Le pays est en proie à une instabilité chronique depuis 2011 : Grave crise humanitaire en Syrie

04/12/2024 mis à jour: 03:43
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Plusieurs milliers de personnes ont été déplacées suite aux dernières offensives militaires - Photo : D. R.

Entre morcellement de son territoire et violences armées, la Syrie est confrontée à une crise politique et humanitaire majeures, aggravée par le récent réveil des dissidences armées conduites par des mouvements islamistes radicaux. Les tensions qui secouent le pays depuis plus de 13 ans ont fait que la Syrie connaît «l’une des plus graves crises humanitaires au monde, avec 16,7 millions de personnes ayant besoin d’aide et plus de 7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays».

Une semaine après le début de l’offensive lancée par une coalition de forces hostiles au régime de Bachar Al Assad, la Syrie a renoué avec l’instabilité. Et comme l’écrit L’Orient-Le-Jour, le quotidien francophone beyrouthin, cette situation n’arrange aucune des grandes puissances. «De Washington à Moscou, pourquoi personne ne veut de la chute d’Al Assad ?»

La réponse est qu’un triomphe des milices armées radicales fait craindre le pire. Mais on n’en est pas encore là. L’Etat syrien, soutenu par la Russie et l’Iran, résiste tant bien que mal aux secousses. Sur le terrain des affrontements, les combats se poursuivent avec âpreté. «Les unités de l’armée renforcent les lignes de défense et de soutien sur l’axe nord de la campagne de Hama en préparation du début de la contre-offensive contre les organisations terroristes dans cette région», annonçait hier l’agence officielle Sana. «Des unités de l’armée arabe syrienne s’engagent dans de violents affrontements avec des organisations terroristes au nord et à l’ouest de la ville de Khattab, dans le nord-ouest de la campagne de Hama», ajoute la même source.

L’agence Sana affirme, par ailleurs, que d’après une source militaire,  «des dizaines de terroristes ont été tués et d’autres blessés dans les environs de Deir Ezzor».

De son côté, Al Jazeera a indiqué hier sur son site web que les factions de l’opposition armée syrienne ont annoncé «mardi matin la prise des villes et villages de Halfaya, Maardis et Taybat Al Imam dans la campagne septentrionale de Hama, après des batailles acharnées contre l’armée syrienne et des groupes militaires soutenus par l’Iran». «L’opposition avait précédemment annoncé le contrôle de nouveaux villages dans la campagne de Hama, en particulier dans la plaine d’Al Ghab, en plus de la prise de sites militaires stratégiques à Alep, y compris l’aéroport militaire d’Al Nairab et l’école d’infanterie, ainsi que l’ensemble de la province d’Idleb.»

Al Jazzera fait état également d’une information donnée par l’agence Reuters, selon laquelle «des éléments de factions chiites soutenues par l’Iran sont entrés en Syrie depuis l’Irak et se dirigent vers le nord pour renforcer les troupes du régime syrien qui combattent les forces de l’opposition».
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG syrienne basée à Londres citée par l’AFP, a confirmé de son côté aussi que «de violents affrontements se déroulent dans le nord de la province de Hama, alors que les aviations russe et syrienne mènent des dizaines de frappes» sur les positions rebelles.

Un correspondant de l’agence française témoigne qu’hier matin, il y avait «des dizaines de chars et de véhicules de l’armée syrienne abandonnés, sur la route menant à Hama». «Les combats et bombardements dans le nord-ouest du pays, les premiers de cette ampleur depuis 2020, ont fait 514 morts depuis le 27 novembre, dont 92 civils», précise l’AFP qui relaie des chiffres de l’OSDH.

Face à l’aggravation de la situation en Syrie, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, a appelé lundi à une «cessation immédiate des hostilités», selon son porte-parole Stéphane Dujarric. «Toutes les parties doivent faire leur possible pour protéger les civils et les infrastructures civiles, y compris permettre le passage en toute sécurité des civils qui fuient les hostilités», a souligné M. Dujarric. «Les Syriens subissent ce conflit depuis près de 14 ans. Ils méritent un horizon politique qui les mènera à un avenir pacifique, et pas à plus d’effusion de sang», a-t-il insisté.

70 000 déplacés dans le gouvernorat d’Alep 

Selon ONU-Info, «plus de 70 000 personnes ont été récemment déplacées en Syrie suite aux dernières offensives militaires lancées par les factions de l’opposition». Une grande partie de cet exode a eu lieu «de Tal Refaat vers le nord-ouest et le nord-est de la Syrie», selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Tal Refaat est une ville du nord de la Syrie située à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec la Turquie.

Elle était sous contrôle des forces kurdes. Dimanche, des groupes rebelles soutenus par la Turquie ont pris le contrôle de cette bourgade. «En outre, les déplacements vers les régions du Centre et du Sud persistent. De nouvelles arrivées ont été signalées dans les gouvernorats de Damas, Hama, Homs, Lattaquié et Tartous», observe ONU-info. «Au total, le HCR note que plus de 70 000 personnes ont été déplacées dans le gouvernorat d’Alep et dans d’autres parties de la Syrie», indique le site d’information de l’ONU. Globalement, «on assiste à un déplacement généralisé de civils dans toutes les zones touchées», alerte l’ONU.

Autre fait important à signaler : les réfugiés libanais qui avaient fui les frappes israéliennes au plus fort des combats entre le Hezbollah et l’entité sioniste, retournent chez eux. «30 000 réfugiés libanais auraient traversé le Liban depuis la Syrie à partir des points de passage frontaliers de Jdaidet Yabous et de Joussieh depuis le cessez-le-feu du 27 novembre 2024 au 1er décembre», relève le HCR.

Depuis le regain de tension qui rappelle les jours sombres de la guerre civile, les Syriens se trouvent pris au piège des affrontements entre les milices armées et les forces gouvernementales. «Les hostilités restent intenses à Alep, Idleb et Hama, avec des répercussions sur les civils, le personnel humanitaire, les installations et les biens», note le document de l’ONU.

«Des problèmes de protection ont été signalés, notamment des restrictions à la liberté de mouvement, des morts et des blessés, et des dommages aux biens et infrastructures civils, tels que les écoles, les établissements de santé, les banques, les lieux de culte et les magasins», détaille l’OCHA.

Onu-Info révèle que «la Syrie est déjà l’une des plus grandes crises humanitaires au monde, avec 16,7 millions de personnes ayant besoin d’aide et plus de 7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays». «Le nord-ouest de la Syrie abrite 3,4 millions de déplacés internes dont 2 millions vivent dans des camps, dans des conditions précaires», ajoute la même source. L’OMS prévient que la situation en Syrie «devient chaque jour plus urgente et plus critique».

«Le système de santé syrien a subi de nombreux chocs simultanés et consécutifs, notamment le tremblement de terre de 2023, un conflit prolongé, des déplacements à grande échelle, le déplacement récent de plus d’un demi-million de personnes depuis le Liban, de graves pénuries de personnel de santé et de graves déficits de financement», énumère l’OMS.

Et de poursuivre : «Dans l’ensemble du pays, près de 64% des établissements de soins primaires et 42% des établissements de soins secondaires fonctionnent partiellement ou ne fonctionnent pas.» Selon Onu-Info, «la ville d’Alep compte plus de 2 millions d’habitants, dont plus de 100 000 personnes récemment déplacées du Liban vers la Syrie.

Au milieu de cette crise, les problèmes de santé publique s’aggravent». Par ailleurs, l’OMS affirme avoir reçu des informations faisant état d’au moins six attaques contre des centres de santé en Syrie depuis le 27 novembre, date du début de l’offensive lancée par la coalition anti-Assad.

Docteur Christina Bethke, représentante de l’Organisation mondiale de la santé en Syrie citée par l’AFP, a fait savoir que l’escalade de violence qui ravage le nord-ouest du pays «a non seulement coûté des vies, mais également mis à rude épreuve un système de santé déjà fragile», en particulier à Alep, Idleb et Hama.

«Les hôpitaux de référence sont submergés de cas de traumatismes, avec des milliers de blessés admis rien qu’au cours des quatre derniers jours, et des médecins et infirmières qui travaillent 24 heures sur 24 pour sauver des vies, même au péril de leur vie et de celle de leur famille», a-t-elle témoigné. Selon l’OMS, il y avait à Alep 42 hôpitaux qui fonctionnaient – dont certains partiellement – avant le 27 novembre. Désormais «moins de huit hôpitaux continuent de fonctionner» et sont «au minimum de leurs capacités», prévient Christina Bethke.
 

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