L’armée d’occupation israélienne a officiellement annoncé le lancement d’une invasion terrestre au Liban. Malgré les déclarations contradictoires des deux camps, le Hezbollah affirmait hier qu’aucun affrontement direct n’avait encore eu lieu avec les forces israéliennes.
La Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), déployée le long de la frontière, assurait hier ne pas avoir détecté «pour le moment» d’incursion israélienne. L’un dans l’autre, la question demeure : jusqu’où Israël compte-t-il intensifier son offensive, au risque de plonger le Liban dans un chaos total ? L’annonce de cette invasion rappelle étrangement les tactiques déployées à Ghaza, qu’Israël a totalement détruit depuis un an.
L’armée d’occupation a ainsi souligné la participation de sa 98e division, composée de parachutistes et d’unités d’élite, déjà déployée à Ghaza. Lundi soir, l’établissement d’une «zone militaire fermée» autour de trois localités frontalières du Liban laisse présager une éventuelle intensification de l’offensive terrestre.
Cela s’inscrit dans un contexte où la propagande israélienne joue un rôle essentiel. Les médias occidentaux insistent sur le caractère soi-disant «limité», «ciblé» et «localisé» de ces opérations, une rhétorique souvent utilisée pour minimiser la portée des actions militaires israéliennes. Mais dans les faits, l’Etat sioniste a démontré, à de maintes reprises, qu’il ne connaît aucune limite.
Ces opérations marquent une nouvelle phase dans une guerre qui est entrée dans une dynamique de confrontation directe. La guerre au Liban pourrait désormais prendre une ampleur qui inquiète les observateurs, avec des conséquences humanitaires désastreuses. L’armée d’occupation israélienne a ainsi fait état hier de «violents combats» dans le sud du Liban et appelé les habitants de 27 localités à évacuer «immédiatement» leurs maisons et se diriger vers le Nord.
«Il y a des troupes au sol dans le sud du Liban», a déclaré à l’AFP un responsable militaire israélien interrogé à ce sujet, sans pouvoir confirmer si des combats étaient en cours. Dans le sud du Liban, six personnes, dont le fils d’un responsable militaire palestinien, ont été tuées dans une frappe israélienne hier à l’aube sur le camp de réfugiés palestiniens de Aïn El Héloué, selon l’agence officielle libanaise ANI.
En Syrie, des frappes israéliennes ont visé la région de Damas dans la nuit, tuant six personnes, dont trois civils, selon une ONG. L’ONU, par la voix de sa porte-parole, Liz Throssell, a mis en garde contre une «invasion terrestre de grande ampleur» par Israël, soulignant que la violence déjà subie par les civils libanais pourrait se transformer en catastrophe humanitaire.
Depuis le début de l’offensive, le bilan est accablant : selon les autorités libanaises, 558 personnes ont perdu la vie, dont de nombreux enfants et femmes, pris au piège des bombardements israéliens. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’est déclaré «gravement préoccupé» par l’extension des hostilités.
Guerre asymétrique
Selon plusieurs experts, Israël, après avoir échoué à «décapiter» le Hamas à Ghaza, se tourne désormais vers son autre ennemi historique, le Hezbollah.Mais les intentions israéliennes restent floues. «Nous n'avons pas du tout l'intention d'envahir le Liban.
De refaire l'erreur qui avait été faite en 1982», quand Israël avait envahi le sud du Liban, d’où ses troupes n’étaient parties qu’en 2000, a déclaré l’ambassadeur d'Israël en France, Joshua Zarka, au micro de la radio France inter. Dans cette guerre asymétrique, les civils libanais sont les premières victimes.
Près d’un million de personnes ont été déplacées depuis le début des bombardements, selon le Premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati. Le pays, déjà fragilisé par une crise économique sans précédent, fait face à une situation humanitaire alarmante. «Nous vivons l’une des phases les plus dangereuses de notre histoire», a averti Mikati, appelant les Nations unies à intervenir de toute urgence pour venir en aide aux déplacés.
L’ONU a d’ailleurs lancé un appel à l’aide de 426 millions de dollars pour couvrir les besoins urgents des populations libanaises sur trois mois, d’octobre à décembre 2024. Mais ces fonds, bien qu’essentiels, ne suffiront pas à atténuer l’ampleur des destructions et des déplacements massifs provoqués par l’agression israélienne.
A Genève, Jens Laerke, porte-parole du Bureau des affaires humanitaires de l’ONU, a exprimé la profonde inquiétude de son organisation face à l’intensification des combats : «Nous sommes profondément préoccupés par les conséquences d’une offensive terrestre israélienne.» L’on sent une certaine panique du côté israélien, où les restrictions concernant les rassemblements publics ont été renforcées, y compris dans les villes de Jérusalem et Tel-Aviv, dans un contexte de célébrations du Nouvel An juif.
L’instauration de couvre-feux et d’éventuelles évacuations massives témoignent de l’état de nervosité qui règne désormais face à une guerre qui semble s’étendre de jour en jour. Sur le plan diplomatique, les Etats-Unis, principal allié d’Israël, soutiennent sans ambages l’offensive. Le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, a dit être «convaincu, comme Israël, de la nécessité de démanteler les infrastructures d’attaque» du Hezbollah.
Lloyd Austin a par ailleurs mis en garde Téhéran contre une éventuelle «attaque militaire directe visant Israël», en soulignant les «graves conséquences» que celle-ci entraînerait pour l’Iran, selon un communiqué publié sur le réseau social X.
Le chef du Pentagone a fait ces déclarations après s’être entretenu avec le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant. Les éléments de langage soigneusement choisis par Washington montrent un total alignement avec Tel-Aviv avec, en sous-texte, la célèbre rengaine «Israël a le droit de se défendre». «Nous avons convenu de la nécessité de démanteler les infrastructures d’attaque le long de la frontière afin de garantir que le Hezbollah libanais ne puisse pas mener des attaques du type de celles du 7 octobre contre les communautés du nord d’Israël», a-t-il déclaré.
Certes, quelques appels à la retenue sont lancés, notamment en Europe, où les gouvernements craignent les répercussions d’une conflagration généralisée au Moyen-Orient. Mais cela n’engage en rien l’impunité dont jouit Israël et qui fait de ces pays les complices de sa guerre génocidaire. La Russie a appelé hier Israël à cesser «immédiatement» les hostilités et à retirer ses troupes du sud du Liban.
La Chine s’est déclarée hier «très inquiète» de «la nouvelle escalade» et a dit s’opposer «à toute violation de la souveraineté du Liban». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a condamné l’offensive terrestre, déclarant que «tous les Etats et organisations internationales, en particulier l’ONU, doivent arrêter Israël sans perdre davantage de temps». Les perspectives d’une issue rapide à cette guerre paraissent minces.
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, donne l’impression de vouloir enflammer toute la région pour sauver sa carrière politique. Après l’échec cuisant de sa politique à Ghaza, il doit montrer des résultats tangibles au Liban pour espérer calmer les critiques internes. Mais en face, le Hezbollah, bien qu’affaibli, notamment après la mort de son charismatique leader Hassan Nasrallah, reste une force redoutable, capable de frapper profondément en territoire israélien.
Le spectre d’une guerre totale plane donc sur le Liban et sur l’ensemble du Moyen-Orient. Si les appels à la négociation se multiplient, la réalité sur le terrain est tout autre. Comme l’a rappelé Volker Türk, le haut commissaire aux droits de l’homme, les responsables des violations du droit international humanitaire devront, un jour, rendre des comptes. Mais pour l’heure, c’est bien la logique du chaos et de la destruction qui semble l’emporter.