Bien que les variations entre laboratoires soient souvent faibles, dans certains cas, elles peuvent avoir
des conséquences dramatiques sur la santé du patient.
Pour une même analyse sanguine, les résultats peuvent varier d’un laboratoire à un autre. Si cette variation est parfois insignifiante, il n’en demeure pas moins que dans certains cas, les conséquences sont dramatiques sur l’état de santé du patient. C’est le cas de Mme Meriem. En raison de quelques soucis de santé, son médecin traitant lui prescrit un bilan médical.
Ses premiers résultats d’analyses lui annoncent qu’elle est atteinte de leucémie. Une fois le choc de la nouvelle encaissé, Mme Meriem décide de refaire son bilan, mais cette fois-ci, dans un autre laboratoire. Elle raconte : «Il est vrai que j’étais bouleversée à la suite de ces résultats. Mais je restais perplexe. J’ai donc décidé de refaire mon bilan qui s’est avéré cette fois-ci négatif».
Là encore, c’est l’ascenseur émotionnel pour Mme Meriem ainsi que ses proches. Son médecin lui recommande alors de refaire une autre prise de sang dans un troisième laboratoire. «Les résultats du 3e bilan correspondaient avec le deuxième. Cela signifiait que le premier laboratoire a fait une erreur», se rappelle-t-elle. Et sur les réseaux sociaux, «les coups de gueule» contre des laboratoires d’analyses médicales se multiplient, les gens dénonçant les résultats erronés. Mais comment expliquer ce phénomène ? Selon le Dr. Yacine Iddir, docteur en médecine, en Algérie, les variations de résultats peuvent s’expliquer par plusieurs raisons.
La première est la différence des équipements entre laboratoires. «Certains disposent de machines modernes, d’autres de matériel plus ancien», explique-t-il. La seconde raison, toujours selon le Dr. Iddir, concerne les méthodes d’analyses et de calibration qui ne sont pas toujours standardisées. «La formation du personnel peut aussi varier, influençant ainsi la précision des manipulations», poursuit-il. Et enfin, la dernière raison qui expliquerait ces variations dans les résultats est, selon M. Iddir, les conditions de conservation des échantillons, comme la température et les délais avant l’analyse, qui peuvent également jouer un rôle. La qualité des réactifs est aussi un important paramètre à prendre en considération.
En effet, la moindre impureté peut déclencher une cascade de faux résultats. Il faut savoir que la qualité des réactifs peut varier en fonction des fournisseurs. «En Algérie, l’approvisionnement est souvent lié à l’importation», assure tout d’abord Dr. Iddir. Malheureusement, «certains peuvent opter pour des réactifs de qualité inferieure, moins coûteux, pour réduire leurs charges mais cela reste une minorité», poursuit-il.
C’est pourquoi, il estime qu’un standard national obligatoire garantirait l’harmonisation des pratiques et des résultats. «Tous les laboratoires devraient suivre les mêmes protocoles et utiliser des réactifs certifiés», recommande-t-il. De plus, M. Iddir juge important de mettre en place des contrôles périodiques, notamment à travers des inspections surprises afin de garantir des résultats fiables et éviter les dérives.
Dans ce sens, l’Etat «doit imposer des normes strictes sur les réactifs, les équipements et les pratiques des laboratoires», suggère le Dr. Iddir. Il juge aussi nécessaire de faciliter l’importation de réactifs et équipements de qualité en réduisant les taxes et les délais douaniers. Par ailleurs, M. Iddir suggère de mandater des organismes spécialisés pour effectuer des audits réguliers et s’assurer que les laboratoires respectent les normes. Par ailleurs, la hausse des prix des analyses médicales est aussi beaucoup pointé du doigt. En effet, de nombreux malades assurent avoir fait l’impasse sur certains bilans, devenus trop chers.
Un constat confirmé par le Dr. Iddir qui assure : «Malheureusement, les prix élevés peuvent freiner certains patients, surtout dans les zones rurales et pour les familles à faible revenu». Selon lui, cela met en péril leur santé en retardant les diagnostics nécessaires. Mais comment expliquer cette hausse des prix ? De l’avis du spécialiste, celle-ci est due tout d’abord à «l’inflation générale et la hausse des coûts d’importation des réactifs et des équipements», assure- t-il.
Et la seconde raison est liée, toujours selon le Dr. Iddir, aux charges de fonctionnement, comme les salaires du personnel, les frais d’électricité et les maintenances coûteuses. C’est pourquoi, il estime que le remboursement des analyses médicales reste essentiel pour améliorer l’accès aux soins. «A titre d’exemple, la CNAS pourrait jouer un rôle-clé en élargissant la liste des analyses remboursables et en fixant des tarifs plafonds pour éviter les abus», suggère-t-il.
Enfin, le Dr. Iddir estime que l’avenir des laboratoires d’analyses médicales en Algérie repose sur quatre points essentiels. «Le premier est la modernisation des équipements avec des subventions publiques ; le second est la formation continue du personnel pour rester à jour sur les nouvelles technologies et techniques ; le troisième point est l’harmonisation des pratiques à travers des standards nationaux ; et enfin, une politique tarifaire qui garantit l’accès aux analyses pour tous», conclut-il.
Laboratoires de qualité vs laboratoires de référence
«En Algérie, les laboratoires de référence existent mais restent rares», assure le Dr. Yacine Iddir. Selon lui, ce sont des structures spécialisées, souvent affiliées à des institutions publiques ou privées reconnues, qui réalisent des analyses complexes et servent de référence pour d’autres laboratoires. Mais quelle est différence entre un laboratoire de qualité et un laboratoire de référence ? Pour le spécialiste, un laboratoire de qualité suit les normes établies et fournit des résultats fiables pour des analyses courantes. Par contre, un laboratoire de référence est spécialisé dans des analyses plus complexes et dispose d’équipements de pointe, souvent utilisées pour confirmer des diagnostics ou des résultats atypiques. S. O.