L’Algérie, l’Italie et Enrico Mattei

26/02/2023 mis à jour: 22:00
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Lors de son entrevue périodique avec les médias nationaux diffusée vendredi soir, le président de la République n’a pas tari d’éloges sur cet «ami de toujours» que représente l’Etat italien et son peuple. Cette sympathie à l’égard de l’Algérie et des Algériens remonte à la période combattante engagée par toutes les franges de la société algérienne pour s’affranchir du joug colonial. L’opinion publique italienne a toujours été sensible à la lutte et aux souffrances du peuple algérien. Les médias italiens, particulièrement ceux d’obédience centriste et gauchisante, ont été très imprégnés et très actifs dans l’appui à la lutte du peuple algérien. Comment en effet être oublieux que malgré les réticences de la France officielle, les activités du bureau FLN à Rome étaient libres et denses et que des filières de transit d’Algériens vers les zones des maquis via la Tunisie se faisaient sans contrainte (mais discrètes), tolérées et au su de certains cercles politiques officiels italiens. Comme l’Algérie ne peut également avoir la mémoire défaillante à l’égard de ce grand ami inconditionnel de notre combat libérateur, parti malheureusement trop tôt pour pouvoir accompagner notre jeune nation dans la récupération de ses richesses. Il s’agit du président de la toute puissante «Ente Nazionale Idrocarburi» (ENI), Enrico Mattei, démocrate chrétien, qui a combattu les majors américaines sur la base de contrats «fifty-fifty» avec les pays producteurs. Cela n’a plu évidemment ni aux Etats-Unis ni aux puissances exploitantes de ces richesses au détriment de pays affaiblis et dominés. Il a misé et soutenu l’indépendance de l’Algérie pour parachever sa stratégie globale de lutte contre les majors au moment du recouvrement de notre souveraineté. Son action en direction des nationalistes algériens et l’établissement de contacts directs lui ont valu la colère de la France, mais par la même le soutien de la presse italienne. Cette dernière a milité à injecter dans l’opinion publique locale ses idées novatrices et révolutionnaires sur la question des hydrocarbures et favoriser en parallèle un sentiment positif pour la lutte des Algériens pour leur indépendance. Enrico Mattei (un jardin public à Alger porte son nom) était, dit-on discrètement, dans la périphérie des négociations des Accords d’Evian en conseillant les membres de la délégation algérienne de ne pas céder sur la question du Sahara et d’avoir à l’esprit la force que l’Algérie naissante pourrait tirer d’une pleine maîtrise des ressources en hydrocarbures du Sud saharien et des atouts économiques qui en résulteraient. De ces idées avant-gardistes intervint, neuf ans après l’indépendance, la nationalisation des richesses pétrolières. La disparition de cet homme remarquable lors d’un accident d’avion douteux en octobre 1962 demeure à ce jour mystérieuse. Le président Tebboune a rappelé, vendredi soir, la grandeur de l’homme. Il s’est également étendu sur l’amitié apaisée et apaisante qu’entretiennent l’Algérie et l’Italie depuis des lustres. «L’Italie a toujours été à nos côtés», a-t-il affirmé, particulièrement dans les années difficiles. Quand l’Algérie voyait toutes les portes se refermer dans les années 1990 et risquait un étouffement économique et financier, le gouvernement italien était le seul «à nous consacrer une ligne de crédit de 13 milliards de dollars» et d’autres accommodements.

Depuis l’entrée des deux pays dans le nouveau siècle, les contacts à un haut niveau sont fréquents. Les visites officielles alternées entre les deux Etats et leurs représentants se font toujours dans une entente cordiale et profitable. Depuis l’avènement du président Tebboune, une attention plus accrue est menée sur le front de la coopération économique et énergétique, mais également dans nombre de secteurs d’intérêt commun.

Après la volte-face inattendue de l’Espagne, que Tebboune a estimé être «un coup inamical», l’Italie a été invitée à s’introduire dans la brèche pour venir compenser le désinvestissement et le retrait par l’Algérie du grand crédit économique et politique qu’elle accordait au gouvernement espagnol. Notre pays, dans une période de crise énergétique tendue en Europe du fait de la guerre russo-ukrainienne, a réorienté ses débouchés gaziers vers l’Italie et se promet de consacrer avec ce pays ami un partenariat stratégique exceptionnel.

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