Le transfert de sans-abri de Paris vers les régions suscite des inquiétudes

24/05/2023 mis à jour: 07:00
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L'exécutif a demandé aux préfets de créer des «sas d'accueil temporaires régionaux», afin de «désengorger les centres d'hébergement» d'Île-de-France à l'approche des JO 2024.

À l'approche des Jeux Olympiques, le gouvernement veut inciter des milliers de sans-abri, principalement des migrants, à quitter la région parisienne pour la province, arguant de la baisse du nombre d'hôtels prêts à les héberger, mais ce dispositif suscite inquiétudes et interrogations. De nombreux hôteliers ne souhaitent en effet plus accueillir ces publics précaires car ils attendent un afflux de clientèle lors de la coupe du monde de rugby l'automne prochain, et des JO en 2024, observait début mai à l'Assemblée nationale le ministre du Logement, Olivier Klein. Près de 5000 chambres ont ainsi été perdues pour l'hébergement d'urgence, précisait de son côté la députée (Modem) Maud Gatel.

Depuis la mi-mars, l'exécutif a donc demandé aux préfets de créer des «sas d'accueil temporaires régionaux» dans toutes les régions, à l'exception des Hauts-de-France et de la Corse, afin de «désengorger les centres d'hébergement» d'Île-de-France. Les personnes invitées à partir sont censées être prises en charge pendant trois semaines dans ces «sas» avant d'être «orientées», dans leur nouvelle région, «vers le type d'hébergement correspondant à leur situation».

«Conditions indignes»

Le dispositif concerne surtout des migrants, très nombreux en Île-de-France à vivre dans la rue ou en hébergement d'urgence. Toutefois il ne les vise pas spécifiquement, en vertu du «principe de l'accueil inconditionnel», a précisé à l'AFP le cabinet du ministre du Logement. Désignée par le gouvernement pour accueillir un tel centre d'accueil, la ville de Bruz, (18.000 habitants, près de Rennes), a fait part mardi de son mécontentement.

«Nous ne sommes pas favorables à l'installation d'un tel sas sur notre commune, dans ces conditions que nous jugeons indignes», a fait savoir le maire Philippe Salmon (DVG). La mairie bretonne critique le choix du terrain, jouxtant une voie ferrée et «pollué par des hydrocarbures et des métaux lourds», et affirme que les futurs occupants du centre d'accueil ne viendraient pas «par choix».

Dispersion ou accueil ?

Depuis 2021, le gouvernement a déjà mis en place un dispositif similaire, mais centré uniquement sur les demandeurs d'asile. Selon un rapport parlementaire rendu public mardi, ce système «a fait preuve de son utilité et de son efficacité», mais un quart des personnes concernées a refusé de quitter l'Île-de-France. Le rapport appelle aussi l'État à mieux coordonner les transferts avec les municipalités, et à mieux protéger les élus locaux.

Car ces transferts, rappellent les auteurs, font «l'objet d'une instrumentalisation politique ayant conduit à des menaces et des violences» envers les élus, qui ont culminé avec la récente démission du maire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique). Pour le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Pascal Brice, «accueillir des gens dans de bonnes conditions un peu partout en France plutôt qu'à la rue en Île-de-France, sur le principe c'est positif, mais est-ce qu'on s'en donne les moyens ?».

Concordance avec l'arrivée des JO

Le problème, souligne ce responsable associatif, est qu'«il manque des places d'hébergement d'urgence» dans les régions d'accueil, ainsi qu'une «impulsion politique du ministère de l'Intérieur pour un vrai travail d'accompagnement». Car «s'il s'agit de mettre des gens dans les bus» et de ne plus s'en occuper ensuite, «c'est de la dispersion, pas de l'accueil», selon lui.

Éric Constantin, responsable de la Fondation Abbé Pierre en Île-de-France, dit douter de son côté qu'on puisse «trouver des solutions dignes et décentes en trois semaines» pour sortir durablement de la précarité les personnes réorientées vers les régions.

On peut par ailleurs «s'étonner de la concordance de l'arrivée des Jeux Olympiques et d'un programme qui vise à envoyer les migrants en province», ajoute Éric Constantin, qui se demande si le gouvernement a voulu faire en sorte «qu'il n'y ait plus de campement avant que des millions de personnes arrivent en France».

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