Après avoir commis, presque une année durant, des massacres sanglants et barbares à Ghaza au nom de la présumée guerre contre le Hamas, l’Etat sioniste réédite son sinistre scénario au Liban.
Les images qui nous parviennent du Pays du Cèdre sont tristement familières : des dizaines de corps de civils coincés sous les décombres, des attaques contre un hôpital, des cris, des larmes et des dizaines de milliers de personnes qui fuient les zones de bombardements.
La tension est encore montée d’un cran, avec la frappe menée hier par l’armée d’occupation israélienne sur Beyrouth (contre un immeuble résidentiel de six étages du quartier de Ghobeiri), déplaçant ainsi le curseur au cœur même du Liban. La guerre semble désormais s’étendre à plusieurs fronts, avec une intensité qui rappelle les heures les plus sombres de l’histoire du Liban.
Dans la nuit de lundi à mardi, les bombardements ont été d’une ampleur inédite, laissant craindre un embrasement généralisé de la région, presque un an après le début de la guerre à Ghaza. Le bilan mardi par le ministre libanais de la Santé, Firass Abiad, fait état de 558 morts, dont 50 enfants et 94 femmes, ainsi que de 1835 blessés. A cela, les responsables israéliens continuent d’affirmer, avec le cynisme qu’on leur connaît, vouloir détruire ce qu’ils appellent des «cibles terroristes», affirmant avoir touché «environ 1600 cibles du Hezbollah», notamment dans la vallée de la Bekaa, bastion de l’organisation chiite. «La vérité, malheureusement, est que la grande majorité des victimes sont des civils non armés qui se trouvaient dans leurs maisons», a dénoncé Firass Abiad lors d’une conférence de presse. Les autorités locales parlent de «massacre», alors que les frappes ont touché plusieurs villes du sud du Liban, notamment Nabatiyé et BintJbeil, où un hôpital a été visé. Certains rapports font état de secouristes blessés, alors qu’ils tentaient de sauver des victimes. «C’est une catastrophe, un massacre», a déclaré à la presse Jamal Badrane, un médecin de l’hôpital du Secours populaire à Nabatiyé, une ville du Sud. «Les frappes n’arrêtent pas, ils nous ont bombardés, alors que nous retirions des blessés», a-t-il raconté.
Des milliers de Libanais ont fui les zones bombardées, selon le ministère de la Santé, pour chercher refuge à Beyrouth ou à Saïda, la plus grande ville du Sud. Beaucoup d’entre eux ont passé la nuit dans leurs voitures, bloqués sur la route menant vers la capitale. Réfugié dans une école de Saïda, Hassan Banjak n’avait pas quitté sa région depuis le début de la guerre. «Mais lorsque les frappes se sont intensifiées et rapprochées, les enfants ont eu peur et nous avons décidé de partir», dit-il. Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a dénoncé «un plan de destruction» de son pays, où les écoles resteront fermées.
Cette escalade, la plus violentes depuis le début des échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah en octobre 2023, a poussé des dizaines de milliers de Libanais à fuir vers Beyrouth ou Saïda. Les routes menant à la capitale sont saturées, des familles cherchant refuge dans des écoles ou dormant dans leurs voitures. Environ 500 personnes sont arrivées en Syrie depuis le Liban voisin, a déclaré, hier à l’AFP, un responsable de sécurité syrien. «Environ 500 Libanais ont traversé la frontière par les postes-frontières d’Al Qusayr et Dabousiya entre 16h00 et minuit», a déclaré ce responsable, sous le couvert de l’anonymat.
Condamnations internationales
Hier, «des véhicules continuaient d’affluer dans les premières heures du matin (...) se dirigeant vers Homs et de ses environs», a-t-il ajouté. Lors de la dernière guerre du Hezbollah avec Israël en 2006, qui a duré un peu plus d’un mois, l’ONU a estimé qu’à l’époque 250 000 Libanais avaient fui en Syrie. «Ce que nous avons vécu pendant la guerre (de 2006) n’était rien comparé à ce que nous avons vu hier en une seule journée», a déclaré un témoin. Face à cette situation, l’Assemblée générale de l’ONU, qui s’est ouverte hier à New York, a été largement dominée par les inquiétudes liées à ce qui est d’ores et déjà appelé «la troisième guerre du Liban».
Le président américain, Joe Biden, a réaffirmé la volonté des Etats-Unis d’éviter une guerre à grande échelle. «Nous travaillons activement à une désescalade», a-t-il assuré, tout en exprimant son opposition à une invasion terrestre du Liban par Israël. La Russie a dit craindre la «déstabilisation complète» du Proche-Orient et a condamné les frappes israéliennes : «Il s’agit bien sûr d’un événement potentiellement extrêmement dangereux» et «cela nous inquiète au plus haut point», a déclaré à la presse le porte-parole de la Présidence, DmitriPeskov. Le G7 a appelé à la retenue, avertissant que «personne n’a à gagner d’une escalade dans cette région».
La Chine a dénoncé hier des «attaques aveugles» contre des civils. Pour sa part, l’Irak a dit vouloir une «réunion urgente» des pays arabes en marge de l’Assemblée générale pour «stopper» Israël. De son côté, le président iranien, Massoud Pezeshkian, a dénoncé les frappes israéliennes et réaffirmé son soutien au Hezbollah. «Le Hezbollah ne peut pas rester seul face à un pays soutenu par les Etats-Unis et l’Europe», a-t-il déclaré. Pour beaucoup, le risque d’une guerre totale au Proche-Orient n’a jamais été aussi élevé depuis des décennies. «Nous sommes au bord d’une guerre totale», a averti Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne. Les Nations unies, via le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), ont de leur côté exprimé leur «extrême inquiétude» face à l’escalade des violences. Les hostilités entre le Hezbollah et Israël se sont intensifiées d’une manière particulièrement brutale la semaine dernière. Des milliers de dispositifs de communication, principalement utilisés par des membres du Hezbollah, ont explosé dans différentes régions du Liban, causant la mort de 39 personnes et blessant près de 3000 autres.
Depuis près d’un an, Israël et le Hezbollah sont engagés dans une escalade de représailles réciproques. Mais cette semaine, Israël semble avoir opté pour une amplification massive de ses offensives contre le groupe militant, sous une logique inquiétante.
Cette approche présente toutefois des risques majeurs pour l’Etat sioniste. Le Hezbollah a perfectionné ses tactiques de guérilla au fil des décennies et semble attendre cette confrontation. L’option d’une invasion terrestre israélienne est pour l’heure repoussée par Israël, préférant s’appuyer sur sa supériorité technologique pour affaiblir le Hezbollah sans engager ses troupes au sol. Dans un rapport publié lundi, l’International Crisis Group a averti que l’escalade récente entre les deux parties «pose de graves dangers».
Le centre de réflexion souligne : «Le moment pourrait venir où le Hezbollah jugera qu'une réponse massive est la seule façon d'empêcher Israël de mener d'autres attaques qui pourraient l’affaiblir davantage.»