Le film suédois «Triangle of sadness» clôture les 8es Journées du film européen à Alger : Le royaume flottant de l’égoïsme, de l’insignifiance et de la cupidité

02/03/2024 mis à jour: 12:00
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Triangle of sadness

Les 8es Journées du film européen d’Alger ont été clôturées, jeudi 29 février au soir, à la Cinémathèque algérienne avec la projection du film suédois «Triangle of sadness» (Le triangle de la tristesse).
 

Réalisé par Ruben Ostlund, «Triangle of sadness», sorti sous le titre «Sans filtre» dans les pays francophones, a décroché la palme d’or au Festival de Cannes en 2022. C’était la deuxième distinction pour ce réalisateur de 49 ans, après «The square» en 2017.

 Dès le début, le metteur en scène trace la voie de ce qu’il veut monter dans un film coléreux de 147 minutes. Dans une séance de casting, des jeunes hommes sont torse nu. Ils attendent d’être sélectionnés pour un défilé de mode. Le sélectionneur leur parle de faire bien la promotion d’une marque en «méprisant» le client à laquelle elle est adressée.

Carl (Harris Dickinson), un jeune homme blond, se détache du groupe par ses réponses. Il rencontre, après un défilé de mode, Yaya (Charlbi Dean), «une influenceuse» et mannequin. Lors d’un dîner, le couple se dispute. Carl demande à Yaya de payer l’addition, les mannequins féminins étant mieux payés que les masculins. Un dialogue absurde s’engage entre eux pendant plus de dix minutes, à table et lors du trajet vers l’hôtel. 

Il dévoile la personnalité de chacun d’entre eux et le rapport qu’ils ont avec l’argent. La fragilité de Yaya et de Carl est mise à nue et sera mise à rude épreuve lors d’une croisière à bord un yacht de luxe avec des personnes fortunées.
 

«Nous sommes tous égaux»

Il y a d’abord, Clémentine (Amanda Walker) et son mari Winston (Oliver Ford Davies), un couple britannique. «Nous fabriquons des engins de précision pour encourager la démocratie, des grenades», explique Winston, l’air hautain, lors d’un déjeuner, en présence de Carl et Yaya.
 

Il y a ensuite un richissime homme d’affaires russe, Dimitri (Zlatko Buric). «Je vend de la merde ! «, confie-t-il lors d’une autre discussion autour de la table. Il produit des engrais à base d’excréments d’animaux. Véra ( Sunnyi Melles), épouse de Dimitry, s’amuse avec le personnel et leur demande de «savourer le moment» et de «nager». Ses désirs sont des ordres. «Nous sommes tous égaux», dit-elle, verre de champagne en main.

Jarmo (Henrik Dorsin), qui a fait fortune dans les nouvelles technologies, cherche de la compagnie pour sortir de sa solitude. L’argent fait-il le bonheur  ?  

Paula (Vicki Berlin), responsable des hôtesses et stewards, pense que oui. Elle demande au personnel de dire tout le temps «Oui, monsieur», et ne dire jamais «non». L’objectif : avoir plus de pourboires. Alcoolique, le commandant (Woody Harrelson) ne sort pas de sa chambre, livrant le commandement à son second, Darius (Arvin Kananian), quelque peu perdu.  Le dîner du commandant vire au cauchemar lorsque le bateau commence à tanguer secoué par un mer en furie. 

C’est un festival de vomissements ! S’engage ensuite, un affrontement verbal entre Dimitri, «un russe capitaliste», et le commandant de bord, «un américain communiste». Un débat faussement idéologique sur un yacht de luxe de 250 millions de dollars. Prenant le micro interne du commandant, Dimitri annonce que le bateau va couler, suscitant un vent de panique à bord.
 

Un monde à la dérive

Certains passagers, des rescapés du naufrage, se retrouvent dans une île. Carl, Yaya, Jarmo, Dimitri et Thérèse, une femme à motricité limitée, se sont sans eau ni nourriture. Nelson (Jean-Christophe Folly), qui a échoué sur l’île, est pris pour un pirate à cause de sa peau noire. Il explique au groupe qu’il était employé dans le bateau mais dans les étages inférieur, donc «invisible». Ceux d’en bas sont toujours «transparents» !

L’arrivée d’Abigail (Dolly De Leon), qui était responsable des toilettes dans le yacht, va changer la donne. Elle devient capitaine puisqu’elle pêche le poisson et sait allumer le feu...Les dialogues entre les différents personnages sont décapants et hilarants. 

Chaque personnage se dévoile, apparaît sous ses vrais traits, rapidement, l’égoïsme remplace une solidarité de façade. Le long métrage est partagé en trois chapitres : «Carl et Yaya», «Le yacht» et «L’île».

Dans chaque chapitre, Ruben Ostlund décortique un monde à la dérive, dénonce la guerre et ses méfaits, le capitalisme et ses excès, la luxure décadente, l’insignifiance exprimée à travers les réseaux sociaux, le goût immodéré pour l’apparence...La nourriture est très présente dans cette comédie noire au point de rappeler le film «La grande bouffe» L’esprit suicidaire présent dans ce long métrage du réalisateur italien Marco Ferreri, sorti en 1973, est suggéré aussi dans «Triangle of sadness». 

En laissant le navire sans conduite, le commandant guide les passagers vers une mort certaine. Et sur l’île, la nourriture est troquée contre du sexe, comme hier, la norriture était échangée contre du pétrole en Irak. Un «programme» imposé par les Etats Unis et ses alliés à travers l’ONU.

Riche en dialogues, dits parfois comme des déclarations politiques ou des blagues lubriques, le film porte une forte dénonciation d’une civilisation en perdition où chacun croit avoir raison et où chacun pense que le monde s’arrête à ses pieds.  
 

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