Jeunesse en danger

04/10/2023 mis à jour: 01:57
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C’est une véritable guerre qui est menée contre la société et ses fondements. Le fléau de la drogue n’est plus un phénomène marginal, fait de bandes de délinquants et de trafiquants, dont la traque est du ressort classique des services policiers. 
 

Les échos dont bruissent les écoles, les cités urbaines, les hôpitaux…, le tout étayé par des bilans d’intervention des services de sécurité, tous corps confondus, sont effrayants. Tout au bout de la chaîne de l’engrenage fatal de l’addiction, les services hospitaliers constatent pour leur part une augmentation significative des consultations pour des prises en charge d’urgence de cas d’overdose, voire de décès subits ou violents liés directement ou indirectement à la consommation de ces substances de malheur. 

Le professeur Belhadj, chef de service de médecine légale au CHU Mustapha, a récemment fait part de ses grandes inquiétudes face au tableau quotidien des consultations au sein de l’hôpital : des jeunes de plus en plus nombreux y atterrissent terrassés par des excès de consommation, alors que la panoplie des produits incriminés ne cesse de s’élargir à de nouveaux poisons. 

En plus des drogues dures, de maudits mélanges synthétiques, conçus dans des laboratoires et officines de l’ombre opérant au-delà des frontières et comptant sur des réseaux criminels locaux pour leur écoulement, viennent depuis quelques années mettre à disposition des alternatives mortelles et bon marché. 

A l’exemple de cette tristement célèbre «tchoutchna» qui fait de véritables ravages dans les quartiers populaires. La Prégabaline, psychotrope traitant entre autres l’épilepsie et les troubles anxieux majeurs, est détournée de sa vocation médicale pour se transformer en «saroukh» redoutable entre les mains des trafiquants. 
 

Appelé «drogue du pauvre», le produit est régulièrement cité en tête de liste des saisies opérées par les brigades des stups. En mars dernier, la DGSN faisait part de «la plus grosse opération de saisie de l’histoire» de ses services, avec un lot qui a dépassé le 1,5 million d’unités, intercepté à Annaba, Oran, Ouargla et Alger, soit les quatre coins du pays. 
 

Des millions de comprimés de psychotropes sont chaque semaine saisis par les services de sécurité, mais derrière, les lots qui échappent aux filets finissent sur un marché qui s’est étendu à des territoires et institutions de jeunesse jusque-là épargnés plus ou moins : zones rurales, lycées, collèges et, depuis peu, les écoles primaires. Toutes les observations attestent aujourd’hui que les établissements scolaires et leur population sont la cible privilégiée de dealers qui ont appris à adapter leur offre en fonction du «marché» ; les différents rapports des intervenants sur la question l’attestent aujourd’hui, la consommation de la drogue commence à un âge de plus en plus précoce.
 

La mobilisation des troupes de l’ANP aux frontières apporte régulièrement son lot d’opérations réussies face au réseau transfrontalier de trafic, notamment sur la bande ouest du pays. Les brigades spécialisées de la DGSN sont à l'affût également pour démanteler des réseaux locaux et pister les filières du crime organisé ; l’appareil judiciaire n’est pas en reste, puisqu’une aggravation des peines contre toutes les formes de trafic de drogues et de stupéfiants a été soumise au Parlement et votée il y a quelques mois, avec de nouvelles dispositions destinées à faciliter la réinsertion sociale des toxicomanes. 
 

Il est clair cependant que l’ampleur inédite de la menace appelle une mobilisation de tous les segments de la société, au plus près des terrains d’action des trafiquants. Sans une réhabilitation du rôle du tissu associatif de proximité et des organisations de parents d’élèves au niveau de tous les paliers, la «solution sécuritaire» aura du mal, seule, à venir à bout de la sinistre épidémie de la drogue. 

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