Le cinéma Afrique situé boulevard Abane Ramdane, au centre de la ville de Larbaâ Nath Irathen, à côté de l’ex-hôtel Irathen, est dans un état déplorable. L’édifice est un patrimoine communal que la politique des concessions a heureusement raté, ce qui a permis à la mairie de reprendre l’infrastructure et de la remettre à sa vocation.
Si cher à l’ancienne génération de la région, habituée de ce lieu dans ses temps mémorables d’effervescence culturelle et politiques, l’état déplorable du bâti résume à lui seul le déclin culturel inquiétant dans la région, qui a été pourtant toujours à l’avant-garde.
Ce cinéma est laissé à l’abandon pendant plusieurs années, voire des décennies sans que les services concernés, à différents niveaux, ne s’en inquiètent. Inévitablement, la dégradation et la détérioration se sont emparées des lieux en nous offrant à la fin un tableau fait de désolation : faux plafond éventrés, moquette murale et rideaux de scène déchirés, terrasse à étanchéité endommagées, infiltrations d’eau pluviales, peinture intérieure méconnaissable, sanitaires dégradés et des fauteuils à reformer.
Pour le matériel électrique : la sonorisation, l’éclairage, le matériel de projection, le constat est aussi lamentable. «Il ne manque plus que des dizaines de pigeons dans ce lieu symbolique pour parfaire cette œuvre de notre négligence, et de la mauvaise gestion l’argent public destiné au secteur de la culture», regrette Ahmed qui a toujours en mémoire les beaux jours du cinéma Afrique. L’Assemblée communale en place, à Larbâa Nath Irathen, a finalement réussi à dégager une enveloppe de 11 250 000 (onze millions deux cent cinquante mille dinars) pour ce projet de rénovation reparti en deux lots, dont le premier est consacré au bâti et équipements de finition, et le second aux accessoires électriques (éclairage, écrans, sonorisation…).
Selon nos informations, «une entreprise a été retenue à cet effet pour un délai de réalisation de trois mois». Cet édifice communal, le seul à travers toute la daïra de LNI sera ainsi sauvé. Cependant, les citoyens exhortent les services communaux à «continuer sur cette lancée afin de récupérer un maximum de biens communaux détournés de leurs vocation initiale ou livrés à l’abandon depuis des décennies ».
Les jeunes de la daïra de Larbaâ Nath Irathen devront reconquérir, comme dans toutes les régions d’Algérie, les terrains perdus de la culture, afin de renouer avec les valeurs saines du savoir, de la fraternité, du nationalisme et de l’espoir en des meilleurs lendemains.
Reconquérir les espaces culturels
Pour ce faire, les acteurs de la culture dans ses différentes disciplines devront déjà penser à reprendre activité quand cela est possible au niveau des villages et des centres culturels. «Il est quand même douloureux de rester immobile face à ce désert culturel, alors que la région regorge de potentialité», estime-t-on. Beaucoup d’inquiétudes sur ce plan sont légitimes, beaucoup de questions méritent d’être posées. K. Nacer demeure perplexe sur une question qui taraude son esprit «pourquoi lors du concours de la chanson chaâbie Ahcéne Mezani, aucune activité aussi symbolique soit-elle n’est organisée dans la ville de Larbaâ Nath Iraten qui a enfanté ce grand chanteur ?»
Le cinéma Afrique de Larbaâ Nath Irathen, dont l’appellation suffit pour reconnaitre l’apport des Ath Yirathen à la culture, à l’histoire et les indépendances à travers le monde, devrait être un haut lieu de la culture fidèle aux pensées et aux engagements de l’interminable liste de leurs vaillants aïeux, dans tous les domaines, à l’image de Djefel Mohammed, d’Ait Hague, président de l’ENA (Etoile nord africaine), la première organisation politique algérienne dans l’histoire à revendiquer l’indépendance, Leila Nouredine, fille de cheikh Noureddine, moudjahid non encarté et artiste fondateur de la Chaîne II, du village Aguemoune.
Il faut tout de même rappeler à chaque occasion, avant qu’ il ne soit trop tard, que la culture est l’ultime rempart contre l’ignorance, l’amnésie, la falsification de l’histoire ou la division et le cinéma Afrique, en attendant la récupération d’autres édifices communaux, tels que le centre culturel Ahcene Mezani au cœur de la ville, sera sûrement un lieu de savoir, de lumière et de fraternité en mesure de donner aux gens de Larbaâ Nath Irathe leurs justes valeurs chèrement acquises à travers l’histoire dans laquelle il n’ont, malgré toutes les exactions subies, raté aucun rendez-vous ! S. Zeggane