La gestion des territoires en Algérie reste assujettie à des considérations politiques avant d’être techniques, et l’aménagement du territoire s’est fait à travers des concepts et des orientations sujets à discussion. En absence d’une politique claire et à long terme basée sur une régionalisation géographique maîtrisable, il est difficile de parler de développement.
Les dangers permanents, source de risques écologiques et technologiques, sont au nombre de trois, à savoir :
L’aménagement du territoire qui constitue la base fondamentale de tout projet national, régional et local de développement socioéconomique durable et ses retombées sur la population, son but principal est d’identifier et de localiser dans un cadre géographique des espaces homogènes avec une évaluation de leurs potentialités tant naturelles qu’humaines et économiques permettant une meilleure répartition des hommes et de leurs activités sans nuire aux écosystèmes. Il apparaît comme une exigence de justice spatiale par la correction des disparités.
C’est également une exigence économique en termes de croissance d’efficacité, de développement et de l’environnement, et repose sur une exigence technique qui introduit l’idée d’une spécialisation fonctionnelle des territoires, pilier du développement économique local, régional et national.
Comment sont aménagés nos territoires ?
C’est une question fondamentale à laquelle il faut répondre avec le maximum de clarté axée sur une critique constructive. Actuellement, l’aménagement du territoire présente des signes de dysfonctionnement du système, l’organisation spatiale qui en découle ne répond plus aux sollicitations du système démographique et socioéconomique et environnemental. En Algérie, ce concept est né en 1987 avec la loi n°87-03 du 27 janvier 1987 relative à l’aménagement du territoire suivie de la loi n°2001-20 du 12 décembre 2001 relative à l’aménagement et au développement durable du territoire et du Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) qui a été adopté en juin 2010. Ce SNAT découpe le pays en 8 régions ne se basant sur aucune méthode intégrée et de planification écologique pratique d’aménagement et ne prend pas totalement en charge la protection de l’environnement et l’évaluation des potentialités de chaque espace.
Les conséquences de cet aménagement se sont traduites par une mauvaise occupation des territoires et une dégradation de tous les systèmes industriels, urbains, hydriques, économiques, agraires, forestiers et steppiques. Les conditions géographiques, territoriales, urbaines, administratives et d’équipements structurants ne sont pas réunies pour permettre l’installation d’investisseurs.
Ces derniers sont, avant leur installation, à la recherche de diverses commodités les encourageant à investir une fois les gisements et les marchés connus et évalués. Les nombreux indicateurs issus d’études et de documents divers remettent en cause le SNAT et le SRAT ainsi que les PAWT et les PDAU. Ces derniers ont tous été révisés sous la pression des besoins en logements faisant fi des orientations de ces documents. En dépit d’une réglementation assez riche et précise, nos territoires sont méconnus et menacés en permanence par des comportements ignorant la réglementation et rejetant le SNAT, les SRAT, les PAWT et les PDAU. La révision constante de ces derniers ne se réfère à aucun des documents cités et consolide que ces documents d’aménagement sont obsolètes.
A quoi sert un aménagement des territoires ?
Une autre question qui s’impose pour pouvoir développer durablement le local en urgence. Il faut souligner que l’économie du territoire reste encore un concept ignoré dans notre pays, alors qu’il date de 1975 dans d’autres pays. La reconquête rationnelle du territoire demeure encore absente chez nos responsables, car elle passe nécessairement par une connaissance et la maîtrise du fonctionnement et des interactions des espaces et de leurs potentialités avec ses utilisateurs. L’aménagement intégré des territoires repose sur la délimitation d’espaces homogènes au niveau local et l’analyse des systèmes d’exploitation des terres reposant sur une base d’approche et de compréhension de l’utilisation de l’espace. La perception de l’espace à plusieurs niveaux spatiaux doit permettre à mieux appréhender les potentialités tant géographiques, économiques, sociales qu’environnementales.
L’utilisation de la méthode MADS permet de cibler les principaux dysfonctionnements des outils SNAT, SRAT, PAWT et PDAU. La politique de gestion de l’espace laisse apparaître des inadéquations qui se résument en ces points :
1. l’aspect géographique et ses composantes qui sont des leviers permettant de cibler les écosystèmes humains n’ont pas été pris en charge ;
2. la mutation constante de l’espace rural et agricole sous l’effet de politiques de développement incohérentes et non capitalisées ;
3. une méconnaissance de l’évaluation des ressources naturelles (eau, forêts, steppes, géologie, biodiversité) et humaines et des possibilités d’investissement ;
4. un découpage des territoires sans objectifs et ne reposant sur aucune méthode testée et avérée ;
5. les 8 régions ne permettent pas un aménagement intégré durable car très hétérogènes et dont les potentialités sont méconnues ;
6. les unités de base de gestion durable des espaces que sont les zones homo-écologiques sont absentes ;
7. une inefficacité des textes et des institutions chargées de la gestion de l’espace.
La problématique est complexe, car il n’y a aucun modèle d’aménagement du territoire et le choix directeur régissant cette politique de gestion de l’espace ne semble pas encore mis au point.
Une hiérarchisation des paysages devrait permettre la compréhension du fonctionnement et la composition des espaces avec leur impact sur les activités humaines et l’utilisation qui peut être faite. Le rôle que joue chaque espace dans l’aménagement du territoire permet cette classification qui concerne essentiellement les espaces suivants :
- Espaces naturels (forestiers, steppiques, hydriques, culturels) ;
- espaces productifs (agricole, rural, industriel) ;
- espaces urbains (villes, routes, aéroports)
Quelle stratégie adopter pour un développement durable local ?
L’organisation spatiale de l’Algérie a tout le temps été imposée par des considérations politiques et surtout historiques, où les aménagements réalisés se sont imposés aux divers espaces. L’espace physique est le support sur lequel s’inscrivent toutes les actions de la société. Quand cet espace vient à ne pas être connu convenablement, alors toutes les dérives et les erreurs souvent irréparables peuvent être commises. Le territoire par définition est une globalité qui offre des contraintes et des potentialités, l’intelligence de l’homme se mesure à la qualité de ses interventions et des choix de l’occupation de l’espace qu’il retient et de la manière dont il les exécute. Sans une planification rigoureuse de la gestion des territoires où l’industrialisation, l’urbanisation, les infrastructures, l’exploitation des terres et des ressources hydriques seront et sont déjà menacées de diminution ou de pollution impactant tout programme de développement durable.La révision totale du SNAT, du SRAT et du PAW sous une nouvelle approche axée sur la parcelle relevant d’une zone homo-écologique et iso-potentielle permettant de cibler, d’évaluer et d’apprécier les potentialités. Cet outil incontournable de planification sur une vision à court terme pour stopper les erreurs actuelles puis sur le moyen et long terme. Sans une structure de planification axée sur une réelle division écologique et économique de développement durable, il est illusoire de prétendre à un développement socioéconomique viable et durable.
Aménagement des territoires et investissement
L’investisseur a besoin d’une réglementation durable induite par une stabilité politique issue d’une réelle démocratie secondée par une parfaite connaissance et cartographie des indicateurs d’investissement que sont les divers réseaux (réglementation stable, énergie, administration, banques, sécurité, numérisation, fiscalité, route, eau, téléphone, santé, éducation, etc.) et surtout de toutes les potentialités locales cartographiées et évaluées (disponibilité de matières premières, personnel qualifié, foncier abordable et équipé) et des études de marchés ciblant les possibilités offertes et les besoins locaux, régionaux et continentaux.
Le développement de l’investissement dépend de ces outils indispensables, ils ne peuvent être disponibles qu’à travers une révision totale de l’aménagement du territoire o le local doit constituer la pierre angulaire incontournable ce qui n’est pas le cas actuellement. Seule une politique d’aménagement reposant sur l’unité de base qu’est la zone géographique assez iso-potentielle et homo-écologique. Cet espace de base doit être identifié, délimité, cartographié et ses potentialités décrites et évaluées. L’investisseur a besoin avant de s’engager de disposer d’informations fiables sur l’ossature de l’espace où il se projette.
Les informations stratégiques auxquelles fait recours tout investisseur ont trait comme souligné précédemment à une politique avant-gardiste de l’investissement, durabilité et clarté de la réglementation, informatisation de son dossier, facilitations fiscales et bancaires, équipements structuraux de base, gisements en matières physiques et humaines.La stimulation des investissements reste également conditionnée par l’attrait d’un encadrement et de maîtrise exigeants en espaces de loisirs, d’habitat moderne, de culture et de conditions élémentaires de vie en société urbaine ou rurale qui sont totalement ignorés.
L’investisseur a une famille, des collaborateurs et des travailleurs qui aspirent à une qualité de vie mais qui font défaut. Les incivilités induites par des comportements répréhensibles se développent et prennent de l’ampleur comme le non-respect des règles de circulation, le stationnement sur les trottoirs, des ensembles urbains très mal gérés, le manque d’éducation civique, des saletés jonchant l’espace, le manque d’espaces verts et de loisirs, les nuisances sonores, le non-respect de la copropriété, etc.
Toutes ces incivilités constituent un handicap majeur que l’investisseur prend en charge dans ses prospections et des études de marché.Actuellement, nos communes et nos administrations sclérosées par une bureaucratie et un cheminement complexe ne connaissent pas leurs potentialités et n’ont aucune stratégie ni politique permettant d’attirer les investisseurs. Pour s’en rendre compte, il suffit d’analyser la composition et les compétences avérées de nos APC et APW en ce qui concerne leur encadrement et budget.
Quelle stratégie adopter ?
L’aménagement intégré durable du territoire à travers un SCOT (Schéma de cohérence des territoires) permet à court, moyen et long terme de faire un réel diagnostic technico-écologique induisant une identification des espaces homo-écologiques avec leurs caractéristiques géographiques, écologiques, physiques permettant l’évaluation des diverses potentialités sources d’investissements.
La protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de vie restent tributaires d’un SCOT identifiant les potentialités de chaque paysage homogène, d’où une révision total du SNAT et des SRAT où les volets écologie et qualité de vie doivent être pris en charge. Le concept des PDAU est à revoir pour une vision à long terme où les possibilités d’aménagement et d’investissement doivent primer en interdisant toute révision.
Les responsables ne sont pas souvent à l’écoute de la société civique et ses critiques constructives, d’où la nécessité d’installer les conseils consultatifs au développement durable au niveau des communes et des wilayas où la société civile jouera son rôle pleinement.
Les outils de gestion durable permettant l’encouragement des investissements doivent reposer sur :
• La région naturelle : définie par les facteurs physiques naturels stables.
• L’espace géographique : identifié par les paramètres démographiques et de colonisation des espaces.
• La zone équipotentielle : se caractérise par une certaine homogénéité d’indicateurs de potentialités.
• L’unité écologique : c’est la parcelle qui constitue la cellule fondamentale permettant d’évaluer les potentialités avec le maximum de précision et de choisir le type d’utilisation le plus rationnel.
Conclusion
La connaissance et la description du milieu dans toutes ses composantes constituent une base d’approche incontournable informant les investisseurs sur leurs exigences. Le milieu urbain ou rural se présente comme un capital exploitable et un milieu de vie. Pour atteindre cet objectif fondamental et nécessaire, il faut respecter la notion de conception globale de l’espace qui suppose une connaissance de la composition, du fonctionnement et de l’utilisation de cet espace et surtout de ses potentialités. Le schéma à suivre pour stimuler l’investissement repose sur un découpage du territoire en régions, paysages, unités et parcelles. Chaque parcelle doit être définie avec une évaluation de ses potentialités.
La numérisation de ces atouts avec une élimination de la bureaucratie, une fiscalité encourageante, une réglementation stable et respectée, une qualité de vie dans toutes ses composantes attireront les investisseurs.
Pr K. Benabdeli , Spécialiste en management environnemental