islamiques, c’est-à-dire sans intérêt), du chemin reste à faire.

Pour l’heure, seul AOM Invest, la première PME cotée en Bourse en Algérie depuis 2018, a reçu le visa de la commission d’observations et de surveillance des opérations en Bourse (Cosob) pour le lancement d’un emprunt obligataire islamique, assimilée à des sukuks d’investissement. L’opération vise à lever 200 millions de dinars sur une période de cinq ans.

Ces fonds seront destinés à financer le plan de développement du groupe, notamment sa filiale AOM Industry, spécialisée dans la production agroalimentaire. Les titres émis offriront une rémunération variable comprise entre 7 et 10%, indexée sur les résultats de la société. 

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