La collecte de lait cru en baisse : Menace sur les éleveurs

21/12/2023 mis à jour: 23:18
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Certains opérateurs continuent à faire de la collecte mais de manière timide - Photo : D. R.

L’Office national interprofessionnel du lait importe globalement 46% des besoins nationaux en poudre de lait, alors que les usines privées en importent 54%. L’exonération de l’impôt forfaitaire unique (IFU), des chiffres d’affaires réalisés issus des activités de collecte et de vente de lait cru, tel que prévu dans la loi de finances 2024, changera-t-elle la donne ?

Objet de réformes depuis quelques années, la filière lait n’arrive toujours pas à voir le bout du tunnel. Les difficultés sont toujours de mise et la filière continue de dépendre fortement des importations. Les transformateurs sont en effet de moins en moins nombreux à recourir à la collecte pour faire tourner leurs unités de production de lait et ses dérivés.

«La tendance est globalement à la baisse pour la collecte.» Ce qui n’est pas sans impact sur la filière avec un processus se basant essentiellement sur la poudre de lait puisque de nombreuses usines l’utilisent actuellement comme matière première dans la production, alors que la démarche de l’Office national interprofessionnel du lait (ONIL) considère la poudre comme un complément au lait cru.

Or, ces dernières années, les transformateurs se sont détachés petit à petit de la collecte et les éleveurs qui se sont engagés dans la production de lait cru ne trouvent pas preneurs. Certes, certains opérateurs continuent à faire de la collecte mais de manière timide. Ce qui risque d’engendrer de grandes pertes aux éleveurs et de faire grimper la facture d’importation de poudre de lait. 

«La situation est alarmante», s’inquiète d’ailleurs le représentant du groupe Soummam, qui est pour l’heure le seul à continuer à faire de la collecte. «Nous nous sommes engagés avec les éleveurs pour 650 000 litres/jours et nous nous retrouvons à ramasser 750 000 litres quotidiennement.

Ce qui dépasse nos prévisions. Certains camions font deux rotations par jour faute de moyen logistique. Nous avons des capacités de stockage de 1,2 million de litres, mais pas de moyens suffisants pour la collecte», résume notre interlocuteur rencontré à l’occasion de la 31e Foire de la production algérienne (FPA). «Nous travaillons avec 7000 éleveurs à travers 38 wilayas et un total de 35 camions.

Nous respectons nos engagements avec les producteurs de lait cru et pour le développement de la filière. Cependant, nous ne pouvons pas continuer à le faire avec les moyens actuels, surtout que les éleveurs se sont retrouvés abandonnés par les laiteries avec qui ils ont signé des conventions», nous expliquera encore Seddik Saadi pour illustrer la problématique.

Une problématique dont la prise en charge nécessite justement le renforcement des moyens. Dans ce cadre, la laiterie Soummam qui a émis des demandes d’autorisation pour l’importation de camions de collecte attend toujours la réponse des pouvoirs publics. De même qu’elle attend le paiement des primes de collecte et d’élevage.

Car, nous informera le représentant de Soummam, «depuis le changement de la politique de paiement de ces primes en janvier 2023, nous n’avons rien reçu. Idem du côté des éleveurs. Nous avons même des instances qui datent de 2022. Face à cette situation, les grands éleveurs résistent mais les risquent de partir».

Même les investissements du groupe dans ce segment sont retardés. Soummam, qui compte huit fermes d’élevage opérationnelles et qui achète 40% de la production fourragère du Sud, vient d’achever la réalisation de deux autres, dont une à Bordj Bou Arréridj. Cependant, le démarrage ne peut se faire sans l’importation de génisses. «Toutes ces questions ont été soulevées au ministère de l’Agriculture», rappelle Seddik Saadi.

Ce sont en somme autant d’éléments qui viennent rappeler que beaucoup reste à faire pour assurer l’essor d’une filière fortement dépendante des importations. Et pourtant, ce ne sont pas les programmes qui ont manqué ces dernières années.

La filière a en effet fait l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics, suite au constat relatif à l’insuffisance de la production locale en lait cru à satisfaire la demande nationale. L’Etat a alloué des subventions financières notamment à travers des primes accordées à l’ensemble des acteurs de la filière.

Il s’agit, pour rappel, de la prime à la production laitière doublée, passant de 6 à 12 DA/l, la prime à la collecte 5 DA/l et la prime à la transformation qui a atteint 6 DA/l, pouvant même être 7,5 DA/l selon le volume, ainsi que la prime à l’insémination fécondante qui a atteint 1800 DA.

L’ONIL a, de son côté, multiplié les actions pour inciter à la collecte en conditionnant l’obtention de quotas de poudre de lait par la collecte de lait cru. «Les usines sont légalement responsables de l’opération de collecte pour pouvoir bénéficier de la poudre de lait subventionnée, ce qui les obligent à collecter le maximum», avait noté l’ONIL dans ce sillage.

Ce qui n’est pas le cas apparemment aujourd’hui. L’ONIL assure, à titre indicatif, la poudre de lait aux usines comme complément au lait cru, En 2021, le coût de l’importation de près de 200 000 tonnes de poudre de lait par l’ONIL s’est élevé, pour rappel, à 600 millions de dollars.

L’Office importe globalement 46% des besoins nationaux en poudre de lait, alors que les usines privées en importent 54%. L’exonération de l’impôt forfaitaire unique (IFU), des chiffres d’affaires réalisés issus des activités de collecte et de vente de lait cru, tel que prévu dans la loi de finances 2024, changera-t-elle la donne ?
 

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