Larbi Ramdani revient sur son expérience de harrag : «L’arbre de mes rêves a dépéri, mais les senteurs de Samos l’ont maintenu vivant»

24/07/2022 mis à jour: 00:11
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Le journaliste Larbi Ramdani raconte sa traversée de la Méditerranée. Son récit se termine sur une note d’espoir : «L’arbre de mes rêves a dépéri, mais ne s’est pas asséché. Les senteurs de Samos l’ont maintenu vivant.»

Le sujet de la harga est présent dans la littérature algérienne. Des romanciers s’y sont intéressés, plus particulièrement depuis le début des années 2000 : Salim Bachi, Farid Benyoucef, Roshd Djigouadi, Kamel A. Bouayad ou encore Boualem Sansal l’ont abordé sous des angles différents. Larbi Ramdani, jeune auteur et journaliste arabophone, l’a décrit à partir d’une expérience vécue, celle d’un jeune harrag (littéralement «brûleur») qui a fait la traversée de la Méditerranée. «La harga est une occasion pour moi de connaître ce phénomène de près, loin des clichés», souligne en substance M. Ramdani dans un entretien.

Ce jeune trentenaire, natif de Médéa, a vécu des moments intenses : côtoyer le monde impitoyable des passeurs en Turquie, vivre la traversée avec ses horreurs, jouer au chat et à la souris avec les policiers, fréquenté des gens d’autres nationalités, vivre des joies furtives en Grèce... L’auteur s’est décidé à écrire Chants de sel, autobiographie d’un harrag à la demande de ses amis.

L’un d’eux, l’écrivain Saïd Khatibi, écrira l’introduction du récit. «Larbi Ramdani apporte un témoignage, qui ouvre des questions plus qu’il n’apporte de réponses», tranche Khatibi, pour qui la lecture du témoignage de l’auteur doit nous inciter à revoir notre définition de l’expression tant galvaudée d’«émigration clandestine».

Remontant jusqu’à l’époque de Saint Augustin, qui «a fui» son pays pour Rome, l’auteur de Hatabo Sarajevo  souligne que le «harrag algérien n’a rien inventé» et n’a point commis de crime, comme l’assène le récit officiel, mais il marche sur les traces de ses aïeux qui ont défié la mer, et l’ont traversée sur les bateaux pirates ou dans les soutes de navires  des compagnies maritimes pendant la colonisation. Larbi Ramdani a un mérite : il fait un récit détaillé de son projet, depuis la Turquie, après l’obtention de visa, jusqu’en Grèce et son expulsion.

Le narrateur dresse des portraits saisissants : des passeurs, de ses compagnons migrants venus de partout, d’Afrique du Nord, du Proche-Orient, mais aussi de plus loin… Le texte de Larbi Ramdani permet aussi de déceler le mensonge des Etats censés lutter contre ce phénomène.

L’auteur est catégorique : «La harga ne s’arrêtera pas malgré la voracité des passeurs, l’hypocrisie des Etats, la désolation des prisons et la sauvagerie des mers…» Contraint de revenir au pays avec ses amis harraga, Larbi dit son amour de la Grèce : «J’ai aimé la Grèce malgré tout ce qui s’y est passé. J’étais libre et heureux la plupart du temps alors que j’y suis entré clandestinement…»

Le récit de plus de 300 pages de Ramdani se termine sur une note d’espoir malgré les souffrances vécues : «L’arbre de mes rêves a dépéri, mais ne s’est pas asséché. Les senteurs de Samos l’ont maintenu vivant.»

 

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