Une étape marquante a été franchie jeudi 19 décembre au Théâtre régional de Constantine (TRC) Mohamed Tahar Fergani, avec l’inauguration de la première édition des journées internationales de la marionnette.
Ce rendez-vous unique a attiré une foule enthousiaste, rassemblant un public varié et intergénérationnel, venu explorer cet art millénaire sous une perspective renouvelée. L’entrée en scène de marionnettes géantes a déclenché une effervescence notable, remplissant les lieux à une allure fulgurante.
Dans cette atmosphère chaleureuse, rires et émerveillement se mêlaient à une attente palpable, promesse d’une expérience inoubliable. La cérémonie d’ouverture s’est déroulée sous les accords de l’emblématique chanson Qassantina hia Gharami (Constantine est mon amour, ndlr), magnifiquement interprétée par Mme Warda, une cadre du secteur de la jeunesse et des sports, habillée de la traditionnelle gandoura constantinoise. Participante des ateliers de formation à l’art de la marionnette en novembre, elle a révélé des talents insoupçonnés.
La soirée a également été enrichie par des prestations captivantes d’artistes algériens et internationaux. Citons, par exemple, la marionnettiste Jihan de Tunisie, formatrice d’exception, qui a offert un aperçu de son spectacle de contes avec des marionnettes de table. Son récit mettait en scène une fleur parlante nommée Maysam, rassemblant des histoires provenant de diverses forêts et captant l’attention des jeunes spectateurs. Sous les ovations du public, Abdelhakim Hafiane d’El Oued, a présenté une prestation vibrante, associant une marionnette d’Alpha Blondy à sa chanson Subhan Allah, ainsi qu’une autre marionnette en costume traditionnel, accompagnée de la mélodie algérienne Loukan Ydirou Biban Hdid.
Ces performances ont réussi à toucher les cœurs, enchanter petits et grands et transmettre des émotions profondes. Les artistes, venus des différents pays, ont proposé des spectacles empreints de poésie et de réflexion, abordant les thèmes universels de l’amour, l’amitié, la peur ou encore la justice. La marionnettiste espagnole Anne Muray, par exemple, a dédié son spectacle à un journaliste palestinien, Aboud, qu’elle suit sur les réseaux sociaux.
Portant un cerf-volant, sa marionnette transmettait un message puissant d’espoir et de résilience. «Finalement, il s’agit d’un art qui parle à tout le monde, quel que soit son âge », a confié une étudiante présente dans la salle. Elle a ajouté que cet art regorge de potentiel et mériterait une reconnaissance plus large. Cet événement a réussi non seulement à émerveiller le public, mais aussi révéler l’importance culturelle et éducative du théâtre des marionnettes, consolidant ainsi son statut de rendez-vous incontournable.
La Palestine à l’honneur
Avec des larmes aux yeux, la marionnettiste tunisienne autodidacte Meryem Zeyeni a lu une lettre poignante de Mahdi Karira, artiste palestinien n’ayant pu se rendre en Algérie. «Nous sommes condamnés à résister à cette occupation arrogante.
Cependant, malgré toutes ces guerres et cette guerre d’extermination, nous continuerons à parler aux enfants d’espoir, de savoir et d’avenir, et à leur transmettre que toute oppression a une fin (…) J’ai décidé, avec les artistes, de mourir en apportant de la joie et en résistant à notre manière», a-t-elle déclaré avec émotion.
Elle a ajouté les paroles de Karira : «Le théâtre et les marionnettes racontent nos histoires.» Dans son message, Karira a partagé des moments poignants, à l’image de cette petite fille qui lui disait : «Tonton, laisse-moi garder la poupée… J’ai laissé mes jouets à Ghaza, et la maison a été bombardée.»
Ou encore cette vieille dame affirmant : «Ces marionnettes sont faites de boîtes de conserve… Nous sommes un peuple qui ne mérite pas de mourir.» Pour lui, l’évolution du théâtre des marionnettes ne représente plus un simple rêve personnel, mais une véritable mission.
Cet art, souligne-t-il, permet de diffuser la joie, l’apprentissage et des instants de bonheur, tout en jouant un rôle essentiel dans le soutien psychologique des victimes de guerre. «Fabriquer des marionnettes à partir de boîtes de conserve est psychologiquement éprouvant, mais elles sont devenues les compagnes préférées des enfants des camps et même des adultes», a-t-il conclu.
Ces journées qui se poursuivront jusqu’au 23 décembre accueilleront des représentations et des ateliers menés par des artistes de divers horizons : Algérie, Tunisie, Sahara occidental, Irak, Espagne et France. Un événement riche et porteur de sens, appelé à devenir un phare pour les arts vivants.
Constantine
De notre bureau Yousra Salem