La question se pose à l’occasion de Yennayer : La promotion de tamazight contrariée

12/01/2022 mis à jour: 16:02
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Siège du Haut-Commissariat à l’amazighté / Photo : D. R.

La crainte d’une remise en cause des acquis liés à la langue amazighe est exprimée par les défenseurs de la langue et de la culture amazighes, d’autant que les pouvoirs publics n’engagent pas les réformes nécessaires (instauration de l’obligation de l’enseignement de la langue amazighe, réactivation de l’Académie de la langue amazighe, «amazighisation» de l’administration…)

Les festivités célébrant le Nouvel An amazigh 2972 se sont déroulées dans plusieurs régions du pays. Consacré journée chômée et pays depuis janvier 2018, Yennayer est célébré dans la communion retrouvée.

Cette année, le Haut-Commissariat à l’amazighté (HCA) a choisi la wilaya de Tamanrasset pour fêter cette date sous le slogan bien senti : «Identité et rencontres». Le secrétaire général de cette institution, Si El Hachemi Assad, considère que Yennayer «nourrit le référent historique» et le «sentiment d’appartenance à la nation algérienne une et unifiée».

Pourtant la reconnaissance de cette date n’a guère été facile. Agraw Imazighen (Académie) berbère a été depuis la fin des années 1960 à l’avant-garde du combat pour la célébration de cette fête millénaire. Le Mouvement culturel berbère (MCB) a plaidé dans ses différentes plateformes son inscription dans la nomenclature des fêtes légales par les pouvoirs successifs depuis les années 1980.

Des partis politiques (FFS, RCD) et des personnalités reconnues formuleront le même souhait. La reconnaissance de «Tabburt u segwas» (Porte de l’année), comme premier jour du calendrier berbère n’est finalement intervenue qu’en 2017 : le défunt chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, avait annoncé en Conseil des ministres, sa décision de consacrer Yennayer «journée chômée et payée» dès le 12 janvier 2018.

Le gouvernement a endossé dans la foulée un amendement à la «loi fixant la liste des fêtes légales qui inclura ainsi le jour de l’An amazigh correspondant au 12 janvier». La reconnaissance de Yennayer intervient quelques mois après l’officialisation de tamazight dans la Constitution de 2016 comme langue nationale officielle.

Le tamazight a depuis enregistré quelques avancées : création d’un centre de recherche en langue et culture amazighes en 2018, installation de l’Académie de la langue amazighe en janvier 2019... Reste que sur le terrain, la promotion de tamazight est fortement contrariée.

Remise en cause des acquis ?

Des attaques régulières sont lancées contre cette dimension de l’identité nationale, particulièrement depuis la première année du hirak (2019). Des parties se réclamant de la mouvance «badissia-novembria» ne se privaient pas de fustiger l’identité amazighe et particulièrement la langue amzighe, considérée comme une «lahdja» (un parler), «sans règles grammaticales et ne devant jamais être enseignée» dans les écoles de la République.

La crainte d’une remise en cause des acquis est exprimée par les défenseurs de la langue et de la culture amazighes, d’autant que les pouvoirs publics qui doivent, aux termes de la Constitution, œuvrer à «promouvoir le développement de la langue amazighe dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national», ne réagissent pas à ces attaques.

A ce jour, l’apprentissage de cette langue reste facultatif, et son expression institutionnelle reste très marginale. Le SG du HCA, Si El Hachemi Assad a dénoncé ces derniers jours une «situation en déphasage» avec la Constitution. «La loi portant sur l’orientation et l’enseignement de tamazight est en total déphasage avec la Constitution. Il est plus que jamais nécessaire de relancer la commission mixte HCA-ministère de l’Education nationale, car les enseignants font face à beaucoup de problèmes sur le terrain», constate-t-il. Le ministère de l’Education n’a pas réagi aux propos du responsable du HCA.

Ce dernier a annoncé que son institution compte soumettre prochainement aux autorités un mémorandum portant une vision stratégique de promotion de l’enseignement de tamazight (2022-2038). Assad a plaidé pour «la mise en conformité» de certaines lois sectorielles avec la Constitution. «Il y a nécessité, aujourd’hui, d’adapter certains textes et dispositifs juridiques existants aux décisions politiques.» Sera-t-il entendu ?

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