Le silence du 3 Mai

05/05/2022 mis à jour: 04:06
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On revient sur le 3 Mai, c’est notre manière de célébrer cette journée dédiée mondialement à la presse, mais non fêtée comme elle se doit dans le pays par les professionnels et la société politique et civile. Même durant la décennie 1990 et les années Bouteflika, cette date a été malgré tout l’occasion de faire le bilan des avancées et reculs en matière de liberté d’expression, de situer les responsabilités des uns et des autres et surtout tracer des perspectives d’avenir. 

Cette année donc c’est le silence, le désarroi et l’inquiétude de tous les côtés. Cette non-célébration inédite du 3 Mai est en elle-même un signe de crise, de grave crise, et pourtant il y a à peine deux ou trois ans, toute la société a crié haut et fort, à travers le hirak, sa soif des libertés, parmi elles une des plus fortes, la liberté d’expression. 

C’est donc en un laps de temps assez court que s’est opéré un terrible recul de l’écrit et de la parole dans leurs métiers classiques que sont les médias, l’édition et autres et dans les classiques expressions publiques des partis, des associations et cela dans le sillage des reflux des manifestations de rue. Si les médias sont en crise, c’est parce que toute la société l’est, n’étant plus en mesure de les irriguer et de leur offrir sa protection. Et si la société se portait mal, c’est en raison de ses difficultés à s’émanciper du fait de la mainmise sur elle d’un système politique obsolète et autoritaire. 

Ce sont pratiquement les mêmes mœurs politiques et les mêmes mentalités des gouvernants, civils ou militaires, qui conduisent le pays depuis son indépendance, avec des adaptations au gré des conjonctures. La plus importante eut lieu fin des années 1980 - début 1990, avec l’émergence du multipartisme. Des libertés ont été concédées, réellement ou formellement, notamment dans le monde des médias. La sanglante parenthèse du terrorisme fermée, ces derniers furent confrontés une vingtaine d’années durant à une politique dont l’apparence fut la liberté d’expression, mais la réalité son dévoiement au service du régime Bouteflika en place. 

Une arme redoutable fut utilisée, la manipulation de la publicité étatique, distribuée au gré d’affinités politiques et idéologiques au mépris de toutes les règles commerciales et que ne pouvait plus, dès l’année 2014, compenser l’apport du secteur privé économique, en déclin depuis. Cette arme fut davantage affûtée par les dirigeants actuels, ce qui entraîna fatalement l’affaiblissement et la disparition de plusieurs organes d’information et freina l’émergence de sites électroniques. 

Logiquement, ces derniers étaient en mesure de s’imposer sur la scène médiatique du fait du fort développement de l’usage d’internet, mais ils stagnèrent, victimes des mêmes pratiques coercitives dirigées contre la presse écrite. Idem des télévisions privées qui ne disposent même pas de statut juridique, toujours pendant comme l’est le texte devant régir la publicité et, d’une manière générale, la loi sur l’information en Algérie. 

Cela dénote l’embarras des responsables politiques vis-à-vis de ce secteur : partagés entre se satisfaire et reconduire le statu quo ou donner un contenu concret à la liberté de la presse, en d’autres termes se plier aux exigences de l’ancien système ou innover et se projeter vers un meilleur horizon. Les gens du métier et la société en général osent espérer que cette contradiction ne perdurera pas et soit vite résolue en faveur de l’option de la démocratie.

 La population est lasse du diktat du système qui s’est arrogé dès 1962, et même avant, le droit de régenter à son profit le destin du pays . Elle ne cesse de le clamer. 

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