Durant quatre mois, un consortium de médias internationaux regroupant 50 journalistes représentant 13 médias, dont The Guardian, Der Spiegel, Le Monde ou encore l’AFP, a mené une enquête sur les journalistes morts à Ghaza en couvrant l’effroyable guerre faite au peuple palestinien. «Ces investigations révèlent un constat glaçant : nombre d’entre eux ont été ciblés alors même qu’ils étaient identifiables en tant que journalistes», révèle l’organisation Forbiddden Stories qui a coordonné cette enquête.
Un consortium de médias internationaux a publié hier une enquête accablante pour l’Etat hébreu. Ce consortium est composé de 50 journalistes représentant 13 médias internationaux, parmi lesquels The Guardian, Der Spiegel, Le Monde, L’AFP, ZDF ou encore ARIJ, un groupe de presse arabe basé en Jordanie.
Pendant quatre mois, ils ont mené une investigation sur les conditions dans lesquelles de nombreux journalistes et correspondants de presse ont été tués à Ghaza. Et cette enquête pointe clairement la responsabilité de l’armée israélienne dans le sort tragique subi par les confrères qui couvrent la guerre qui ravage l’enclave palestinienne.
D’après ce consortium, ils sont plus d’une centaine de reporters, des Palestiniens dans leur écrasante majorité, à avoir laissé leur vie en témoignant des affres de la guerre dévastatrice infligée aux Ghazaouis. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé aux Etats-Unis, a recensé 108 morts. Pour sa part, le Bureau gouvernemental des médias à Ghaza a indiqué récemment que le nombre total de professionnels de la presse tués depuis le 7 octobre à Ghaza s’élève à 151 victimes.
«The Ghaza Project»
Ce travail courageux a été coordonné par Forbidden Stories (littéralement : histoires interdites) sous le titre : «The Ghaza Project». Forbidden Stories est une organisation indépendante fondée en 2017 par le journaliste d’investigation Laurent Richard, et qui a fait du travail en réseau sa marque de fabrique pour réaliser des enquêtes internationales de ce calibre.
Forbidden Stories se donne pour mission de «protéger le travail de journalistes menacés et de poursuivre les enquêtes des reporters réduits au silence», comme on peut le lire sur son site officiel. Et «face à des ennemis de la presse de plus en plus organisés, nous avons fait de la collaboration journalistique notre méthode», précise cette ONG.
Alors que les médias partenaires ont choisi la date de ce mardi 25 juin pour publier chacun un aspect de cette grande enquête, la plateforme basée à Paris s’est fendue d’un texte explicatif mis en ligne le même jour.
Et dans cet article intitulé «Ghaza Project» : comment Forbidden Stories a enquêté sur la mort de plus de 100 journalistes à Ghaza», l’organisation journalistique fournit des informations édifiantes sur les dessous de ce travail éditorial et la méthodologie mise en place pour réaliser cette investigation collaborative avant d’arriver à la conclusion que «le Ghaza Project révèle un faisceau d’indices accablant pour le gouvernement israélien». «Depuis le 7 octobre, plus de 100 journalistes ont été tués.
Durant quatre mois, Forbidden Stories et ses partenaires ont enquêté sur les circonstances de la mort de ces journalistes, mais aussi sur tous ceux qui ont été visés, menacés ou blessés en Cisjordanie et à Ghaza. Ces investigations révèlent un constat glaçant : nombre d’entre eux ont été ciblés alors même qu’ils étaient identifiables en tant que journalistes», constate l’organisation.
«C’est ce gilet qui a failli nous tuer»
Dans le cadre de cette enquête, Forbidden Stories et ses partenaires «ont contacté à distance plus de 120 témoins dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie, dont des journalistes et des personnes ayant assisté à des activités militaires. Nous avons également consulté quelque 25 experts en balistique, armes et analyse audio, dont Earshot», explique l’ONG.
Elle précise que «les journalistes étrangers n’ont été autorisés à entrer dans Ghaza que lors de ''circuits'' organisés sous escorte israélienne». Et de souligner : «Etant dans l’impossibilité d’enquêter librement de l’intérieur de la bande de Ghaza, les membres du consortium ont associé les témoignages à distance aux images satellites de Planet Labs et de Maxar Technologies.
Les preuves collectées ont été sauvegardées sous forme numérique sur la plateforme Atlos, un espace de travail collaboratif qui a permis à tous les partenaires du consortium de rassembler les éléments dans un seul et unique endroit, afin de les classer par incident et de constituer une archive».
Forbidden Stories et les médias associés à cette enquête «se sont également entretenus avec des journalistes qui ont été menacés ou agressés dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie». Bassel Khair Al-Din, journaliste freelance à Ghaza, cité par Forbidden Stories, fera remarquer : «Alors que ce gilet “Press” était censé nous identifier et nous protéger selon le droit international, les conventions internationales et les conventions de Genève, il constitue désormais une menace pour nous.»
«C’est ce gilet qui a failli nous tuer, ce qui est arrivé à tant de nos confrères journalistes et employés des médias», répète-t-il. Bassel «pense avoir été ciblé par une attaque de drone, alors qu’il portait son équipement marqué “Press”», note l’organisation journalistique.
Pour recouper les informations recueillies par les journalistes regroupés au sein de ce consortium, Forbidden Stories a «étudié les données de trois organisations de défense de la liberté de la presse : le CPJ, Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ) et le Syndicat des journalistes palestiniens (SJP)». «Nous avons aussi examiné la destruction totale ou partielle des bâtiments et des locaux qui étaient clairement signalés comme étant des infrastructures de presse», indique la même source.
Journalistes visés par des drones et rédactions bombardées
«Selon notre décompte, au moins 40 journalistes et employés des médias ont été tués à leur domicile. Au moins 40 journalistes et employés des médias travaillant pour ce qu’Israël décrit comme des médias affiliés au Hamas ont perdu la vie.»
Les enquêteurs du consortium ont par ailleurs «identifié au moins 18 journalistes qui ont été tués, blessés ou auraient été ciblés par des drones, et six bâtiments abritant des rédactions totalement ou en partie détruits». En outre, «14 journalistes au moins portaient un gilet marqué ''Press'' au moment où ils ont été tués, blessés ou auraient été ciblés».
Shuruq As’ad, porte-parole du Syndicat des journalistes palestiniens, citée par Forbidden Stories, s’indigne : «S’il y avait eu 100 ou 140 journalistes israéliens ou ukrainiens tués, je ne pense pas que la réaction internationale serait la même.» «Je ne souhaite à aucun journaliste de mourir, qu’il soit Israélien, Ukrainien ou Palestinien. Les journalistes doivent pouvoir travailler et être protégés quelle que soit leur nationalité et quel que soit le pays dans lequel ils se trouvent», plaide-t-elle.
Autre fait troublant révélé par Forbidden Stories : «Parmi les 80 journalistes membres de la Maison de la Presse qui ont reçu un gilet ''Press'', qui disposaient d’un bureau partagé et un espace collectif créé pour les reporters à Ghaza, 11 ont été tués. Ces locaux symboliques ont eux-mêmes été détruits.»
Et de faire résonner ces mots d’Ahmed Qannan, l’un des fondateurs du lieu, qui martèle : «La Maison de la Presse était mon stylo, ma langue, mes yeux et mes oreilles. Ce qui me fait mal, c’est qu’une partie de moi a été arrachée après sa destruction par la machine de guerre israélienne.»
Des hôpitaux algériens au profit de Ghaza
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé, lundi à Alger, la disponibilité de l'Algérie à envoyer des hôpitaux de campagne à Ghaza, sur fond du génocide perpétré par l'entité sioniste contre le peuple palestinien sans défense.
Visitant le stand de l'Etablissement central de construction (ECC) relevant de la Direction des fabrications militaires (DFM) du ministère de la Défense nationale, lors de l'inauguration de la 55e édition de la Foire internationale d'Alger (FIA), le président de la République a affirmé que l'Algérie "est déterminée à réaliser 2, voire 3 hôpitaux au profit de la bande de Ghaza, dans les plus brefs délais, en vue d'aider les équipes médicales sur place et leur permettre de soigner les blessés, sur fond du génocide perpétré par l'entité sioniste contre la bande".
Le représentant du ministère de la Défense nationale a, de son côté, indiqué que l'hôpital de campagne, dont la réalisation pourrait prendre de 10 à 15 jours, comprendra une salle aménagée destinée à la chirurgie et à la stérilisation, ajoutant que l'hôpital sera doté de tous les équipements médicaux de pointe. (APS)