L’Office national de météorologie affirme que le retard en matière de précipitations est dû à une forte pression atmosphérique concentrée en Méditerranée, estimant toutefois qu’il est «trop tôt» pour parler d’une période de sécheresse. C’est une forte pression atmosphérique, une sorte de barrière qui empêche toute infiltration d’air froid, lequel est repoussé vers d’autres régions. Un changement est attendu à la fin du mois en cours, à partir du 12 février prochain et les jours du même mois qui s’en suivront. Le même phénomène météorologique avait été observé durant les trois dernières années (2019, 2020 et 2021), soit un retard de la saison des pluies attendues en décembre et janvier jusqu’aux dix derniers jours du mois de février, et des intempéries en février et mars incluant même des chutes de neige, avec une baisse de la pression atmosphérique concentrée en Méditerranée et l’infiltration de l’air froid dans les régions nord du pays. «Certainement qu’il pleuvra au printemps mais pas suffisamment pour remplir les barrages aux trois quart vides, irriguer les terres cultivables et renouveler les nappes phréatiques. Aggravée par le réchauffement climatique, la sécheresse est une donnée structurelle en Algérie. Elle commande une stratégie de lutte d’envergure ; elle doit être érigée en priorité nationale afin que soient contrôlés ses effets sur la population, l’agriculture et l’industrie.» Le directeur du Centre climatologique national (CCN), Salah Sahabi Abed, avait déclaré récemment à l’APS, que «parler de changements climatiques en Algérie ou dans tout autre pays est devenu une question courante. La situation climatique mondiale étant fortement affectée par le réchauffement qui a provoqué en Algérie, comme dans la région nord-africaine, des phénomènes naturels exceptionnels, notamment des sécheresses ou encore des orages fréquents sur de courtes périodes, susceptibles d’entraîner des inondations». M. Sahabi a rappelé les études réalisées par des spécialistes dans le domaine, qui «indiquent qu’au cours des prochaines années et jusqu’en 2030, ou encore en 2050, la pluviométrie saisonnière diminuera de 20%, voire oscillera entre 15 et 30%». «Si les émissions de gaz ne sont pas réduites ou atténuées en prenant les mesures nécessaires, il est possible de passer des hivers sans pluie», a-t-il mis en garde. «L’on constate que les taux de pluviométrie ont diminué en Algérie au cours des trente dernières années», a-t-il révélé. «Il y a dix ans, il a été constaté en Algérie que le mois de janvier est devenu un mois sec, sans que cela ne signifie que le pays est entré dans une phase de sécheresse», a-t-il fait savoir, soulignant dans le même contexte que «le CCN avait établi des prévisions pour les mois de décembre, janvier et février, annonçant des précipitations inférieures à la moyenne saisonnière, tandis que les prévisions pour les trois prochains mois démontrent que les taux de pluviométrie seront dans la normale». Ce n’est pas le fait uniquement de l’Algérie, toute la Méditerranée est affectée par des températures élevées et une sécheresse prononcée après des incendies de forêt dévastateurs. Le milieu et le nord de l’Europe ne sont pas épargnés, des cultures agricoles ont été sensiblement réduites. La sécheresse fréquente jointe aux vagues de chaleur sont devenues des phénomènes ordinaires dans de nombreux pays méditerranéens et liées directement ou indirectement aux effets du bouleversement climatique qui menace les écosystèmes, la production agricole et les moyens de subsistance. Selon Salah Sahabi Abed, directeur de l’exploitation météorologique et de la climatologie à l’ONM, «l’hiver de cette année pourrait connaître des épisodes de pluie intenses de courte durée avec des quantités de pluies localisées très importantes susceptibles d’engendrer des inondations». Il a rappelé que «les phénomènes extrêmes, accentués par le changement climatique marqueront sans doute, à l’avenir, le quotidien des Algériens», relevant que «les études menées dans ce sens montrent que les scénarios futurs du climat mettent en évidence, tantôt des pluies intenses de courte durée et parfois des périodes de sécheresse prolongée». D’après un expert cité récemment par El Watan, le phénomène est «lié généralement au mouvement de la terre et ses conséquences sur l’atmosphère». A l’origine cyclique, il est devenu plus fréquent en raison des actions incontrôlables de l’homme (activités, industries, agriculture et autres plus néfastes).
un pays pauvre en ressources en eau
La dernière sécheresse ayant frappé l’Algérie a été observée à l’ouest du pays durant une longue période s’étalant sur 30 ans, soit de 1975 à 2005. «Ce cas demeure le plus long des deux derniers siècles», a souligné à El Watan Ali Dekiche, enseignant en science de la terre à l’université d’Oran. «L’analyse spectrale de longues séries de précipitations à grande échelle a pu montrer, sur des périodes séculaires, une succession de longues périodes sèches dont les séquences, variant d’une décennie à trois, sont intercalées de séquences fortes humides et courtes», soutient cet ex-directeur régional des ressources en eau. Néanmoins, Sofiane Benadjila, ingénieur agronome, avertit, toujours dans El Watan, du fait que la hausse des températures durant cette période est loin d’être un phénomène épisodique. Le record des températures risque de s’installer dans la durée. «Nous sommes en train de vivre un changement climatique», ajoute M. Benadjila, pour qui, par ailleurs, «le déficit hydrique est tel qu’il n’est pas question de se considérer en face d’une sécheresse circonstancielle, puisque toute la région méditerranéenne est sur la trajectoire de l’aridité climatique». Enfin, selon les normes établies par la Banque mondiale, l’Algérie est classée comme un pays pauvre en matière des ressources en eau passant de 600 m3/ hab/an en 2006 à 500 m3/hab/an en 2020, le seuil de rareté fixé par la Banque mondiale étant de 1000 m3/hab/an. Le gouvernement pense, dans une première phase, augmenter la part du dessalement de 17 à 40% d’ici 2024 à Alger, Oran et Béjaïa. Cinq stations de dessalement sont en cours de réalisation, l’objectif est d’atteindre 60% d’eau issue du dessalement à l’horizon 2030 pour assurer la sécurité hydrique du pays. En outre, les pouvoirs publics ont programmé quatre barrages dont la réception se fera en 2024, ce qui portera leur nombre à 85 barrages dotés d’une capacité globale de neuf milliards de mètres cubes, contre une capacité de mobilisation estimée actuellement à 6,8 milliards de mètres cubes d’eau. Le phénomène est planétaire. «La sécheresse est sur le point de devenir la prochaine pandémie et il n’y a pas de vaccin pour la guérir», a alerté en juin dernier Mami Mizutori, la représentante spéciale de l’ONU pour la réduction des risques de catastrophe. A l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse, le 17 juin 2022, l’ONU a publié un rapport alarmant sur la question. L’Organisation estime que de 1998 à 2017, au moins 1,5 milliard de personnes ont été touchées par les sécheresses et qu’au moins 124 milliards de dollars ont été perdus dans le monde. Mort du bétail, mauvaises récoltes, faim ou conflits, la sécheresse affecte «de manière disproportionnée les pauvres et les marginalisés à travers le monde, pour qui le coût de la sécheresse se mesure en termes de vies, de moyens de subsistance et d’appauvrissement», écrivent les auteurs du rapport. L’Institut de recherche américain Pacific Institue a montré une augmentation significative des conflits liés à l’eau ces dix dernières années, passant d’une vingtaine en 2010 à plus de 70 en 2018. Et de fait, selon l’ONU, d’ici 2050, cinq milliards de personnes pourraient être touchées par une pénurie d’eau. C’est surtout la lutte contre le changement climatique qui permettra de mieux gérer les épisodes de sécheresse. Selon les recherches de l’ONU, ce dernier accroît le stress hydrique et a un effet sur la multiplication, l’intensité et la durée des épisodes de sécheresse. Le rapport appelle à une action «audacieuse et systémique, car les structures et politiques actuelles de gestion de la sécheresse sont loin de répondre aux besoins». Il y a un peu plus d’une année, à la COP 27, qui s’est déroulée en Egypte, un accord a été trouvé pour que les pays développés financent les dégâts du réchauffement climatique dans les pays pauvres. Il préserve l’essentiel qui est de limiter le réchauffement climatique à 1,5°c, mais il est timoré sur les émissions de gaz à effet de serre. La guerre entre la Russie et l’Ukraine est venue aggraver le pessimisme sur la capacité du monde à contrôler le réchauffement climatique.