Après trois années de fermeture, suite à la pandémie du Covid-19, le complexe religieux et culturel, Sidi Abderrahmane At-Thaâlibi, retrouve son lustre d’antan au grand bonheur du large public.
La wilaya d’Alger, maître d’ouvrage, avait saisi l’occasion pour entamer les travaux de restauration sur ce sanctuaire qui abrite, outre la tombe du saint patron d’Alger Ibn Mezghenna et celles de quatre autres vénérables ascètes, une mosquée, un musée, une douéra ainsi que d’autres dépendances, relookées dans leur ensemble par le BET et l’entreprise des travaux de construction Yahiaoui qui, faut-il souligner, n’ont pas dérogé aux règles que requièrent les techniques de réhabilitation, en restituant tous les éléments du patrimoine architectural et architectonique.
Depuis quelques jours, les visiteurs affluent vers ce site sous l’œil des vigiles de la RFVA (Régie foncière de la ville d’Alger) qui veillent au grain, notamment pour dissuader certaines gens qui se laissent aller à des pratiques en porte-à-faux avec les préceptes de l’islam.
Cet espace du bâti traditionnel, entièrement remis à neuf – avec ses parois chaulées et revêtues de céramique (zelidj) aux motifs floraux, ses portiques en tuf débarrassés de la peinture organique, par système de microsablage, son réseau d’évacuation des eaux pluviales rénové, etc.– s’étend sur une superficie de 2289,35 m2, dont 682, 27m2 de bâti et un étage de 1364,54 m2.
Cette aire, qui jouxte la médersa au style néo-mauresque (édifice construit en 1904, après la seconde prise de fonction de Charles Jonnart, comme gouverneur général de l’Algérie), abrite la principale sépulture, celle du saint homme Sidi Abderrahmane At- Thaâlibi, mausolée du sanctuaire éponyme, visité, soit dit en passant, par la reine Victoria qui aurait remis vers 1870, un présent, un beau lustre en l’occurrence.
Dans la chambre sépulcrale, le visiteur peut balayer du regard le plafond orné de lustres, paré de traverses et d’encorbellement en bois déclinant des couleurs et des formes géométriques ainsi que des tableaux sous verre accrochés aux murs, sur lesquels sont écrits des versets coraniques. Pour en tirer la «baraka», une jeune dame passe ses mains sur l’étoffe verte brodée et enrichie de versets, qui recouvre la sépulture du saint.
Le gardien ne branche pas cette fois-ci, préférant fermer l’œil… D’autres femmes assises à même le sol, marmonnent entre elles, comme pour dire les raisons qui les privent désormais à allumer une bougie, demander grâce ou faire une offrande votive. Elles discutaient des choses de la vie sans sembler vraiment prêter attention à la spiritualité que confère l’espace ou à l’atmosphère empreinte de soufisme.
A l’entrée du site, quelques marches plus bas, il y a la tombe du saint homme, Sidi Ouali Dada qui aurait, selon la légende, soulevé, en 1541, avec son bâton magique, les flots dans le port d’Alger contre la flotte de Charles Quint. Dans une autre aile de l’enceinte, y sont enterrés le vénérable marabout Sidi Mançour ainsi que deux autres ascètes Sidi Flih et Sidi Ouadhâh.
Dans ce site sacré, plus connu par les visiteurs attitrés de zaouiya Sidi Abderrahmane At-Thaâlibi, érudit et auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages dont «Les bons joyaux dans l’interprétation», «Des vérités sur le soufisme», «Les lumières éclairantes dans l’union de la loi et de la vérité», y sont aménagés une petite mosquée, une douéra, un musée, une bibliothèque et un corridor voûté servant d’abattoir.
De part et d’autre, de ces dépendances, un lieu d’enterrement, dit cimetière des Thaâlba, est implanté dans le site, où sont inhumés des personnalités de haut rang de l’époque ottomane, tels le dey Mustapha Pacha, Ahmed Bey El Mamelouk, bey de Constantine, Youssef Pacha dont la sépulture de marbre est ciselée d’une épigraphie et de fleurs stylisées, Khedeur Pacha (1605), Youcef Pacha (1687), Fatima et N’fissa, les deux filles d’Hassan Pacha, Ali Khodja, avant-dernier dey d’Alger (1818).
Dans une autre aile de cet espace sacré, il y a d’autres tombes d’illustres figures, comme Mohamed Ben Cheneb (1929-1969) et son fils, l’éminent professeur Saadeddine Ben Cheneb, le savant réformiste Abdelhalim Ben Smaya ou encore le miniaturiste enlumineur, Mohamed Racim (1896-1975). Notons que lors de la célébration du Mawlid ennabaoui, des qcid et mdih, poèmes religieux, composés par les muphtis d’Alger, sont déclamés dans cet endroit. L’origine de cette cérémonie remonterait au XVIIe siècle.
Outre cette tradition séculaire, le lieu de dimension spirituelle est tout indiqué pour qu’il soit un centre de rayonnement culturel et ce, à travers des rencontres et des conférences qui seront animées, notamment par des professeurs historiens, chercheurs, théologiens et autres érudits en sciences islamiques.