La sécurité hydrique passe par le dessalement de l’eau de mer : Comment mettre à profit l’osmose inverse ?

30/01/2023 mis à jour: 21:25
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A l’instar d’autres pays de la région MENA, l’Algérie connaît depuis quelques années un stress hydrique important. Cette situation est évidemment aggravée par l’impact des changements climatiques mais aussi par l’immensité de son territoire ou encore par la constante progression de la demande en eau due au développement socioéconomique et d’une population en croissance permanente. Et l’Algérie n’est pas un cas isolé. Un rapport de l’ONU, datant de 2019, fait état de 2 milliards de personnes affectées par le stress hydrique. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Et pour justement atténuer cette situation, «le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné d’élaborer un plan pour la généralisation des stations de dessalement de l’eau de mer tout le long de la bande côtière, ce qui constitue une décision salvatrice», affirme Hacène Mahmoudi, professeur à l’université de Chlef. Le dessalement d’eau de mer est donc devenu une priorité nationale afin de préserver les réserves stratégiques nationales aux futures générations. D’ailleurs, selon le chercheur, l’Algérie possède actuellement un parc très impressionnant composé de 11 méga-stations de dessalement d’eau de mer qui produisent en moyenne 2,1 millions de mètres cubes/j, soit 760 millions de mètres cubes/an. Cette production est destinée au renforcement de l’alimentation en eau potable (AEP) des wilayas côtières. «Notre pays peut se targuer d’assurer définitivement la sécurité hydrique en eau potable de toute la population localisée au nord du pays sur une bande large, en moyenne, de 150 km», se réjouit-il. Par ailleurs, Abdelmadjid Tebboune avait ordonné lors de la tenue, en juillet dernier, de la réunion du Conseil des ministres, le lancement, dans les plus brefs délais, de nouveaux projets de dessalement de l’eau de mer dans l’est, l’ouest et au centre du pays. Ainsi, cinq grandes stations d’une capacité de production de plus de 300 000 m3/jour chacune verront le jour dans les prochains mois. Ce nouveau programme permettra, selon Hacène Mahmoudi, d’atteindre une capacité d’eau dessalée globale de 3 800 000 m3/j, soit 1,39 milliard de mètres cubes/an, ce qui représente plus de 42% de la production totale d’eau potable. «Ces réalisations gigantesques permettront de réduire progressivement la pression sur les eaux souterraines et superficielles», affirme-t-il.

L’Osmose Inverse

Alors qu’à l’horizon 2030, la contribution de l’eau dessalée est estimée à plus de 60% des besoins de la population en eau douce et avec la mise en service de nouvelles stations de dessalement qui seront réalisées dans une deuxième phase (2025-2030), le spécialiste assure que la production passera de 1,4 à plus de 2 milliards de mètres cubes/an, ce qui répondra largement aux besoins en eau douce de notre population. M. Mahmoudi estime également que la création de l’Agence nationale de dessalement de l’eau de mer, regroupant les principaux acteurs dans le domaine, «reflète la clairvoyance et l’intérêt particulier qu’occupe le dessalement dans la politique de développement du Président, qui a, par la même occasion, ordonné l’ouverture d’une nouvelle spécialité académique pour la formation d’ingénieurs, de techniciens et de cadres algériens dans le domaine du dessalement de l’eau de mer».

Mais qu’en est-il de l’osmose inverse ? Pour M. Mahmoudi, il est d’abord important de définir ce qu’est le dessalement, et ce, pour corriger un quiproquo largement répandu. «En fait, le dessalement n’est pas du tout la production d’eau douce, à partir d’eau salée ou saumâtre, par élimination des sels contenus.» Le dessalement par la technique de l’osmose inverse consiste donc, selon le spécialiste, en l’extraction d’eau douce à partir d’une eau salée, ce qui génère la formation d’une eau très chargée en sels et en métaux, c’est ce qui constitue le «concentrât». «Ce dernier est considéré comme sous-produit et est souvent versé dans la mer. Nous n’avons pas suffisamment de recul pour affirmer que ce concentrât constitue un danger pour l’écosystème marin», précise-t-il. D’ailleurs, le concentrât, largement considéré comme un goulot d’étranglement pour les stations de dessalement, a récemment connu un intérêt très particulier de la part des chercheurs. «De nos jours, on parle d’un nouveau concept de la résolution 64/292 : oui pour le droit de l’homme à l’eau mais gratuitement», assure Hacène Mahmoudi. Ce dernier explique que certaines recherches affirment que l’extraction des sels et métaux présents dans le concentrât, pourrait couvrir tous les frais liés au dessalement de l’eau de mer et générer même des intérêts. L’eau dessalée pourrait ainsi devenir un sous-produit disponible gratuitement, tandis que le concentrât, tant décrié, devient, lui, une source de richesse. A noter par ailleurs que l’Etat a aussi dégagé un budget important pour lancer un programme de recherche très ambitieux couvrant les différents axes relatifs aux techniques de dessalement avec un intérêt particulier aux membranes. Surtout que ces dernières dans une usine de dessalement par osmose inverse constituent les pièces les plus précieuses et les plus fragiles. Il est donc important de les protéger contre toute forme d’encrassement ou de colmatage. Cette protection est d’ailleurs assurée, selon Hacène Mahmoudi, par le biais de produits chimiques, qui, malheureusement, sont rejetés dans le concentrât. C’est pourquoi, le spécialiste assure que si le choix de l’emplacement est bien fait dès le départ et si le pré-traitement de l’eau de mer avant de passer à l’osmoseur se fait correctement, l’usage des produits chimiques serait très limité et leurs risques de pollution seront sous contrôle. 

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