Le nouveau dispositif gouvernemental régissant l’information en Algérie tarde à voir le jour, alors que les avant-projets de loi ont été étudiés en Conseil des ministres. C’est une longue attente qui ne se justifie pas, tant il y a urgence de mettre de l’ordre dans un secteur sinistré, et ce depuis des lustres, plus particulièrement les médias privés.
La grande masse des professionnels ignore totalement le contenu des nouveaux textes, faute d’une large concertation dans le secteur, limitée à quelques responsables et éditeurs. Leur souhait aujourd’hui est que la nouvelle batterie de projets de lois (presse écrite, audiovisuel, médias électroniques, publicité, comité d’éthique) soit dévoilée publiquement avant leur adoption au Parlement afin que soient inscrites leurs préoccupations. Cela facilitera le travail des députés, généralement peu au fait des questions des médias et leur évitera d’adopter des lois peu adaptées au nouveau contexte national et international. Le souci partagé par les professionnels est de sortir en toute urgence du statu quo actuel qui ravage tous les supports médiatiques, y compris dans le secteur public. Celui-ci a une mission classique qui est de s’inscrire dans la communication gouvernementale, mais son personnel est frustré dans l’accomplissement de son travail, plus précisément d’assurer une véritable mission de service public face à de fortes pesanteurs administratives. Mais là où le bât blesse, c’est au niveau de la presse privée dont l’évolution a été chaotique depuis les années 1990. Faire un journal, le tirer dans une rotative et le vendre coûte très cher et les ventes ne suffisent jamais à compenser les frais, surtout lorsqu’il ambitionne de faire de la qualité. Son nerf de la guerre est donc l’argent de la publicité. Durant la décennie 2000, c’est le secteur privé, alors prospère, qui en a été pourvoyeur jusqu’à sa décrue à partir de 2014, sous l’effet de la chute des prix du pétrole créant une grave crise financière interne. La fin de la publicité privée a poussé les journaux à s’orienter vers l’ANEP, c’est-à-dire vers de l’argent public qui a fini par devenir l’unique source de financement de tous les médias indépendants, et même un apport conséquent pour les médias publics. C’est devenu une dépendance de survie dont ont largement profité nombre de faux éditeurs motivés par le seul souci de l’enrichissement facile et rapide. Il leur arrive de ne même pas distribuer les journaux qu’ils confectionnent, au demeurant d’une qualité lamentable. Depuis 1990 les pouvoirs publics ont laissé faire, soucieux de s’entourer du maximum de médias peu dérangeants. Ils ne se sont jamais préoccupés de faire de cette publicité dite institutionnelle, importante en chiffres, un élément central d’une politique d’aide de l’Etat à la presse. Celle-ci est un classique dans les pays développés qui ont en fait un instrument d’appui à la pratique démocratique. La presse écrite subit un autre aléa, la baisse des tirages due en partie à la progression de la fréquentation des sites électroniques par les Algériens et au recul de la lecture au niveau des jeunes, notamment, attirés surtout par l’audiovisuel. Pour autant, la presse écrite a encore de beaux jours devant elle, du fait des progrès de l’instruction dans les deux langues arabe et française. Les Algériens ont des habitudes de lecture anciennes, notamment de la presse papier. Curieux de ce qui se passe quotidiennement en Algérie et dans le monde, ils sont demandeurs d’une information à deux niveaux : les faits bruts et instantanés où excelle la presse électronique, mais surtout des analyses, reportages, enquêtes, points de vue, illustrations, billets... apanage des journaux. Et c’est d’ailleurs ce qui a poussé les lecteurs des pays développés à revenir vers les journaux, après les avoir déserté un temps. Ils se sont rendu compte que pour comprendre le monde qui les entoure, il faut prendre son temps de lire, comprendre ce qu’il y a derrière l’information brute, ses retombées immédiates et la croiser à travers une diversité de points de vue, pas seulement de spécialités. C’est ce qui alimente la diversité et la pluralité des opinions, socle de la démocratie. Les médias électroniques ont, de leur côté, beaucoup gagné en visibilité et certains en influence. Mais le cadre juridique les régissant est étroit et, en l’absence d’une politique d’aide publique aux médias, ils restent confrontés aux même problèmes de financement que ceux des médias écrits. Idem des télévisions privées dont la plupart de statut privé sont dans l’attente de la loi devant clarifier leur statut. Elles arrivent pour le moment à survivre grâce à une abondante publicité privée, mais souvent avec un contenu éditorial non professionnel.