Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, était mercredi dernier à Alger où il a effectué une visite éclair qui n’a pas été annoncée officiellement. Il a été reçu par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
L’audience s’est déroulée en présence de Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères. «Nous avons poursuivi le travail engagé sur la relance, en cours, de nos relations bilatérales. Elles sont essentielles pour chacun de nos deux pays», a souligné le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères français à l’issue de son entrevue avec le chef de l’Etat, rapporte l’APS.
M. Le Drian a fait part du désir de la France d’inscrire les relations entre les deux pays «dans la durée» avec «la perspective d’une réunion prochaine du Comité de haut niveau entre les gouvernements français et algérien».
L’émissaire français a parlé de liens «historiques profonds» entre les deux rives. «Des liens humains multiples entre nos deux peuples de part et d’autre de la Méditerranée», a-t-il insisté, avant d’ajouter : «A nous de les inscrire dans une perspective historique d’avenir.»
Jean-Yves Le Drian a en outre mis l’accent sur la nécessité de la poursuite de la coopération sécuritaire, notamment au Sahel. «Nous faisons aussi face à des défis régionaux, au premier rang desquels le terrorisme. Notre coopération dans le domaine de la sécurité et pour la stabilisation de notre environnement régional est donc indispensable, en Méditerranée comme en Afrique», a-t-il déclaré, d’après l’AFP.
Cette coopération s’impose, a-t-il encore plaidé, par «l’évolution de la situation au Sahel et la nécessité de relancer le processus de transition en Libye».
«Des conséquences majeures»
Le ministre français des Affaires étrangères n’a pas manqué d’évoquer la guerre en Ukraine en s’attardant sur l’impact de ce conflit sur «la sécurité de l’Europe et la stabilité internationale». Il a attiré également l’attention sur les retombées de cette guerre en matière d’approvisionnements énergétiques et alimentaires. Le conflit a «des conséquences majeures en matière de diversification des approvisionnements énergétiques pour les Européens, comme en matière de sécurité des approvisionnements alimentaires, y compris pour l’Algérie», a-t-il prévenu, indique l’AFP. L’agence de presse française signale dans la foulée que l’Algérie «fournit environ 11% du gaz consommé en Europe, contre 47% pour la Russie».
Il est à noter que depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les capitales européennes s’activent pour réduire leur dépendance du gaz russe, et l’Algérie se trouve ainsi fortement convoitée en tant que pays gazier.
Cet aspect était d’ailleurs au cœur de la récente visite à Alger du Premier ministre italien, Mario Draghi, qui s’est conclue par un accord, le 11 avril, portant sur l’augmentation des exportations de gaz algérien vers l’Italie. «Nos gouvernements ont signé une déclaration d’entente sur la coopération bilatérale dans le secteur de l’énergie. A celle-ci vient s’ajouter l’accord entre ENI et Sonatrach pour augmenter les exportations de gaz vers l’Italie», avait assuré M. Draghi.
Et de préciser : «Tout de suite après l’invasion de l’Ukraine, j’avais annoncé que l’Italie allait rapidement s’organiser pour réduire sa dépendance au gaz russe. Les accords d’aujourd’hui sont une réponse significative pour atteindre cet objectif stratégique et d’autres suivront.» ENI, le géant italien des hydrocarbures, a affirmé de son côté que cet accord «permettra d’exploiter les capacités de transport disponibles du gazoduc (Transmed) pour assurer une plus grande flexibilité d’approvisionnement en énergie et fournir progressivement des volumes croissants de gaz à partir de 2022, jusqu’à 9 milliards de mètres cubes de gaz par an en 2023-24» (dépêche AFP du 11 avril).
Des relations en dents de scie
Cette visite du Premier ministre italien puis celle de Jean-Yves Le Drian témoignent de cet activisme européen pour trouver une alternative au gaz russe. Un troisième partenaire d’importance, l’Espagne, aurait dû entrer dans la danse. Mais ce ballet diplomatique survient alors qu’Alger est en froid avec Madrid, ceci depuis que l’Espagne s’est alignée sur le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental.
L’Algérie n’exclut pas de revoir ses prix énergétiques à la hausse vis-à-vis de son client ibérique. Et pour revenir aux relations algéro-françaises, force est de constater que celles-ci peinent à s’emballer après la tempête de l’automne dernier. On se souvient du tollé qu’avait provoqué Emmanuel Macron lorsqu’il avait mis en doute, devant un groupe de jeunes reçus à l’Elysée le 30 septembre 2021, l’existence de la nation algérienne avant la colonisation.
«Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question», s’était-il interrogé sournoisement.
Le président sortant avait également eu des mots peu amènes à l’égard des dirigeants algériens en parlant de «système politico-militaire» qui s’est construit sur une «rente mémorielle». Pour désamorcer la crise, Jean-Yves Le Drian avait été dépêché à Alger le 8 décembre 2021, officiellement pour une «visite de travail, d’évaluation et de relance des relations», selon le Quai d’Orsay.