Une plateforme numérique de la Cour suprême rejette des pourvois en cassation : Les avocats redoutent une «déshumanisation de la justice»

23/12/2024 mis à jour: 17:57
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La Cour suprême - Photo : D. R.

Pour, Me Ahmed Saï, ancien président de l’UNOA, les conséquences de cette «robotisation de la justice» sont irrattrapables. Un simple oubli de «citer la profession ou l’adresse du justiciable qui introduit un pourvoi en cassation» conduit, dit-il, à un rejet de la requête.

Abus», «déni de justice» et «déshumanisation de la justice»… Des avocats montent au créneau pour dénoncer le recours, par la Cour suprême, à une plateforme numérique pour le traitement des pourvois en cassation des justiciables et qui les rejette massivement en la forme. Le premier à lancer l’alerte est l’ancien président de l’Union des Ordres des avocats (UNOA), Me Ahmed Saï.

Dans un texte diffusé largement par ses collègues avocats sur les réseaux sociaux, il affirme que la «Cour suprême a mis en place récemment une plateforme, dans le cadre de ce qui est appelé numérisation du secteur de la justice, qui rejette les pourvois en cassation en la forme». Selon lui, dans 57 cas, les requêtes sont rejetées. «C’est la machine qui tranche la question des recours. C’est ce que l’on appelle déshumaniser la justice», déplore Ahmed Saï. Pour ce dernier, les conséquences de cette «robotisation de la justice» sont irrattrapables.

Un simple oubli de «citer la profession ou  l’adresse du justiciable qui introduit un pourvoi en cassation» conduit, dit-il, à un rejet de la requête, et par conséquent, à la perte «des droits» et à une «atteinte aux libertés». «La démarche de la Cour suprême et de l’ensemble des instances judiciaires, qui cherchent seulement l’erreur ou une lacune pour rejeter les plaintes au lieu de les traiter, n’est pas raisonnable et engendre de graves dépassements», écrit l’avocat, qui appelle le ministre de la Justice à intervenir pour retirer le code de procédure pénale pour enrichissement, avec la participation des avocats. Contacté, le président de l’Union des Ordres des avocats, Brahim Taïri, soutient que cette plateforme «tue la justice».

Appel à une réunion avec le président de la Cour suprême

«Ce qui est dénoncé par Me Saï est vrai. Les juges doivent faire un effort pour consacrer la justice. Ce n’est pas le cas avec ce procédé adopté pour le traitement des recours», déclare-t-il, estimant que 60% des pourvois en cassation sont rejetés en la forme. «Nous avons demandé une réunion avec le président de la Cour suprême pour examiner cette situation et nous attendons sa réponse», dit-il. Commentant cette affaire sur sa page Facebook, Me Abdellah Heboul parle de «catastrophe légale et juridique qui ne garantit pas les droits des justiciables».

Pour Me Fetta Sadat, la situation est très grave. «Ceux qui ont mis en place cette plateforme l’utilisent comme un moyen de désengorger la Cour suprême, parce qu’il y a énormément d’affaires en suspens. Mais il y a une grève atteinte au droit des justiciables, surtout que la Cour suprême est l’ultime recours pour eux afin d’obtenir justice», dénonce-t-elle. Qualifiant ce procédé «d’abusif» et de «déni de justice», Me Sadat précise que le rejet «des dossiers en la forme, est une manière d’empêcher leur traitement sur le fond». «Ce qui est important n’est pas la forme, mais le fond si on veut construire une Etat de droit», déclare-t-elle, soulignant que «le code de procédure pénale, ni aucune autre loi, ne prévoit le recours à ce traitement des dossiers des justiciables».  
 

 

 

 

 

 

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