Laaziz Faid. Ministre des Finances : «En diminuant les coûts, on maîtrise l’inflation»

12/06/2024 mis à jour: 07:36
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Photo : D. R.

En marge du séminaire sur le Projet d’appui à la gestion des finances publiques en Algérie (Pagfal), organisé par Expertise France, en partenariat avec le ministère des Finances, hier à Alger, le ministre Laaziz Faid a bien voulu nous expliquer la démarche du gouvernement sur la réforme budgétaire ainsi que la stratégie de lutte contre l’inflation.

Où en est le processus de mise en œuvre de la réforme budgétaire actuellement ?

Expertise France nous a aidés à mettre en place le dispositif avant l’intervention de la loi (Loi organique relative aux lois des finances adoptée en 2018, ndlr). Il s’agit donc aujourd'hui de savoir comment réussir l’engagement de ce processus à la fois sur le plan technique, de la ressource humaine et de la gouvernance. Il y a, en effet, toujours des améliorations à faire.

S’agissant du dispositif lui-même, il n’est pas encore totalement prêt ?  Dans le cadre de la réforme budgétaire, il est question d’impliquer la Cour des comptes, la comptabilité nationale, etc.

C’est pour cela que je dis que la réforme budgétaire n’est pas quelque chose qui se décrète. Elle a commencé en janvier 2023, et elle va s’étaler dans le temps. Nombre de pays qui  ont connu ces réformes ont dû mettre 15 à 20 ans pour y parvenir. Au Canada, ce processus a vu le jour en 1974, mais ils sont encore en train de le perfectionner aujourd’hui.

En France, ils ont mis une dizaine d’années pour le mettre en place, et ils sont en train d’y travailler jusqu’à présent.  Et nous, nous essayons de profiter des expériences de ces pays qui  nous ont devancés pour réussir notre processus. Nous avons besoin d’être accompagnés.

Il est vrai que ce processus de réforme est à ses débuts, puisque il en est à sa deuxième année aujourd’hui, mais est-ce que cela vous a permis d’avoir une meilleure visibilité ?

Deux ans après, nous avons constaté que la nouvelle culture est en train de s’enraciner. La première étape consiste en la maîtrise de l’architecture, des mécanismes à maîtriser, ensuite il y a le contenu, l’esprit de cette réforme.

Cela est un autre débat sur lequel nous sommes en train de travailler avec l’intervention de la Cour des comptes, pour voir comment elle doit certifier les comptes, et le SGB, c’est-à-dire le système intégré de gestion budgétaire, qui est tout simplement la numérisation de l’opération de la dépense publique.

On va s’engager. On est  sur cinq ministères pilotes et une wilaya. Nous avons testé un dispositif qui a bien fonctionné. Il sera généralisé désormais.

Le succès de cette nouvelle démarche, n’est-ce pas, dépend beaucoup de l’engagement de ceux qui sont chargés de gérer ce programme au niveau des ministères, puisqu’il est question des budgets programmes.

Effectivement, il appartient au ministère des Finances d’accompagner les autres ministères qui gèrent les budgets programmes. Le projet est piloté par le ministère des Finances.

Et si on devait changer de registre pour parler d’un sujet fort d’actualité, à savoir l’inflation. On voit bien que le niveau d’inflation a du mal à baisser en Algérie, en tout cas loin des objectifs souhaités, puisque la cible ne sera atteinte qu’à l’horizon 2028-2029, selon les chiffres du FMI.  Y a-t-il réellement  un problème de maîtrise d’inflation ou est-ce un choix délibéré du gouvernement ?

Le gouvernement a choisi de lutter contre l’inflation pour ramener son niveau à la baisse. La preuve, l’inflation est en train de diminuer et les derniers rapports de la BAD (Banque africaine de développement) et de la BM (Banque mondiale) attestent de la diminution de ce taux d’inflation. Et puis, dans le passé, la grande partie de cette inflation est une inflation importée.  En effet, les prix sur le plan international ont sensiblement augmenté. Tout ce qu’on  importait était grevé d’inflation.

Pourtant, à la lecture des rapports internationaux sur le sujet, l’inflation, contrairement à ce que vous affirmez, serait davantage le fait de la hausse des prix des produits alimentaires frais que de l’inflation importée, puisque nous serions en présence d’une désinflation mondiale. Comment pouvez-vous expliquer cela ?

Ce n’est que maintenant que la désinflation a commencé, et elle touche d’ailleurs notre économie. C’est vrai qu’actuellement, il y a une diminution des prix… Dans le passé, effectivement, les produits frais, qui constituent 40% du panier, ont connu une augmentation importante. Mais, il y a actuellement une nette diminution de ces prix sur le marché.

Vous avez pris la décision de baisser les taux d’intérêt bancaires alors que le niveau d’inflation reste quand même important. Comment est-ce possible ?

Nous n’imposons pas la diminution des taux d’intérêt. C’est une orientation qu’on donne aux banques pour travailler dans cette direction. Et à travers cette diminution, ce sont les coûts d’investissement qui vont diminuer. Cela va avoir un impact sur  l’ensemble des produits…

Il y a lieu de noter que cette décision est contraire aux recommandations du FMI qui préconise plutôt de s’éloigner d’une politique monétaire «accommodante», ainsi qu’il l’a qualifiée dans son dernier rapport…

Nous sommes souverains. Nous sommes en train de lutter contre l’inflation et sommes en train de tout mettre en place.  Il est vrai que nous ne sommes maîtres de ce qui est en rapport avec l’inflation importée, mais lorsqu’il s’agit des produits intérieurs, nous constatons qu’il y a une légère diminution ces derniers mois et on va continuer à travailler dans cette direction. En diminuant les coûts, on maîtrise l’inflation.

 

 

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