Le monde arabe devrait-il redouter Donald Trump ? Oui, s’il faut s’en tenir à ses premières mesures après son investiture et ses déclarations antérieures. En levant toutes les contraintes sur les forages d’hydrocarbures sur le sol américain, le nouveau Président compte inonder les marchés mondiaux de pétrole et de gaz américains et réserver ainsi l’essentiel des parts du marché mondial aux compagnies du pays.
En même temps, il cherche à faire s’effondrer les prix au bénéfice des consommateurs américains. Il défie ainsi les principaux producteurs dans le monde, en premier la Russie, les monarchies de Golfe et un certain nombre de producteurs moyens un peu partout dans le monde, parmi eux l’Algérie. Notre pays serait relativement épargné du fait de sa production modeste placée généralement dans plusieurs pays européens, notamment à travers des contrats à long terme qui stabilisent les quantités et les tarifs. Et les Américains devront tenir compte des réactions d’autodéfense des pays exportateurs susceptibles de riposter à travers leurs cartels (OPEP et OPAEP) et leurs importantes productions dont le monde a besoin.
Cependant, Trump devra tenir compte des contextes politiques et géopolitiques en pleine mutation, avec la Russie qu'il compte ramener à la table des négociations avec l’Ukraine, et avec les capitales du Golfe qu'il ambitionne d’intégrer dans les accords d’Abraham dont il est à l’origine. Le premier pays visé est l’Arabie Saoudite, qui a posé l’ exigence fondamentale de la création d’un Etat palestinien, le second, le Qatar passerelle entre les Palestiniens et les Israéliens. Aussi, avec Moscou, Riyad et Doha, Donald Trump devra faire attention de ne pas trop brusquer sur les questions liées au gaz et au pétrole. Ces capitales arabes ne toléreront pas une atteinte à leurs principales ressources.
La marge de Donald Trump est étroite au Moyen-Orient dans le nouveau contexte marqué par la libération des otages détenus par le Hamas après l’affaiblissement du Hezbollah et la mise hors course de la Syrie. Si Donald Trump n’a pas encore dévoilé toute sa stratégie, il a néanmoins pris diverses mesures en faveur de Tel-Aviv. Il a gracié des colons de Cisjordanie sanctionnés par l’administration Biden pour leurs exactions à l’encontre des Palestiniens et désigné deux inconditionnels de la colonisation israélienne, le nouveau secrétaire d’Etat et l’ambassadeur américain en Israël.
Il ne peut être qu'en phase avec le bloc républicain aux congrès pro Netanyahu et qui a inondé en armes et en dollars l’opération génocidaire à Ghaza et la destruction d’une partie du Liban. Avec en point de mire l’affaiblissement de l’Iran pour que ce pays ne joue plus aucun rôle dans la guerre entre Israël et les Palestiniens, au Liban, en Syrie et en Irak. Son programme nucléaire sera particulièrement visé et il devra s’attendre à un durcissement des sanctions à son encontre, dont Israël en sera le principal bénéficiaire. En fin de compte, Donald Trump ne fera que poursuivre en direction d'Israël ce qu' a fait son prédécesseur qui a déversé, sans compter, armes et dollars. Washington usera aussi de son arme favorite qui est le droit de veto au Conseil de sécurité pour contrecarrer toutes les tentatives internationales de régler la question palestinienne dans sa substance fondamentale qui est le décolonisation du territoire.
Le coût humain terrifiant de Ghaza ne pèsera pas dans la balance par rapport aux intérêts du sionisme mondial. Il est de 47 000 morts, dont les deux tiers sont des femmes et des enfants, plus de 100 000 blessés et la destruction de plus de 80% des infrastructures de l’enclave. C’est pour cela que le pessimisme est de rigueur sur la question des «deux Etats» en Palestine qui fait pourtant consensus à l’échelle internationale, y compris au sein des alliés occidentaux de Washington.
On voit mal Trump aider à déloger le demi-million de colons israéliens installés en Cisjordanie pour faire place au retour des Palestiniens et s’opposer frontalement à la doctrine du «grand Israël», le rêve sioniste de toujours, bien ancré aux Etats-Unis et qui converge avec l’idée de la «grande Amérique» dominatrice du monde par tous les moyens. Donald Trump vient de la remettre sur selle et la brandir comme une grande cause de son administration.
Gros nuages sur le monde, y compris sur l’Europe que le nouveau Président veut vassaliser et sur la Chine mal vue pour sa concurrence économique.