Le chef de l’ONU demande un cessez-le-feu immédiat : Guterres met le Conseil de sécurité devant ses responsabilités

09/12/2023 mis à jour: 03:21
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Antonio Guterres attire l’attention une nouvelle fois de la communauté internationale sur le drame qu’endurent les Palestiniens

Pour la première fois de son mandat et après avoir alerté sans cesse sur la situation qualifiée de «chaotique» et de «désastreuse» par les représentants des institutions humanitaires onusiennes et les ONG de défense des droits de l’homme, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a activé jeudi dernier, l’article 99 de la Charte de l’ONU. 

Une disposition qui lui permet, en tant que secrétaire général de l’ONU, «d’attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute question qui, à son avis, pourrait menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales». 

Dans une déclaration publiée sur son compte X (anciennement Twitter), le chef de l’ONU a annoncé sa décision en écrivant : «Je viens d’évoquer l’article 99 de la Charte des Nations unies... Face au risque grave d’effondrement du système humanitaire à Ghaza, j’exhorte le Conseil de sécurité à contribuer pour éviter une catastrophe humanitaire et à appeler à un cessez-le-feu humanitaire». 

Cette saisine du Conseil de sécurité a suscité la colère de l’entité sioniste, exprimée sur le terrain, à travers l’intensification des raids meurtriers sur la population civile, les opérations d’arrestation de centaines de personnes, l’expulsion des femmes et des enfants vers le sud de Ghaza, pilonnée depuis près d’une semaine, mais aussi à travers des déclarations de certains responsables de l’extrême droite qui ont appelé à «l’exécution des prisonniers pour éviter toute transaction d’échanges d’otages». 

La démarche de Guterres vise, en fait, deux objectifs. Le premier, le plus urgent, est de faire pression sur les Etats-Unis qui s’opposent à toute trêve humanitaire, pour qu’ils lèvent le veto à la demande d’un cessez-le-feu, le second est d’attirer l’attention sur la nécessité de réformer le mode de gouvernance en faillite de l’ONU, notamment au niveau du Conseil de sécurité. 

Dans sa lettre,  Guterres a écrit :  «Les plus de huit semaines de combats ont créé des souffrances humaines épouvantables, des destructions physiques et des traumatismes collectifs à travers Israël et les Territoires palestiniens occupés», ajoutant plus loin : «Alors qu’Israël continue de cibler les militants du Hamas, les civils, dans toute la Bande de Ghaza, sont confrontés à un grave danger, avec plus de 15 000 personnes tuées, dont plus de 40% sont des enfants. Environ 80% des Ghazaouis sont déplacés et plus de 1,1 million d’entre eux cherchent refuge dans les abris de l’agence onusienne, l’Unrwa». 

Pour le chef de l’ONU, «il n’existe tout simplement aucune protection efficace pour les civils et aucun endroit n’est sûr. Les hôpitaux sont devenus des champs de bataille», et «au milieu des bombardements constants de toutes les parties de Ghaza, en l’absence d’abri ni d’éléments essentiels pour survivre, je m’attends à ce que l’ordre public s’effondre bientôt complètement, en raison des conditions désespérées à Ghaza. 

Une telle issue doit être évitée à tout prix». Guterres a estimé que «la communauté internationale a la responsabilité d’user de toute son influence pour empêcher une nouvelle escalade et mettre fin à cette crise», avant de réitérer son appel pour qu’un «cessez-le-feu humanitaire soit déclaré. 

C’est urgent. La population civile doit être épargnée des plus grands dommages», précisant qu’avec «l’arrêt des hostilités, il y avait de l’espoir» pour que l’aide  humanitaire «soit acheminée en toute sécurité et en temps opportun». 

Ce cri de détresse a été précédé, au début du mois courant, de «profonds regrets» exprimés face à la reprise de la guerre par l’entité sioniste à Ghaza, avant même la fin de la trêve. Ses nombreuses déclarations sur la situation à Ghaza lui ont d’ailleurs valu de violentes attaques, y compris au sein de l’ONU où l’ambassadeur de l’entité sioniste, Gilad Erdan, l’a qualifié de personne ayant «perdu son sens moral», juste parce qu’il a déclaré que Ghaza est devenue «un cimetière pour enfants». 

Jeudi dernier, la première réaction est venue du chef de la diplomatie israélienne, Elie Cohen, pour lequel la saisine du Conseil de sécurité par Guterres constitue «un soutien à l’organisation terroriste Hamas». Plus grave, le responsable israélien va jusqu’à qualifier Guterres de «danger pour la paix mondiale». 
 

Violentes attaques de l’entité sioniste contre le chef de l’Onu

Réaction légitime, lorsqu’on sait que l’initiative de Guterres peut contrarier les Etats-Unis, alliés stratégiques de l’entité sioniste au sein du Conseil de sécurité, et probablement les pousser à lâcher du lest, vu la pression énorme exercée par une opinion publique de plus en plus opposée à la guerre et une autre de l’intérieur même de l’administration Biden. Dans le cas contraire, c’est-à-dire sans consensus, l’ONU ne pourra rien faire. 
 

Les Emirats se sont tout de suite emparés de la saisine de Guterres pour déposer un projet de résolution devant être discuté par le Conseil de sécurité demandant un cessez-le-feu, en rappelant aux parties «leurs obligations à se soumettre à la loi internationale». Le vote s’est tenu dans un contexte diplomatique aussi difficile que tendu. 
 

Le porte-parole de Guterres avait d’ailleurs exprimé, lors de sa conférence de presse, son souhait que «le Conseil de sécurité tiendra compte de l’appel» du chef de l’ONU.  

Réagissant à cette initiative, le ministère palestinien des Affaires étrangères et des Expatriés a salué, dans un communiqué diffusé par l’agence palestinienne Wafa, la démarche qu’il a qualifiée d’«étape très nécessaire conforme aux tâches assignées au Conseil de sécurité et aux institutions de légitimité internationale et conforme aussi aux avertissements internationaux quant aux répercussions de la catastrophe humanitaire qui frappe les Palestiniens civils dans la Bande de Ghaza, à la suite de la guerre génocidaire». 

Tout en condamnant avec fermeté le «terrorisme politique» de l’entité sioniste contre Antonio Guterres, «dans une tentative de le décourager», les Palestiniens ont affirmé que le secrétaire général de l’ONU doit pouvoir «remplir son rôle de mener à bien ses activités et ses fonctions, conformément à la Charte des Nations unies, au droit international et aux principes des droits de l’homme». 

Par la même occasion, le MAE palestinien a exhorté les dirigeants et les pays du monde à «soutenir» l’initiative de Guterres pour «pousser le Conseil de sécurité à remplir ses obligations et à décider d’un cessez-le-feu à Ghaza, théâtre depuis le 7 octobre d’agressions sionistes barbares». 

Pour sa part, le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a exprimé également  son «soutien» à la saisine de Guterres et à son commentaire publié sur la plateforme X, sur la situation humanitaire à Ghaza, la présentant comme une «menace pour la paix et la sécurité internationales». Ghebreyesus a affirmé  que le système de santé à Ghaza «est sur le point de s’effondrer», avant de mettre l’accent sur la «nécessité de la paix pour la santé».
 

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