Le drone devient incontournable dans les batailles militaires modernes. Du siège du commandement des forces aériennes à Alger, où il était en visite de travail le 4 avril, le chef de l’état-major de l’ANP, le général d’armée Saïd Chanegriha, le fait clairement savoir. S’adapter en permanence aux évolutions technologiques militaires est un besoin impérieux dicté par la conjoncture actuelle marquée par l’usage grandissant des drones dans la guerre, souligne le chef de l’état-major de l’ANP.
Ainsi, l’optimisation de la performance opérationnelle des forces aériennes passe nécessairement par une meilleure connaissance et une plus grande maîtrise technologique de ces petits aéronefs sans équipage qui arrivent, à eux seuls, à faire la différence sur le champ de bataille. Le conflit en Ukraine est un exemple illustratif des prouesses dont sont capables les drones, mieux élaborés.
L’institution militaire a fait son petit bonhomme de chemin en la matière. Grâce à ses compétences internes, ingénieurs et techniciens, l’ANP a réussi à mettre sur pied deux types de drones, appelés «El Djazaïr 54» et «El Djazaïr 55». Il s’agit de modèles modifiés et améliorés du «Yabhon United 40», mis en place par la société émiratie Adcom Systems, spécialisée dans la fabrication de véhicules aériens sans pilote (UAV). Certains spécialistes considèrent les modèles développés par l’ANP plus performants que leur version originale. Ces deux premiers drones militaires de fabrication locale ont été testés avec succès en décembre 2018.
Quelques mois plus tard, en avril 2019, l’armée de l’air en a fait usage en situation réelle pour détruire des casemates appartenant à des groupes terroristes. L’opération antiterroriste, première à être menée par des drones, s’est déroulée dans la région de Tébessa, dans l’est du pays.
D’autres missions de lutte contre le terrorisme ont été exécutées durant la même année par le même type de drones. Elles ont été toutes couronnées par un succès. Après quelques missions, ces petits aéronefs au guidage automatique ont démontré leur efficacité et leur qualité de précision.
Être à la pointe de la technologie
Mais le haut commandement militaire ne se contente pas de ces deux modèles. Pour ne pas être à la traîne et suivre l’évolution technologique rapide que connaissent les drones, l’ANP s’attelle à les perfectionner. De nouvelles versions sont ainsi en cours de développement. Elle s’emploie aussi à enrichir son arsenal d’intervention en acquérant d’autres modèles auprès de pays amis et partenaires. Selon des informations relayées par plusieurs médias, l’armée de l’air aurait passé commande auprès de la Société de l’industrie aéronautique de Chine (AVIC), qui a développé une gamme de drones à la pointe de la technologie, déjà utilisés par l’armée chinoise.
Parmi les modèles les plus aboutis, il y a le «Wing Loong II», inspiré des caractéristiques du drone américain «MQ-9 Reaper», qui a fait ses preuves sur le théâtre des opérations en Egypte et au Yémen. L’ANP, faut-il le souligner, a déjà acquis il y a quelques années le drone chinois «CH-4». Mais selon les spécialistes, le «Wing Loog II» est de loin plus approprié pour les guerres modernes.
Alger, qui a une dense coopération avec Ankara, va renforcer sa flotte d’avions sans pilote en recourant à la technologie turque. Un accord de vente a été conclu entre le commandement des forces aériennes et le groupe Turkish Aerospace Industries pour la fourniture de six drones. Les drones militaires turcs, à l’instar du célèbre «Bayraktar TB2», ont démontré leur performance sur le terrain aussi bien en Syrie qu’en Libye. Mais leur plus grand succès a été en Ukraine.
Par la diversification de ses acquisitions, l’ANP cherche à avoir une meilleure maîtrise de ces nouvelles armes, placées aujourd’hui au cœur des interventions militaires dans le monde.
Le recours aux drones est en effet de plus en plus fréquent aussi bien dans les missions de reconnaissance que dans l’exécution des opérations militaires. On voit bien comment l’armée américaine a pu éliminer en été 2022 le n°1 d’Al Qaîda, Ayman Al Zawahiri, alors qu’il se prélassait sur le balcon de sa maison à Kaboul.
Le drone employé dans cette opération n’était pas doté de charges explosives mais plutôt de six lames ayant découpé leur cible. L’opération a été d’une telle précision qu’aucun autre membre de sa famille n’a été blessé. C’est dire à quel point ces aéronefs sans équipage sont redoutables.
Menaces grandissantes à nos frontières
Pas loin de nos frontières ouest, le Maroc utilise des drones pour frapper des populations civiles dans les territoires occupés du Sahara occidental. On se souvient encore des trois ressortissants algériens, transporteurs de marchandises assurant la ligne Ouargla-Nouakchott, qui ont été tués par des tirs d’un drone marocain en novembre 2021 pendant qu’ils traversaient le Sahara occidental.
La présence de ces engins volants armés à nos frontières constitue une menace à la sécurité nationale, surtout lorsqu’ils sont entre les mains d’une monarchie belliqueuse et expansionniste, qui voue aux gémonies l’Algérie. Le danger est encore plus croissant quand on sait que le makhzen a normalisé avec l’entité sioniste avec laquelle il a même conclu des accords de défense.
Une entité qui n’hésiterait pas à user de tous les moyens en sa possession pour nuire à la stabilité de l’Algérie. L’ANP, qui a fortement renforcé le dispositif sécuritaire tout le long de la frontière avec le Maroc, doit aussi faire face aux menaces grandissantes pouvant venir du Sahel, devenu au fil des ans le nid des groupes terroristes et des narcotrafiquants. L’utilisation des drones ne pourrait qu’être d’un grand apport dans l’effort de la sécurisation totale de cette longue ligne frontalière avec le Mali, le Niger et la Libye, trois pays qui vivent au rythme de crises politiques et de tensions sécuritaires.
Le génie algérien
Pour disposer de drones toujours à la pointe de la technologie et afin de ne pas dépendre des fournisseurs étrangers, l’institution militaire pourrait collaborer avec des entités civiles nationales qui ont enregistré, au cours de ces dernières années, de belles avancées dans ce demain.
On peut citer dans ce sillage le Centre de recherche en technologie industrielle (CRTI) de Bou Ismail, qui a réalisé trois modèles de drones à usage civil, dans le cadre de la coopération avec la Direction générale de la Protection civile, la Direction générale des forêts (DGF) et le ministère de l’Agriculture. Un 4e modèle est en développement. Il s’agit d’un drone de surveillance des installations industrielles.
Le 3 avril, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Kamel Baddari, avait annoncé la maîtrise parfaite de la technologie de l’industrie des drones par les chercheurs algériens.
Selon lui, le taux d’intégration a déjà atteint les 60%. Pour stimuler davantage la recherche dans ce domaine et faire de l’innovation, le département de M. Baddari compte lancer, au cours de l’année 2023, une école supérieure de technologie des systèmes des drones.