Le printemps arabe en Tunisie, 13 ans après : Le peuple demande des comptes

15/01/2024 mis à jour: 00:37
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13 ans après la révolution du Jasmin, la Tunisie se cherche toujours

La belle journée d’hier avait normalement tout pour encourager à descendre dans la rue pour fêter le 13e anniversaire de la révolution du Jasmin. Ce 14 janvier 2011 qui a vu le départ du dictateur  Ben Ali.

Toutefois, le bilan mitigé de la décennie écoulée n’a pas encouragé les Tunisiens à répondre aux multiples appels à manifester des partis de l’opposition, considérée responsable de l’échec puisqu’elle était au pouvoir. 

En effet, ils n’étaient que quelques centaines présents à la manifestation du Front de Salut National (FSN) qui était partie  pour faire un petit circuit arrivant au boulevard Habib Bourguiba jusqu’à l’avenue de la Révolution. Prenant la parole, Me Ahmed Néjib Chebbi, porte-parole du FSN, formé d’Ennahdha, du parti Républicain et d’autres partis, a dénoncé «les arrestations arbitraires des opposants politiques» et appelé à «leur libération immédiate». 
 

Chebbi a déclaré que «le FSN est en train d’examiner la participation aux prochaines élections présidentielles de 2024», laissant entendre que «leur présence dépendrait des conditions générales de l’espace politique». Il a insinué que cela dépendrait surtout de l’attitude vis-à-vis des détenus politiques. 

Sur l’autre partie de l’avenue Bourguiba, la Coordination des Forces démocratiques progressistes et le Forum des forces démocratiques ont organisé une autre manifestation d’une centaine de personnes devant le théâtre  municipal. Les leaders présents, comme Hamma Hammami (Parti des travailleurs), Khalil Ezzaouia (Ettakattol) et Nabil Hajji (Ettayar) ont exprimé «leur attachement aux revendications de la révolution, notamment la liberté d’expression que le pouvoir essaie de réprimer».  

Ces petites manifestations semblent conforter le Président tunisien, Kaïs Saïed. Ce dernier a d’ailleurs le vent en poupe auprès de la population, en attendant que son pouvoir parvienne à des résultats probants sur le terrain, lui qui ne cesse de parler de réaliser les vœux du peuple à plus de prospérité. En sa faveur, pour cette année, et à l’opposé des quatre années précédentes, «Dame nature» lui est favorable avec une bonne pluviométrie annonçant une année agricole prospère. Cela pourrait signifier une récolte record pour la céréaliculture et l’oléiculture avec, à la clé, un meilleur équilibre de la balance agroalimentaire. 

Le Président tunisien compte, par ailleurs, garder la même attitude que celle de 2023, par rapport au dictat du Fonds monétaire international (FMI), lui exigeant des réformes notamment dans la gestion des entreprises publiques et la diminution de la compensation des produits de base. Le Trésor tunisien comptera, encore une fois, sur les envois des Tunisiens de l’étranger et le tourisme qui rapporteraient ensemble près de 4 milliards d’euros, pouvant honorer les engagements externes de la Tunisie. Une gestion restrictive de la balance commerciale aiderait à préserver un équilibre, certes, précaire mais réalisable pour l’année 2024. 
 

Enjeux politiques

Les 30 mois écoulés, depuis le 25 juillet 2021, ont permis au Président Kais Saïed de renforcer son emprise sur le pouvoir en Tunisie et d’installer les structures qu’il a introduites dans la nouvelle Constitution, celles validées par le référendum du 25 juillet 2022. 

Ainsi, la Tunisie dispose d’un nouveau Parlement, élu selon un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours. La Tunisie disposera également d’une deuxième chambre, le Conseil national des régions et des districts, dont le scrutin a commencé au niveau local le 24 décembre 2023 et se poursuivra jusqu’en avril 2024. Ce n’est qu’alors que le nouvel échafaudage institutionnel du nouveau régime prendra fin. Concernant la prochaine législature présidentielle, elle est prévue à l’automne prochain. 
 

Le Président Saïed ne s’est pas encore prononcé quant à sa candidature. Toutefois, il se dirige normalement vers un second mandat qu’il obtiendrait, haut la main, au vu de l’état actuel des choses, comme ce fut le cas lors du 2e tour des élections présidentielles de 2019, quand il avait obtenu plus de 78% des suffrages exprimés. Jusque-là, seuls Zouheir Maghzaoui, du parti Chaâb, l’un des rares partis soutenant le processus du 25 juillet, et Olfa Hamdi, parti de la 3e République, ont exprimé l’intention de participer. Olfa Hamdi ne pourra, néanmoins, pas participer à ces joutes électorales puisqu’elle n’a pas encore atteint 40 ans, comme exigé par la Constitution. 
 

Concernant le restant de la classe politique, notamment l’opposition, plusieurs de ses leaders, notamment des islamistes et des lobbyistes, sont emprisonnés dans le cadre d’une affaire dite «complot contre la sûreté de l’Etat». D’autres dirigeants islamistes sont poursuivis dans l’affaire «Instalingo», une société spécialisée dans l’industrie du contenu et visant à «changer la forme de l’Etat». 

Un troisième groupe d’islamistes est impliqué dans l’affaire de «facilitations pour  l’envoi de jeunes Tunisiens dans des zones de tension». Le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, ancien président du Parlement, est impliqué dans ces trois affaires. Ses lieutenants, Ali Laâreyedh, Noureddine Bhiri, Abdelhamid Jelassi et une vingtaine d’autres croupissent en prison pour la même affaire, en attendant la fin de l’instruction.
 

Aux côtés des islamistes, il y a les lobbyistes Kamel Letaief et KhayemTurki, le président du Parti républicain, Issam Chebbi, l’universitaire indépendant Jawher Ben Mbarek et quelques autres figures libérales. Ces affaires ont fait beaucoup de tort à l’image de la Tunisie, en raison du manque de transparence dans leurs traitements.

 Le juge d’instruction a même interdit leur traitement médiatique. C’est dans une pareille atmosphère que se préparent les prochaines élections présidentielles en Tunisie. 
 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

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