De 2,2 à 3,7 millions mètres cubes (m3)/jour devraient hisser le volume d’eau dessalée produite à partir de la Méditerranée après l’entrée en service des cinq usines de dessalement de l’eau de mer, réalisées dans les wilayas de Béjaïa (Tighremt-Toudja), de Boumerdès (Cap Djinet), de Tipasa (Fouka), d’Oran (Cap Blanc) et d’El Tarf (Koudiet Eddraouche), d’une capacité de production de 300 000 m3/j chacune, pour un coût de près de 2,4 milliards de dollars.
Avec la réalisation de six autres usines prévues d’ici 2030 pour quelque 3 milliards de dollars, l’Algérie portera ses capacités de production d’eau potable grâce au procédé de dessalement à environ 5,8 millions m3/j. L’ambition étant de parvenir, d’ici la fin de la décennie en cours, à couvrir les besoins en eau douce puisée dans l’eau de mer à hauteur de 60% contre 18% actuellement. Par toutes ces nouvelles installations, déjà opérationnelles et en projet, l’Algérie se voit propulser au rang des plus grands producteurs d’eau douce par dessalement en Méditerranée. L’Algérie (631 m3/an) se classe en 2e position, suivie de l’Espagne (405 millions m3/an) et l’Egypte (200 millions de m3).
Avec plus de la moitié de son approvisionnement en eau potable produite par dessalement, Malte est le leader en termes de pourcentage dans l’eau consommée, fait ressortir une étude de la Fondation Méditerranéenne d’études stratégiques (FMES), publiée en janvier 2024. D’une grande aridité, les pays du Moyen-Orient ont, toutefois, été parmi les premiers à se tourner vers les techniques de dessalement pour faire face à la raréfaction, sans cesse grandissante, de l’eau.
Phénomène essentiellement occasionné par plusieurs facteurs : dérèglement climatique, agriculture intensive et croissance démographique, observés partout dans le monde, «poussant les Etats à repenser leurs politiques hydriques, déterminantes pour la préservation de leur stabilité, leur résilience ainsi que de leur souveraineté», souligne-t-on.
La majorité des pays du Golfe dépendent désormais en grande partie de l’eau dessalée pour la consommation de leurs populations : aux Emirats arabes unis (EAU), 42% de l’eau potable proviennent d’usines de dessalement représentant plus de 7 millions m3/j, 90% pour le Koweït, 86% pour Oman, 70% pour l’Arabie Saoudite, apprend l’Institut français des relations internationales (IFRI), dans une récente recherche dédiée à la géopolitique du dessalement de l’eau de mer. Cet ensemble moyen-oriental dont les capacités de dessalement devraient passer au quasi-double en 2030, pèse, à lui seul, près de la moitié des capacités installées dans le monde.
Estimées, en 2022, à plus de 22 800 stations, soit presque deux fois plus qu’il y a dix ans, ces installations ont pourvu le globe d’environ 110 millions de mètres cubes d’eau par jour, et le secteur connaît une croissance avec un taux oscillant entre 6% et 12% de capacités par an, selon les pronostics de l’International Desalination and Reuse Association (IDRA).
S’agissant de l’Afrique, en plus des capacités déjà installées et «les projets d’envergure annoncés pour les quelques années à venir en Algérie et au Maroc, d’autres pays comme le Ghana, le Sénégal et le Kenya alimentent de nombreuses villes grâce à de l’eau de mer dessalée», ajoute-t-on.
DISTILLATION VS OSMOSE INVERSE
Et qu’en est-il des techniques de dessalement utilisées par tous ces pays, le nôtre en particulier ? D’après les scientifiques, la purification ou le traitement de l’eau de mer, c’est-à-dire « faire passer la concentration en sel de 35 g/l à moins de 0,5 g/l, seuil de potabilité généralement admis» s’effectue suivant deux procédés : «Un procédé thermique faisant intervenir l’évaporation (distillation) et un procédé membranaire appliquant le principe de l’osmose inverse», expliquent les chercheurs de la Fondation Méditerranéenne d’études stratégiques (FMES). Historiquement utilisée en raison de sa simplicité, le premier procédé, qui a l’avantage de fournir une eau très pure, s’avère être fortement gourmand en énergie (15kWh/m3 d’eau traitée). D’où l’actuelle tendance quasi générale à l’abandonner progressivement au profit de l’osmose inverse.
Ce dernier process en quoi consiste-il ? Il s’agit de «faire passer l’eau de mer sous pression à travers une membrane semi perméable de filtrage qui permet de retenir les impuretés présentes dans l’eau de mer pour ne laisser passer que les molécules d’eau», précisent les mêmes chercheurs. Beaucoup moins énergivore que la distillation ; seuls 4 à 5kWh/m3 sont nécessaires, l’osmose inverse sera retenue par la compagnie Sonatrach. Sa filiale, l’Algerian Energy Company (AEC) qui possède et exploite les 11 nouvelles usines de dessalement «facturera à l’Algérienne des eaux (ADE) entre 52 et 100 DA(0,39-0,76 dollar) par m³ d’eau», fera savoir le patron de l’AEC dans l’une de ses sorties médiatiques.
Globalement, de l’autre côté de la Méditerranée, « même si son coût a été divisé par dix en vingt ans, le dessalement revient cher. En comparaison des 0,3 euro/m3 d’eau produite par captation, l’eau dessalée coûte de 0,4 à 0,8 euro le m3 lorsqu’elle est produite par le procédé de l’osmose inverse, et de 0,65 à 1,8 euro par le procédé de la distillation.
Ce coût rend difficile l’équipement des pays en développement avec ce type d’usines», notent les chercheurs du FMES. Bien que son apport soit indéniable pour les pays qui l’ont adopté afin de remédier au stress hydrique et de prévenir l’impact au triple plan social, économique et politique y découlant, le dessalement de l’eau de mer, très tendance sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, région particulièrement touchée par les effets du dérèglement climatique, avec de récurrents épisodes de sécheresse générant une forte pression sur les réserves d’eau disponibles, risque, en revanche, de porter gravement atteinte à l’environnement : «La poursuite du développement des installations de dessalement et les rejets continus d’eaux avec une forte salinité vont affecter les organismes de la chaîne alimentaire et l’abondance de la faune et la flore dans les zones impactées dans des proportions encore difficiles à quantifier par manque de données scientifiques », met en garde le FMES, centre de recherches qui décrypte les questions géopolitiques et stratégiques de la zone couvrant le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient.