Le foot, la politique et le bonheur

18/01/2022 mis à jour: 06:09
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Même s’il n’arrive pas à mener l’équipe nationale à la qualification au second tour de la CAN, le coach Djamel Belmadi aura amplement mérité son titre de «ministre du bonheur».

Car de la joie, il en a donné aux Algériens, pas seulement aux fans de football, mais à toute une population qui avait tant besoin de sourire, de se défouler et aussi de pleurer de plaisir après tant de malheurs endurés : un long cortège de victimes du corona et d’incendies jamais égalés, une mer dévoreuse de jeunes et moins jeunes, un quotidien de privations de toutes sortes, même de liberté pour nombre de citoyens que des idées dérangeant l’ordre établi ont rendus coupables.

L’année 2021 a été particulièrement éprouvante et, à l’image d’autres périodes du passé, début des années 1980, avec la victoire contre l’Allemagne, puis fin de la décennie 2010, avec la Coupe de la CAN et, plus près, celle du monde arabe, c’est le football qui a permis une bénéfique catharsis et fait oublier, un temps, que la vie en Algérie est loin d’être un long fleuve tranquille.

Et par quoi remplacer la magie du ballon rond si, par malheur, elle en vient à s’effacer de notre paysage sportif ? Qui fera sortir dans les rues des villes et villages, par millions, des foules en transe, pour un moment de bonheur ? Si on se réfère à notre histoire contemporaine, il y a autre chose : la quête de liberté. Pour ceux qui ne l’ont pas vécue, elle est inscrite dans les manuels d’histoire, ce fut d’abord la journée de l’indépendance algérienne.

Le 5 Juillet 1962 vit l’ensemble du peuple algérien crier son immense joie de voir s’effondrer le système colonial oppresseur, en même temps qu’il vit naître un immense espoir, celui d’une nouvelle vie dans une Algérie prospère. Le 8 Octobre 1988, la jeunesse algérienne cria son ras-le-bol d’un régime liberticide, de la chape de plomb du parti-Etat, de la corruption généralisée et du désespoir social.

Et d’autres épisodes de fortes revendications, localisées mais toutes aussi essentielles, les plus marquantes le Printemps berbère réprimé et le soulèvement en Kabylie de 2001, ensanglanté. Vingt ans après, ce fut la déferlante du hirak, le même ras-le-bol, mais cette fois-ci le pacifisme le plus total et sans sang versé. De février 2019 et durant plus d’une année, la rue grondait puissamment avant de se taire et de se replier.

Depuis soixante années, donc, l’Algérie profonde et réelle n’arrête pas d’être en colère, ne voyant rien changer à sa condition, les régimes politiques se succédant avec les mêmes pratiques.

Et c’est ce qui, plus que l’amour du football, la rend sensible aux victoires de l’équipe nationale : elles sont un exutoire et une catharsis, c’est la joie contre la douleur, c’est l’amour de la patrie et du drapeau national, c’est enfin la fierté nationale face aux pays étrangers. C’est tout simplement le bonheur d’être Algérien et, sans conteste, les meilleurs ministres de l’Etat algérien, ce sont les coachs des Verts vainqueurs, à l’image de Djamel Belmadi, sans oublier tous ses aînés de la même veine.

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