La leçon Covid

12/03/2022 mis à jour: 00:14
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Tout porte à penser que la planète est en phase de fermer la parenthèse mouvementée de la pandémie de la Covid-19. Partout les gouvernements s’empressent de lever les dispositifs contraignants et fort coûteux de la prévention sanitaire.

 Seule la vigilance principielle des spécialistes se refuse aujourd'hui à crier victoire et invite à prolonger encore le système de veille pour parer à des rebonds surprise du virus qui a déréglé le fonctionnement du monde pendant plus de deux ans et fait, selon les dernières études, près de 18 millions de morts. 

Il semble certain, en tout cas, que l’on ne fera plus face à la pandémie aussi désarmés et impuissants qu'au tout début de l'apparition de ce mal, dont les origines restent jusqu'à aujourd'hui inconnues. La toute-puissance technologique de l'époque, son développement scientifique et l'hyper fluidité des réseaux de l’information n’ont pas pesé devant les fondamentaux des enjeux géostratégiques. L'on se souvient des accusations américaines contre le manque de transparence de la Chine, terre présumée du patient zéro, des suspicions de manipulations inavouables ayant pu mal tourner dans des laboratoires de recherche, et des difficultés qu'ont eues les enquêteurs de l'OMS à tirer au clair la genèse de toute l’affaire. 

La vague de panique qui avait déferlé sur le monde, découvrant tout d'un coup que les frontières sont une illusion devant un danger qui menace l'humanité, n'a par ailleurs pas inspiré la solidarité dans la course aux moyens de protection et plus tard aux vaccins. C'est au nom du triomphe américain, et sur fond de calculs électoraux, que fut annoncée la découverte d'un vaccin américain par le fantasque Trump. 

L'ampleur inédite de la menace globale n'a pas également beaucoup influé sur la conception marchande de la santé. Les «Big Pharma» ont ainsi fait valoir des droits ordinaires sur les vaccins, leur production et l'acheminement selon les mêmes schémas financiarisés auxquels sont soumis les produits économiques. 

Au moment où en Europe et aux Etats-Unis les campagnes de vaccination étaient massivement lancées, on comptait ses morts dans d'autres régions du monde et attendait que des excédents de lots soient dégagés pour en faire bénéficier les populations. On le savait déjà, mais la pandémie aura encore révélé que les inégalités sont systémiques et profondes et opèrent même, ou surtout, quand la survie humaine est en jeu. 

En Algérie, l'épidémie a ébranlé un système de santé en crise chronique et sans grandes ressources. Même si le pays ne compte objectivement pas parmi ceux les plus malmenés par la Covid-19, les quatre vagues de contaminations vécues ont mis à nu de profonds dysfonctionnements et surtout un déficit infrastructurel qui aurait pu se payer des bilans plus désastreux n'était l'engagement des personnels médical et paramédical. Engagement d'autant plus héroïque que la gestion de la crise sanitaire a été pour le moins défaillante sur les aspects de la prévention qui sont du ressort des autres services de l'Etat. 

Passés les premiers mois de l'épidémie, marqués par une mise en pratique ferme des restrictions sanitaires dans les espaces publics, les autorités ont eu du mal à faire respecter le dispositif de prévention sur le terrain. Là aussi, l'on a eu l'occasion de mesurer l'impact de la crise de confiance qui marque la relation entre gouvernants et gouvernés, l’absence d'instruments de mobilisation inclusifs du tissu associatif et, il faut le reconnaître, un sérieux souci de culture civique dans la société. 

Des leçons sont à tirer de ces deux années d'alerte sanitaire permanente, d'autant que de l'avis de beaucoup de spécialistes, des épisodes pandémiques semblables, ou plus mortels, peuvent survenir. Un bilan doit obligatoirement être dressé, sans complaisance. Il n'est pas permis de voir de nouveau des citoyens, livrés à eux-mêmes, errer sur les routes à la recherche de bonbonnes d'oxygène pour secourir des proches que l'hôpital laisse mourir faute de moyens. 

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