La science, la technologie et l’innovation représentent des enjeux majeurs pour le progrès technologique et le développement économique et social.
En effet, le progrès technologique est la principale source de croissance économique et d’inclusion sociale, car il accroît la production économique et le bien-être des populations en améliorant la productivité, c’est-à-dire en permettant de produire plus avec les mêmes ressources, et en favorisant l’innovation et le développement (Cnuced, 2017).
A ce titre, l’Agenda des Objectifs de développement durable 2015-2023 (ODD) ne pourra réaliser des résultats que lorsque tous les pays, notamment les pays en développement (PED), seront en mesure d’utiliser plus largement les connaissances scientifiques et technologiques ainsi que l’innovation dans leurs processus sociaux et économiques.
Pour ce faire, on a besoin de compétences humaines et de capacités pour la production et l’absorption de connaissances nouvelles. Les capacités consistent en des personnes qualifiées pour le savoir tacite, en connaissances incorporées en particulier dans les biens de production et en connaissance non incorporée, le plus souvent de caractère formel.
Ces savoirs et ces capacités peuvent être produits en interne ou importés de l’extérieur. Les deux modalités coexistent en proportions variables dans toutes les économies comme dans toutes les entreprises.
Contrairement aux pays avancés, dans les PED en retard sur le plan scientifique et technologique, la partie d’origine externe (l’absorption de connaissances externes) est clairement dominante, car le niveau des compétences humaines et les efforts en matière de R&D sont moyens, ce qui limite l’augmentation du stock de connaissances.
En effet, les compétences scientifiques et technologiques sont indispensables pour les activités d’innovation et le progrès technique. Dès lors, la construction de compétences et de capacités constitue l’un des éléments majeurs et décisifs pour les performances économiques, à la fois les performances des entreprises et les performances macroéconomiques.
Cette tendance est liée au rôle du développement de l’économie de la connaissance, où les institutions et les organisations en faveur de l’éducation et la formation de compétences, le financement de la recherche et l’innovation, la réglementation et les régimes de propriété intellectuelle, etc. constituent des éléments stratégiques pour promouvoir l’innovation et créer de la richesse.
Ceci a affecté les domaines d’intervention des pouvoirs publics au sein des pays et le besoin d’instaurer des politiques scientifiques et technologiques et d’innovation pour la construction d’une économie fondée sur la connaissance.
Au plan micro-économique, ces bouleversements ont concerné également les entreprises et leur mode de fonctionnement, avec le développement d’entreprises technologiques et innovantes pour la compétitivité économique.
Ainsi, le développement économique est lié à l’amélioration des compétences de la main-d’œuvre, à la production et la diffusion des connaissances au sein des entreprises et l’économie en général, à la reproduction des pratiques efficaces, enfin, à l’amélioration de la qualité des produits et des processus de production.
Comme l’expliquent les deux économistes Haudeville et Younès Bouacida (2015), «leur mise en œuvre nécessite des capitaux importants destinés à l’investissement, à la formation, à la recherche. Ils résultent d’un véritable processus d’investissement, au même titre que celui qui permet la mise en valeur des ressources naturelles.
Seul l’objet est différent, dans un cas il s’agit de mise en valeur de ressources naturelles, dans l’autre, la mise en valeur des capacités humaines». Enfin, le développement économique est attaché à la culture de développement et les valeurs collectives au sein de la société. En effet, il semble désormais dans les PED, de plus en plus formellement, que le développement ne dépend plus uniquement de paramètres économiques ou politiques, mais aussi des valeurs collectives et de la culture de développement de la population et de la société en général.
L’expérience des pays du Sud-Est asiatique qui ont pu sortir durablement du sous-développement a montré que, malgré qu’ils étaient dépourvus, certains espaces et tous de ressources naturelles, ils n’ont pu arriver à ce résultat qu’avec la seule capacité de travail de leur population.
Ces populations étaient disciplinées et animées d’un sens de l’intérêt national. Les traits culturels de ces sociétés étaient l’optimisme envers l’avenir et l’enthousiasme pour le développement. Comme le souligne l’économiste Casson (1993), les valeurs collectives influent aussi sur les performances économiques d’une société parce qu’elles créent une cohésion morale.
Cela suppose donc le travail, le sérieux dans le travail, le respect de la dignité de la personne humaine qui permet une plus grande harmonie dans la société, et enfin le respect des lois et des règles en vigueur et l’action pour l’intérêt général.
Ainsi, ceux-ci constituent des éléments-clés pour qu’un pays puisse se positionner dans la trajectoire qui conduit vers le développement économique et social. L’exemple des pays du Sud-Est asiatique (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour ou Taïwan) dans le passé, ou celui de la Chine dans un passé récent, illustre, à juste titre, ce phénomène. Ces pays ont su adapter les variables formations de compétences et capacités, innovation et progrès à leur contexte et réussi à assurer une bonne politique de développement.
Favorisés par la culture de développement et les valeurs collectives de leurs populations et l’ensemble de la société, ces pays ont pu remonter sur quelques décennies le chemin qui les séparait des frontières technologiques et s’y positionner durablement au même titre que les pays développés. Ces exemples permettent ainsi de dégager des règles universellement valables pour passer du sous-développement au développement économique et durable.
En comparaison avec d’autres pays de même niveau, l’Algérie est assez favorisée en ce qui concerne les conditions de décollage économique. «Plus grand pays d’Afrique et troisième économie arabe, l’Algérie est revenue dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire supérieur selon la classification de la Banque mondiale en juillet 2024.
Au cours des deux dernières décennies, l’Algérie a réalisé des avancées en matière de développement économique et humain, en investissant dans des projets d’infrastructures et en introduisant des politiques sociales redistributives qui ont réduit la pauvreté et amélioré significativement les indicateurs de développement humain» (Banque mondiale, 2024).
Avec des ressources naturelles abondantes, une population jeune, un formidable réservoir de compétences scientifiques et technologiques et de bon marché, la promotion de l’université entrepreneuriale et l’innovation, la proximité du marché européen et africain, l’Algérie possède un énorme potentiel pour devenir, dans un futur très proche, un grand pays émergent afin de rejoindre rapidement le rang des pays développés.
Par le Pr K. Rédha Younès Bouacida
Docteur en sciences économiques d’Aix Marseille Université, France