Quatre frappes aériennes ont dévasté des quartiers densément peuplés de la banlieue sud de Beyrouth. Les autorités libanaises, dépassées par la guerre, font état de plus de 1100 morts, majoritairement des civils.
Et si ses mots étaient plus qu’une mise en garde, une sombre prophétie en train de se réaliser ? «L’agression israélienne, débutée à Ghaza et désormais étendue au Liban, va pousser l’ensemble de la région dans l’abîme d’une guerre régionale totale», déclarait hier Ayman Safadi, le ministre jordanien des Affaires étrangères, lors d’une visite au Liban. Depuis le 23 septembre, et cette escalade qui embrase le Liban, les craintes d’une guerre plus vaste aux conséquences incalculables se font persistantes.
Hier encore, des raids israéliens ont frappé sans relâche le territoire libanais. Quatre frappes aériennes ont dévasté des quartiers densément peuplés de la banlieue sud de Beyrouth. Les quartiers de Sainte-Thérèse et de Bourj Al Barajneh ont été touchés. Un bâtiment s’est effondré, pulvérisé sous les bombes, laissant craindre un bilan encore plus lourd. Ces attaques, parmi les plus violentes depuis le début de la guerre, s’ajoutent aux 30 frappes menées la nuit précédente, plongeant la capitale libanaise dans la terreur.
La guerre n’épargne aucun secteur. Loin des zones frontalières, la ville de Baraachit a été le théâtre d’une attaque particulièrement meurtrière : dix pompiers ont perdu la vie, lorsque l'aviation israélienne a pris pour cible leur station, les empêchant de répondre aux appels des civils pris au piège sous les décombres. Les autorités libanaises, dépassées par la guerre, font état de plus de 1100 morts, majoritairement des civils. Près de 1,2 million de personnes ont été déplacées, poussant des milliers de familles libanaises à fuir vers des régions plus calmes ou au-delà des frontières.
Les frappes d’Israël sur la frontière libano-syrienne, qui se sont multipliées, font courir un «grand risque» aux civils qui tentent d’entrer en Syrie et entravent les opérations humanitaires, a prévenu hier Human Rights Watch (HRW). «Une attaque israélienne sur une cible militaire légitime peut être illégale si elle est susceptible de causer un dommage aux civils disproportionné par rapport aux gains militaires», ajoute HRW.
Le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, en visite à Beyrouth dimanche, a estimé que la frappe vendredi du poste-frontière de Masnaa «bloque de facto de nombreuses personnes qui cherchent à se mettre à l'abri en Syrie». Selon les autorités libanaises, plus de 370 000 personnes, en majorité des Syriens, ont franchi la frontière pour entrer en Syrie depuis le début de l’intensification des frappes israéliennes au Liban le 23 septembre.
Destructions massives
Le Hezbollah a répliqué hier en multipliant les tirs de roquettes vers le nord d’Israël. Le mouvement chiite a revendiqué plusieurs attaques visant des positions militaires israéliennes. L’objectif avoué du Hezbollah est clair : rendre coûteuse pour Israël toute tentative d’incursion profonde au Liban. Alors que le monde reste aveugle et sourd face aux agissements sans morale aucune de l’Armée d’occupation israélienne, la question demeure : quelle est la finalité de cette opération militaire d’envergure ?
Dans la rhétorique de propagande d’Israël et de ses relais médiatiques occidentaux, cette campagne de frappes est mue par la nécessité de neutraliser ce qui est appelé «la menace existentielle» que représente le Hezbollah. Les destructions massives de logements civils, les hôpitaux touchés et l’ampleur des pertes humaines suscitent une vague de condamnations à l’échelle mondiale.
Si Israël entend affaiblir le Hezbollah pour – selon ses dires – assurer la sécurité de ses frontières nord, une incertitude majeure plane quant à la capacité de l’Etat sioniste à mener la guerre sur plusieurs fronts simultanément. Comme le rappellent de nombreux observateurs, l’histoire récente est riche en exemples de guerres qui, bien qu’initialement limitées, se sont rapidement transformés en bourbiers militaires. La guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah avait laissé des plaies béantes, tant sur le plan humain que stratégique.
Et aujourd’hui encore, le Hezbollah, fort de ses expériences et de son arsenal modernisé, est loin d’être la force de guérilla mal équipée des décennies passées. Le sud du Liban, avec ses terrains accidentés et ses zones denses, est un terrain où toute incursion terrestre israélienne risque de s’enliser. Les frappes à répétition sur des zones civiles nourrissent un ressentiment croissant au Liban et dans l’ensemble du monde arabe, ravivant les flammes de l’antagonisme régional.
Si la communauté internationale, par la voix des Nations unies et de quelques capitales occidentales, appelle à la retenue, les marges de manœuvre diplomatiques semblent se réduire à mesure que la guerre s’installe durablement. Hier, des dizaines de milliers de manifestants, de Londres à New York, en passant par Paris, sont descendus dans la rue, appelant à un cessez-le-feu immédiat à Ghaza et au Liban, inquiets de l’escalade rapide du conflit.