Le président russe Vladimir Poutine demain en Chine : Renforcer le partenariat stratégique entre Moscou et Pékin

15/05/2024 mis à jour: 21:35
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Photo : D. R.

Le président russe Vladimir Poutine se rendra demain en Chine. De son côté, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est arrivé hier à Kiev, au moment où la Russie mène une vaste offensive dans le nord-est de l’Ukraine.

Le président russe Vladimir Poutine entamera, demain, une visite de deux jours en Chine, ont indiqué la diplomatie chinoise et le Kremlin, cités hier par l’AFP. Le dirigeant russe «effectuera une visite d’Etat en Chine du 16 au 17 mai», a annoncé une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying.

Il s’agira du premier déplacement à l’étranger de Vladimir Poutine depuis sa réélection en mars et aussi de sa quatrième rencontre avec son homologue chinois Xi Jinping, depuis le début de l’intervention russe en Ukraine, en février 2022.

«Le président Xi Jinping procédera à un échange de points de vue avec le président Poutine sur les relations bilatérales, la coopération dans divers domaines et les questions internationales et régionales d’intérêt commun», a précisé un autre porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, lors d’un point presse régulier.

De son côté, le Kremlin a indiqué que les deux présidents évoqueraient leur «partenariat global et leur coopération stratégique» et «définir (aient) les domaines-clés de développement de la coopération russo-chinoise, tout en échangeant aussi leurs points de vue sur les questions internationales et régionales».

Le président russe a effectué une visite à Pékin, à l’automne dernier, pour un sommet sur les nouvelles routes de la soie et a participé à l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin peu avant l’intervention russe en Ukraine. En mars 2023, Xi Jinping s’est rendu en Russie pour le premier voyage officiel de son troisième mandat. Début avril, au moment où la secrétaire américaine du Trésor, Janet Yellen, est en Chine, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a atterri à Pékin. A cette occasion, Xi Jinping a promis de renforcer la coopération avec Moscou.

Comme il a appelé à «promouvoir une réforme du système de gouvernance mondiale». «La Chine et la Russie ont le droit d’avoir une coopération normale», a déclaré de son côté Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Et d’ajouter : «Il ne devrait y avoir ni ingérence ni limites à ce type de coopération et la Chine n’accepte ni critique ni pression à cet égard». «Nous ne resterons pas les bras croisés», a répliqué le secrétaire d’État adjoint américain, Kurt Campbell. 

Dimanche dernier, le président russe a rappelé que les relations entre Moscou et Pékin sont solides et vont se renforcer. Les échanges commerciaux sino-russes ont augmenté depuis l’offensive russe contre l’Ukraine et ont atteint 240 milliards de dollars (222 milliards d’euros) en 2023, selon les Douanes chinoises. Mais les exportations chinoises vers son voisin ont chuté en mars et avril cette année, alors que Washington menace de sanctions les institutions financières soutenant l’effort de guerre russe.

Pour une «paix équitable»

Juste avant l’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver au début de février 2022, organisés dans l’Empire du Milieu, les présidents chinois et russe ont signé à Pékin une déclaration «sur l’entrée des relations internationales dans une nouvelle ère». Déclaration à travers laquelle les deux pays ont dénoncé l’influence américaine et le rôle des alliances militaires occidentales, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et l’alliance entre l’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis (Aukus), en Europe comme en Asie, les jugeant déstabilisatrices.

Comme ils ont évoqué le rôle déstabilisateur des Etats-Unis pour la «stabilité et une paix équitable» dans le monde. Ainsi, ils ont exprimé leur «opposition» à «tout élargissement futur de l’OTAN». Comme ils ont appelé «l’Alliance atlantique nord à renoncer à ses approches idéologisées datant de la guerre froide». La Russie et la Chine défendent le principe de «l’indivisibilité de la sécurité», sur lequel Moscou se fonde pour réclamer un départ de l’OTAN de son voisinage, estimant que la sécurité des uns ne peut se faire aux dépens de celle d’autres, en dépit du droit de chaque Etat à choisir ses alliances.

Moscou et Pékin dénoncent, en outre, «l’influence négative pour la paix et la stabilité dans la région de la stratégie indo-pacifique des Etats-Unis». Ils se disent aussi «préoccupés» par la création, en 2021, de l’alliance militaire des Etats-Unis avec le Royaume-Uni et l’Australie (Aukus), estimant que cette union, dénoncée déjà par la Chine, «touche à des questions de stabilité stratégique». Alors que les Etats-Unis considèrent comme une priorité leur compétition avec Pékin en Asie et dans le Pacifique.

Pékin a rejeté à plusieurs reprises les critiques occidentales sur ses liens avec Moscou, tout en profitant d’importations à prix cassé de gaz et de pétrole de son voisin. Washington a accusé plusieurs fois Pékin de livrer du matériel et des technologies à double usage à Moscou. (…) «Pour ce qui est de la base industrielle de défense de la Russie, son plus gros fournisseur, à l’heure actuelle, c’est la Chine.

La Chine lui livre des machines-outils, des semi-conducteurs et d’autres produits à double usage qui aident la Russie à reconstruire sa base industrielle de défense que les sanctions et les contrôles des exportations ont tant contribué à dégrader.

Si la Chine affiche son désir d’entretenir de bonnes relations avec l’Europe et d’autres pays, elle ne peut pas en même temps attiser ce qui constitue la plus grande menace pour la sécurité de l’Europe depuis la fin de la Guerre froide», a déclaré A. Blinken, à l’issue d’une réunion du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, Canada, Italie et France) en avril dernier en Italie.

Le même mois, le Congrès américain a donné son feu vert à une enveloppe d’assistance militaire de 95 milliards de dollars à destination d’alliés de Washington dont 8 milliards consacrés à l’assistance militaire à Taipei. Pékin a averti que le soutien militaire des Etats-Unis envers l’île ne fait qu’accroître le «risque de conflit» de part et d’autre du détroit de Taïwan. «J’aimerais souligner que le renforcement des liens militaires entre les Etats-Unis et Taïwan n’apportera pas la sécurité à Taïwan», a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin.

Entre-temps, la guerre commerciale entre les deux premières puissances économiques mondiales se poursuit. Hier, la Chine a averti que l’augmentation des droits de douanes américains sur 18 milliards de dollars de produits chinois «affecterait gravement» les relations entre les deux pays.  «Cela affectera gravement l’atmosphère de la coopération bilatérale», a affirmé le ministère chinois du Commerce dans un communiqué, appelant les Etats-Unis «à revenir immédiatement sur leurs actions erronées et à annuler les mesures tarifaires supplémentaires contre la Chine».

La Maison-Blanche a annoncé un peu plus tôt cette augmentation marquée des droits de douanes appliqués à l’équivalent de 18 milliards de dollars de produit chinois, afin de «protéger les entreprises et travailleurs américains» d’une concurrence jugée «déloyale» par Washington.

«Manipulation politique»

Ces nouveaux droits de douanes concernent près d’une dizaine de secteurs industriels considérés comme «stratégiques», tels que les semi-conducteurs, les minéraux critiques, les produits médicaux ou encore les véhicules électriques, ces derniers voyant par exemple leurs droits de douanes passer de 25% à 100%. Au-delà du quadruplement sur les véhicules électriques, Washington fait passer ceux visant l’acier et l’aluminium de 7,5% à 25%, tout comme pour les batteries, et ceux pour les semi-conducteurs de 25% à 50%, également appliqués désormais aux panneaux solaires et certains produits médicaux.
Pour le ministère chinois du Commerce, qui exprime sa «forte désapprobation», les Etats-Unis «politisent et instrumentalisent les dossiers économiques et commerciaux», y voyant un «cas typique de manipulation politique».

Cette augmentation n’est «pas en ligne avec l’esprit du consensus trouvé par les deux chefs d’Etat», ajoute le communiqué en faisant référence à la rencontre des présidents Xi Jinping et Joe Biden l’an dernier. «La Chine prendra des mesures résolues pour défendre ses droits et ses intérêts», prévient-il.

Le même jour, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a effectué une visite surprise en Ukraine, en provenance de la Pologne. En la circonstance, il a tenu à rassurer Kiev sur l’arrivée de l’aide militaire américaine. En effet, il a promis, lors d’une rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, que l’aide était «en route». «Une partie est déjà arrivée, plus arrivera» et «cela fera une réelle différence sur le champ de bataille», a-t-il assuré. 

Les Etats-Unis, sur fond de désaccords entre républicains et démocrates, ont mis des mois à débloquer quelque 61 milliards de dollars d’assistance promise par la Maison-Blanche, si bien que l’armée ukrainienne s’est retrouvée à court d’armements.

Le président ukrainien a insisté sur la nécessité de recevoir plus de moyens de défense aérienne, réclamant deux batteries de Patriots pour la région de Kharkiv visée par un assaut terrestre russe depuis le 10 mai et qui a subi des bombardements intenses ces dernières semaines, y entraînant notamment un rationnement de l’électricité.

Trois semaines après le déblocage de l’assistance américaine, les Etats-Unis ont dégagé quelque 1,4 milliard de dollars en aide militaire à puiser sur leurs stocks, essentiellement des systèmes antiaériens Patriot et Nasams qui font cruellement défaut à l’Ukraine, ainsi que des munitions pour l’artillerie. 

La Russie a lancé, vendredi, une offensive surprise contre la région de Kharkiv, dont la capitale éponyme est la deuxième ville d’Ukraine et est située près de la frontière commune. Le ministère russe de la Défense a assuré, hier, dans un communiqué que ses soldats ont «libéré» le village de Bougrouvatka, près de la frontière russe et de la ville ukrainienne de Vovtchansk, et «avancé en profondeur dans les défenses ennemies».

L’état-major ukrainien a reconnu que la Russie remporte des «succès tactiques» et une trentaine de villages sont sous le feu ennemi. Quelque 
7000 personnes ont été évacuées. Cette opération fait craindre une percée russe face à une armée ukrainienne manquant de ressources et qui était déjà sous forte pression sur les fronts Est et Sud. 
 

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