Membre de la sinistre brigade Givati, de l’armée israélienne, le sergent Mori Keisar a été rattrapé par la fondation Hind Rajab, qui traque «les criminels de guerre» qui ont participé au génocide à Ghaza. Samedi dernier, alors qu’il se trouvait en vacances en Espagne, la Fondation, appuyée par la communauté palestinienne de Catalogne, a engagé à son encontre une plainte auprès du tribunal pénal de Barcelone pour «crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis lors de l’opération militaire à Ghaza».
Dans une déclaration publiée dimanche dernier, la fondation Hind Rajab, dont le siège se trouve à Bruxelles, en Belgique, a annoncé avoir déposé une plainte contre le sergent Mori Keisar de la Brigade Givati, bataillon 435, appuyée par «de nombreuses preuves», qui datent de janvier à mars 2024.
Pour mieux argumenter son action, la Fondation a expliqué qu’en date du «15 janvier 2024, Keisar et son camarade soldat Yarin Hamani ont été filmés à l’intérieur d’une maison civile, utilisée à des fins militaires (…) Une pratique qui viole les lois internationales protégeant les biens civils pendant les conflits». La fondation a souligné, en outre, que le 15 février 2024, le sergent Keisar «a été filmé en train d’utiliser un lance-grenades pour attaquer une école de l’Onu, clairement identifiée dans la ville de Ghaza».
Ce qui constitue, en vertu de l’article 608 du Code pénal espagnol et des traités internationaux «un crime de guerre». Bien plus. La Fondation a indiqué que le même militaire a publié, le 29 février 2024, des «images de la démolition contrôlée de deux habitations civiles à Khan Younès. Un acte équivalant à une punition collective interdite par les Conventions de Genève».
Poursuivant son réquisitoire, Hind Rajab a révélé que Keisar a été, encore une fois, «filmé, le 25 mars 2024, en train de tirer sans discrimination sur des maisons civiles sous les applaudissements de ses camarades soldats, démontrant ainsi le mépris pour la vie humaine (…) Le peloton de Keisar, dirigé par le lieutenant Osher Bitao, a participé en février 2024, au déplacement forcé des habitants de Khan Younès et à un assaut contre l’hôpital Nasser. Il a également été photographié en train d’humilier des captifs palestiniens».
La plaignante a expliqué que l’action en justice fait référence au lieutenant Osher Bitao, qui «a publié et supprimé des preuves d’incendies de maisons civiles et à d’autres membres du peloton qu’il dirigeait qui ont documenté des atrocités sur les réseaux sociaux».
La Fondation a expliqué, par ailleurs, qu’elle engagé la poursuite en vertu des lois espagnoles, citant les articles 607, 607 bis et 608 du Code pénal, qui, a-t-elle souligné, «sont conformes aux traités internationaux, notamment la Convention pour la prévention et la répression du génocide (ratifiée par l’Espagne en 1968) et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) ratifié en 2000». Selon la plaignante, «la compétence de l’Espagne sur ces crimes est établie en vertu de l’article 23 de la loi organique 6/1985, qui autorise la poursuite des ressortissants étrangers résidant en Espagne pour génocide et autres crimes internationaux».
Des plaintes dans six pays depuis le début du mois en cours
La Fondation a estimé, par ailleurs, que la plainte «situe les actions de Keisar, dans le contexte plus large de l’opération militaire en cours à Ghaza, caractérisée par des bombardements, des déplacements forcés et le ciblage des infrastructures civiles. Les rapports des organismes des Nations unies et des organisations de défense des droits de l’homme font état de violations généralisées, notamment le recours à la famine comme arme, des détentions arbitraires et des pertes en vies humaines en masse parmi les civils. Les actions décrites dans la plainte contribuent à ce que les experts internationaux ont identifié comme des actes potentiels de génocide».
Elle a donc exhorté les autorités espagnoles «à prendre des mesures immédiates en enquêtant sur Keisar et en le détenant afin de garantir la responsabilité des ‘‘atrocités commises’’, en précisant que l’affaire implique également d’autres individus du peloton de Keisar, tels qu’Ofek Carmon et Guy Kenan». Hind Rajab a précisé que le dépôt de cette plainte constitue «une étape cruciale dans la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité», en réitérant son «engagement à rechercher la justice pour les victimes des opérations militaires israéliennes» et en appelant «la communauté internationale à soutenir ces efforts».
La Fondation a déjà porté plainte contre une trentaine de militaires israéliens dans au moins huit pays, à travers le monde pour «crimes de guerre» et saisi la CPI dans au moins une dizaine de cas. Uniquement en ce mois de janvier, la Fondation a porté plainte contre six militaires israéliens, en Italie, en Suède, en Thaïlande, en Argentine et au Brésil.
Le 15 janvier dernier, la Fondation a porté plainte contre Guy Azran, un soldat du 432e bataillon de la brigade Givati, qui se trouvait en vacances en Thaïlande, devant la justice thaïlandaise à laquelle elle a demandé son arrestation, mais aussi devant la CPI, pour «crimes de guerre commis lors d’opérations militaires dans la ville de Ghaza, en juillet 2024». Des crimes, a-t-elle déclaré dans son communiqué, corroborés par des preuves vidéo et photographiques documentant ses actions, qui constituent de «graves violations du droit international». Elle a demandé son arrestation aux autorités thaïlandaises.
Le 13 janvier, c’est le général de division Ghassan Alian, chef du coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (israélien), qui se trouvait à Rome, en Italie, qui a été rattrapé par la Fondation. Une plainte a été déposée auprès de la CPI, mais aussi auprès de la justice italienne à laquelle, elle a réclamé son arrestation «immédiate» pour «génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre».
«Le gouvernement israélien et la coalition qui le soutient ont trahi Israël»
Dans son communiqué, la Fondation a déclaré qu’«Alian, qui a publiquement qualifié les Palestiniens de Ghaza d’animaux humains», ne bénéficie d’aucune immunité contre les poursuites. Le temps presse pour que ses actes soient jugés. Le 9 janvier, à Stockholm, en Suède, la Fondation Hind Rajab a déposé une plainte devant la justice suédoise contre Boaz Ben David, un tireur d’élite israélien du bataillon 932 de la brigade Nahal, positionnée à Ghaza pour «avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de possibles actes de génocide lors des récentes opérations militaires à Ghaza».
Pour l’Ong, cette «démarche fait suite aux appels internationaux croissants pour que les auteurs de crimes graves soient tenus responsables de leurs actes, garantissant ainsi la justice pour les victimes du génocide en cours à Ghaza». Le 2 janvier, une autre action en justice est engagée à Buenos Aires, en Argentine, contre le lieutenant Amit Nechmya, commandant de peloton Latak du bataillon Rotem (435) de la brigade Givati, l’accusant d’avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de génocide, alors que le 3 janvier, un tribunal brésilien a ordonné à la police d’agir contre un suspect israélien de crimes de guerre suite à une plainte déposée par la Fondation le jour même. L’officier se trouvait en vacances à Buenos Aires, lorsque la plainte de Hind Rajab, avait été déposée et le soldat a dû être exfiltré in extremis par les autorités israéliennes.
Portant le nom de la petite fille tuée par un char israélien, alors qu’elle se trouvait avec ses parents dans la voiture, ciblés eux aussi, la Fondation Hind Jabar se consacre, depuis décembre 2023, à la traque des «criminels de guerre» israéliens, à travers le monde, ainsi qu’à leurs complices et leurs instigateurs. Elle s’est investie aussi dans des campagnes de sensibilisation contre l’impunité israélienne et à rendre hommage à la mémoire des victimes. Hier, le père d’un des otages devait être reçu par le procureur en chef de la CPI, Karim Khan, à La Haye pour, a t-il déclaré, «soutenir» les mandats d’arrêt lancés contre le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour «crimes de guerre et contre l’humanité». Cette rencontre, annoncée il y a deux semaines et qui a suscité la colère des parlementaires israélien que Khan «fasse usage du mandat d’arrêt international contre Netanyahu pour exercer une pression afin d’obtenir la fin de la guerre et un accord pour la libération des otages».
Devant les membres de la Knesset, il avait déclaré : «Je soutiens le droit international et puisque le gouvernement israélien et la coalition qui le soutient ont commis des crimes et ont trahi l’Etat d’Israël, je suis obligé en tant que père de soldat enlevé et en tant que père d’une soldate qui sert actuellement et père d’un officier réserviste, d’aller devant la CPI et la CIJ (Cour internationale de justice), pour soutenir les mandats d’arrêt contre Netanyahu.
Il commet des crimes de guerre contre les soldats israéliens en prolongeant la guerre sans raison depuis plus d’un an (…) Alors si soutenir les mandats d’arrêt peut pousser Netanyahu à abandonner ses intérêts personnels, à conclure un accord et à s’y tenir jusqu’au dernier otage, alors je le ferai. Le gouvernement israélien et la coalition qui le soutient ont trahi l’Etat d’Israël.»
La veille avec le procureur en chef, qui fait suite avec celle, d’il y a un mois, avec l’équipe du bureau de ce dernier, le père de l’otage israélien avait déclaré à une chaîne de télévision israélienne, qu’il ira «convaincre» Khan «d’utiliser» les mandats d’arrêt «pour faire avancer l’accord sur les otages» et de le «persuader d’agir auprès du gouvernement israélien pour mettre fin à la guerre et surtout concrétiser la phase 2 de l’accord, durant laquelle mon fils Nimrod, dont la famille a reçu un signe de vie il y a quelques mois, devrait être libéré». Des propos qui avaient fait tache d’huile.