La chronique littéraire / Une littérature universelle et universaliste

23/11/2024 mis à jour: 23:24
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En ces temps de repli sur soi et de guerre à l’autre, la littérature doit s’inscrire dans l’universalité des valeurs humaines, aller au-delà des appartenances culturelles et civilisationnelles ou, plutôt, aller au plus profond de celles-ci mêmes, pour y retrouver l’essence humaniste qui construit chacune.

En effet, notre conviction est que toute culture et civilisation n’a pu, véritablement, se constituer comme telles qu’en ayant, comme soubassement, des valeurs humanistes. Au sommet de ces valeurs, au risque d’énoncer une tautologie, est la place privilégiée et prépondérante de l’être humain, y compris et ontologiquement, dans son rapport avec l’idée que nous nous faisons de sa position vis-à-vis de sa présence dans le monde. Mais trêve de philosophie et préconisons pour la littérature de jouer son rôle de rapprochement entre les peuples et les cultures, en traduisant en ses lignes celles, directrices, de ce XXIe siècle semblant dénué de scrupules, d’éthique, de générosité et d’empathie. 


Un retour aux valeurs humaines fondamentales pourrait passer par les œuvres littéraires, celle d’hier, bien sûr, en les valorisant et en faisant la promotion mais aussi et surtout celles d’aujourd’hui qui restent à écrire et à diffuser. Une littérature universelle et universaliste, touchant le plus grand nombre, grâce aux avancées technologiques. Universelle dans son contenu et universaliste dans sa portée. 

Un contenu faisant appel au cœur et à l’esprit et une portée qui met à bas les cloisons factices, pour considérer l’humain comme un même unique et indissociable quel qu’il soit et où qu’il soit. En cela, la littérature algérienne, héritière d’une longue tradition progressiste, à la qualité indéniable, de l’avis d’auteurs, de critiques et d’universitaires internationaux et aux yeux d’innombrables lecteurs, devrait être, aujourd’hui, la voix des valeurs les plus nobles et des principes moraux les plus hauts. Elle y parviendra, au travers d’un contenu qui pourrait s’inscrire, pour, notamment, les œuvres de fiction et la poésie, dans les préoccupations humanistes, nationales et transnationales, sans déroger à notre identité propre, qui devrait s’avérer un ancrage facilitateur, tant celle-ci ne déroge en rien aux valeurs universelles, bien au contraire puisque nos traditions mêmes sont faites, dans leur humus sociétal, de générosité, de respect et d’ouverture, même si l’histoire récente et, justement, une mondialisation pervertie, les ont mises à mal en les dénaturant, par une déstructuration d’essence idéologique, au premier chef. Les  souffrances et les aspirations de notre société, toujours fidèle, dans sa résilience, aux idéaux de liberté, de justice, d’égalité, de dignité et de mieux-être pour tous, sont, à cet égard, une puissante motivation pour nos écrivains. 

La littérature algérienne, tant dans ses thématiques que dans leur traitement, pourrait toucher à l’universel, par ses choix et les idées qu’elle véhicule, issus d’expériences personnelles, de riches réalités historiques mais aussi de défis et d’enjeux particuliers  et d’imaginaire culturellement foisonnant. Notre littérature, elle-même en pleine mutation, pourrait participer positivement de celle, globale, qui touche notre monde actuel. Monde, faut-il le rappeler ? dont nous, humains, partageons tous l’espace, le temps et le destin. 

C’est pourquoi, s’il faut une conscience commune à tous les êtres, il nous est permis d’induire que chacun peut contribuer à son élaboration, quelle que soit sa position géoculturelle dans le présent monde et au premier chef, ceux qui peuvent l’exprimer, l’appréhender, l’expliquer et même lui offrir, par les écrivains en l’occurrence, une plus-value. Et c’est cette plus-value, au premier chef esthétique mais aussi et surtout sémantique, en termes d’idées développées et de soubassement, qui nous intéresse ici. La première idée serait, en «primum movens», de considérer l’universalisme non comme outil de domination et d’impérialisme mais comme moyen démocratique d’émancipation et d’épanouissement, offert à tous et pour tous. 

Car, aujourd’hui, la littérature, comme vecteur d’idées privilégié, auréolée de la puissance productrice et expressive des mots et du sens, peut grandement contribuer à l’émergence d’une nouvelle universalité fondée sur des valeurs véritablement humanistes car universellement partagées sans cette centralité culturelle et civilisationnelle qui en fut le référent par le passé et que, néanmoins, d’aucuns cherchent obstinément, à toujours faire prévaloir comme modèle mondialisé, grâce aux nouvelles technologies et aux va-t-en-guerre s’autoproclament « guerriers de la civilisation contre la barbarie »,  au détriment des autres déclinaisons de la civilisation humaine. Le récit, la narration, l’inspiration poétique, l’imaginaire et toutes les constructions littéraires, pourraient traduire, à la condition de leur sincérité (un mot et une notion, qui semblent perdus en ces temps de crainte, de calculs et de dissimulation) le monde tel qu’il est et tel qu’il devrait être et c’est cette puissance évocatrice fondée sur des valeurs universellement partagées, selon différents points de vue qui dans un double mouvement les construisent, peut-être différemment, tout en s’y enracinant d’un commun accord. L’entreprise peut sembler utopique, mais le monde des idées et des valeurs a toujours été considéré comme tel, par les discours autoproclamés « réalistes » et qui ne sont que dominants et dominateurs, servant l’intérêt de ceux qui se croient puissants et qui ne sont qu’égarés. 

Car la nature véritable de l’homme est dans ce monde dit « utopique », quant au reste, il n’est que confrontation entre le bien et le mal, qu’on y croit ou non et nombreux sont, désormais, ceux qui ne croient plus en rien.  Une littérature universelle et universaliste pourrait éclairer, y compris en la démontant ou en la réinterprétant, une telle approche ou toute autre vision, en s’inspirant, à chaque fois, de ce qui nous rapproche, de ce qui nous fait connaître les uns aux autres, de ce qui construit dans le cœur de l’homme cette citadelle que nous dirions commune, évoquée par Saint-Exupéry, à laquelle la littérature, dans sa diversité et chaque voix littéraire, dans sa singularité, sont appelées à contribuer dans un élan aussi généreux qu’optimiste.  
 

Par Ahmed Benzelikha  ,linguiste spécialiste en communication, économiste et journaliste

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