La pièce Le village des aveugles présentée au 13e Festival local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès : Quand la lumière fait peur

10/12/2023 mis à jour: 02:21
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Scène de la pièce Le village des aveugles

Douar El oumyane (Le village des aveugles) de Mohamed Mustapha Yahiaoui est en compétition au 13e Festival culturel local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès qui se déroule jusqu’au 10 décembre.
 

 

La pièce, produite par la troupe Théâtro de Tiaret, est adaptée de la nouvelle de l’écrivain britannique Herbert George Wells, The Country of the blind (Le pays des aveugles), paru en 1904. Dans l’histoire origine, Nuñez, un alpiniste, tombe d’une montagne en Equateur et se retrouve dans un village, coupé du monde en raison d’un relief environnant inaccessible, où tous les habitants ont perdu la vue à cause d’une maladie qui s’est répandue pendant une longue période. 

Les non-voyants se sont habitués à vivre sans lumière. Dans la pièce adaptée par Mohamed Mustapha Yahiaoui, Nuñez s’appelle Chahrour, venu de «bilad ennour» (le pays des lumières). «Un grand pays avec un grand peuple», dit-il aux villageois qui sont étonnés de sa venue. «C’est un être humain», crient-ils. Ils se moquent de lui lorsqu’il leur apprend qu’il peut voir comme tout homme possédant des yeux ouverts.

 Le borgne peut-il être roi dans le pays des aveugles ? Mohamed Mustapha Yahiaoui, en adoptant le langage de la tragicomédie, a voulu plutôt répondre à une autre question : que fera un homme possédant toutes les qualités visuelles dans une société aveugle ? Chahrour, blessé, est soigné par Nahla, fille du chef du village. 

Un chef arrogant qui impose des contrôles à chaque fois. Il est agacé par l’arrivée de Chahrour ,homme voyant, et qui peut même jouer de la flûte. Sentant la menace, Chahrour, qui s’attache à Nahla en la qualifiant de «l’étoile brillante dans la noirceur de la nuit», est conseillé par un villageois rebelle de prendre la fuite, après avoir été libéré de «prison». Le chef du village veut que Chahrour perde aussi la vue pour qu’il ressemble aux autres et qu’il arrête de perturber «l’ordre» établi. Un «ordre» accepté de tous. Ce fanatisme va mener «le plus grand du village», Kbir eddouar, à commettre l’irréparable.

Un monde où personne n’a le droit d’être différent

«Certains refusent la lumière et rejette que l’autre, celui qui porte une vision, exprime son opinion. On fait tout pour qu’il ne voit rien !», souligne Mohamed Mustapha Yahiaoui. La pièce, bien rythmée, se distingue par le jeu dynamique des comédiens, servis par des dialogues expressifs permettant une évolution cohérente du récit. La scénographie simple représente un village d’architecture fragile, comme l’est le sentiment de croire que tout le monde peut ressembler à une seule personne. 

Les chasseurs de lumière croient souvent que la raison est de leur côté et que l’obscurité est un rempart solide contre les idées de l’autre, contre l’ouverture vers d’autres espaces. La philosophie de la pièce Le village des aveugles est justement de souligner que parfois la lumière fait peur à ceux qui se sont habitués au monde des ténèbres. 

Un monde où personne n’a le droit d’être différent de l’autre et où aucune couleur n’existe. «Que peut faire un homme, qui voit bien avec ses yeux, dans les ténèbres ? Que faire devant la lumière ? D’où la contradiction. Le théâtre peut contribuer à la réforme au sein de la société, peut apporter sa touche dans le sens du changement. Les artistes disent ce qu’ils pensent sur scène. C’est aussi cela la magie du théâtre», a souligné le jeune metteur en scène.
 

Une association «dépourvue de presque tout»

L’association Théâtro de Tiaret est de création récente. «Malgré cela, nous sommes à notre sixième participation au Festival de Sidi Bel Abbès. Douar el amyane est à sa cinquième représentation. En août 2023, nous avons décroché les prix de la meilleure mise en scène et de la meilleure scénographie lors d’un festival à Tissemsilt. Je n’aime pas me cacher derrière le manque de moyens, mais il faut dire que Théâtro est une association dépourvue de presque tout. Elle n’a bénéficié d’aucune subvention. 

Nous essayons de surmonter toutes ces entraves. Nous pouvons même faire du théâtre dans la rue, transporter sur nos dos nos décors, l’essentiel est que le message arrive au public. Nous le faisons par amour à l’art», a confié Mohamed Mustapha Yahiaoui. «Nos comédiens ont tous pratiqué le théâtre. Nous venons de Tiaret où il n’existe pas de théâtre régional. Il y a un manque de formation aux arts dramatiques. 

En dépit de cela, les jeunes comédiens ont acquis une certaine expérience et connaissent le langage du théâtre. Nous avons travaillé sur ce spectacle pendant huit mois. C’est une forme de formation sur le terrain dans un atelier ouvert», a-t-il ajouté.  
 

Sidi Bel Abbès 
De notre envoyé spécial  Fayçal Métaoui
 

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