L’administration Trump associe régulièrement les migrants aux cartels d’Amérique latine, en particulier ceux du Mexique et du Venezuela.
Le président américain, Donald Trump, dit faire la chasse aux étrangers criminels. Mais, qu’ils soient arrêtés en pleine procédure d’immigration légale ou de retour de lune de miel avec un mari américain, les migrants font face à des autorités qui ratissent large.
Coiffeur de 26 ans, Franco Caraballo a lancé une demande d’asile en 2023. En février, le Vénézuélien marié et père de deux enfants s’est rendu à un rendez-vous de l’ICE, l’agence fédérale chargée de l’immigration, à Dallas, au Texas. Il n’en est jamais ressorti. «Je n’ai rien fait, je suis quelqu’un de bien», répète-t-il par téléphone à sa femme vénézuélienne Johanny Sanchez, âgée de 22 ans.
Tatoué d’une rose et d’une montre avec l’heure de naissance de sa fille, Franco Caraballo a raconté avoir dû enfiler un uniforme rouge, destiné aux détenus considérés comme particulièrement dangereux. La veille de son expulsion, sa femme était toujours sans nouvelles. «Mon avocat a parlé à l’ICE.
Ils lui ont dit que Franco avait été expulsé (vers le Salvador), qu’il n’avait pas de casier judiciaire mais qu’ils le soupçonnaient d’être membre du Tren de Aragua à cause de ses tatouages», rapporte à l’AFP Johanny Sanchez. L’administration Trump associe régulièrement les migrants aux cartels d’Amérique latine, en particulier ceux du Mexique et du Venezuela.
Une loi de 1798 applicable en temps de guerre a même été exhumée mi-mars pour justifier l’expulsion vers le Salvador de plus de 200 personnes accusées d’être membres du gang vénézuélien Tren de Aragua, qualifiés de «terroristes» par la Maison-Blanche. Tatoueur de 35 ans, Jhon Chacin est arrivé légalement sur le territoire américain en octobre 2024.
Quelques mois plus tard, il est lui aussi arrêté à cause de ses tatouages et envoyé au Salvador sans aucune preuve à son encontre, assure sa sœur Yuliana, qui vit à Dallas. «Mon frère n’a aucun casier», insiste-t-elle. «Cela a été atroce pour lui, il n’avait jamais été en prison comme il l’est depuis six mois.» Pour Camila Munoz, le retour de lune de miel a été une douche froide.
Cette Péruvienne de 26 ans a été arrêtée en février à l’aéroport de Porto Rico, île des Caraïbes rattachée au territoire américain. Son visa avait certes expiré mais elle était en plein processus légal pour devenir résidente, assure son mari Bradley Bartell. «Je suis encore un peu sous le choc», confie-t-il.
Pourtant, Bradley Bartell a voté pour Donald Trump, dont la campagne présidentielle a été marquée par une rhétorique antimigrants particulièrement violente. «Je ne dirais pas que je regrette», dit-il. «Trump est là depuis deux mois et le système est là depuis bien plus longtemps. J’aimerais qu’il arrange le système judiciaire».
«La Situation la plus terrifiante»
Me David Rozas, son avocat spécialisé dans l’immigration, pense lui que la situation actuelle est «la plus terrifiante» qu’il n’ait jamais connue en deux décennies de carrière. «Les migrants sont la colonne vertébrale de ce pays. Le fait que l’on s’apprête à expulser des gens qui sont là depuis des années, travaillent pour ce pays, font des métiers que les Américains ont choisi de ne pas faire leur donne l’impression d’avoir été trahis», estime-t-il.
Originaire du Honduras, Shirly Guardado, 27 ans, se trouvait à son travail près de Houston, au Texas, lorsque la police de l’immigration l’a emmenée au motif qu’elle avait été impliquée dans un accident de la circulation. «Elle n’est pas une criminelle. C’est ma femme. C’est la mère de mon enfant. Elle a toujours respecté les règles. C’est une citoyenne modèle», affirme son mari, Ayssac Correa, 25 ans, militaire dans l’armée américaine.
Entrée clandestinement dans le pays il y a dix ans, Shirly Guardado a entamé des démarches pour devenir elle aussi une résidente légale depuis qu’elle s’est mariée et a eu un enfant aujourd’hui âgé de dix mois. «Il se peut qu’elle soit libérée. Mais je dois me préparer au cas où elle serait expulsée», se lamente Ayssac Correa. Commencera alors une longue procédure incertaine pour son retour. «Pendant ces trois à cinq ans, mon fils vivra sans sa mère».