L’ancien Garde des sceaux, Tayeb Louh et Said Bouteflika, le frère conseiller du défunt président déchu, comparaitront aujourd’hui, devant le tribunal criminel d’appel à Alger, dans le cadre de l’affaire dite des « SMS », qu’ils échangeaient pour « interférer » dans le travail de la justice au profit du patron de l’ETRHB, Ali Haddad, et de l’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khellil, pour laquelle, ils avaient été condamnés respectivement à 6 ans de réclusion criminelle et à 2 ans de prison.
Trois mois après leur condamnation par le tribunal criminel de Dar El Beida, à Alger, l’ex-ministre de la Justice, Tayeb Louh, son inspecteur général, Tayeb Belhachemi, Saïd Bouteflika, frère-cadet et conseiller du défunt président déchu, seront rejugés dès aujourd’hui, par le tribunal criminel d’appel à près la cour d’Alger, après le rajout de l’examen de leur affaire au programme de la session criminelle (une liste additive), alors qu’elle était sur le point d’être clôturée. Leur procès revient après annulation du verdict prononcé en première instance, le 12 octobre dernier, et contre lequel aussi bien le procureur général que les accusés ont fait appel.
Poursuivi « pour entrave au bon déroulement de la justice », « faux en écriture officielle » et « incitation à la partialité », Tayeb Louh, a écopé d’une peine de 6 ans de réclusion criminelle assortie d’une amende de 200 000 DA, alors que Tayeb Belhachemi, inspecteur général, Said Bouteflika et Ali Haddad, ont été condamnés à une peine de 2 ans de prison ferme. Quant à l’ex-secrétaire général du ministère de la Justice, Laâdjine Zouaoui, les juges, Mokhtar Belahrach, Samoun Sid Ahmed, Khaled Bey, ainsi que l'avocat Derfouf Mustapha et l'ex candidate aux législatives de mai 2017 pour la circonscription de Ghardaïa, Meriem Benkhalifa, ils ont tous été acquittés. Ils ont été jugés pour avoir « exécuté les instructions » de l’ancien ministre, Tayeb Louh, dans « la falsification de documents officiels et de jugements ».
Ces derniers concernaient trois affaires distinctes. La première est liée à l’annulation « sur instruction » de Tayeb Louh, des mandats d’arrêt internationaux, lancés l’été 2013, contre l’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khellil, son épouse et ses deux enfants, alors que pour la seconde, il s’agit des mêmes « interférences » au profit de l’homme d’affaires Ali Haddad, dans une affaire en justice, et la troisième est liée à une affaire d'intervention, toujours « sur ordre » du ministre de la Justice pour «falsifier » un procès-verbal avec effet rétroactif pour valider la candidature de Meriem Benkhalifa, aux élections législatives de 2017.
Placé en détention durant l’été 2019, Tayeb Louh avait nié les accusations d’«abus de fonction», «d’entrave au bon fonctionnement de la justice», «d’incitation à la partialité» et de «faux en écriture officielle», avant de qualifier les poursuites dont il a fait l’objet de «grave précédent», et de déclarer que son incarcération « dans un contexte inconstitutionnel sous un président qui n’était pas élu (en référence au défunt Abdelkader Bensalah qui avait remplacé Bouteflika, après sa démission, NDLR), avait des motivations politiques (…) On disait que j’avais ouvert de nombreuses enquêtes dont une sur le fils du défunt chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaid Salah. Je ne vais pas entrer dans les détails de l’instruction en cours. Je vous laisse examiner mon dossier en votre âme et conscience».
La raison d’Etat
Saïd Bouteflika a également balayé d’un trait le délit « d’incitation à la partialité de la justice », avant d’évoquer Chakib Khellil, «le seul homme » avec lequel, son frère, le défunt président, «est resté et il a grandi », ajoutant qu’«après 20 ans de pouvoir, ils le poursuivent. Plus grave, ils annoncent des mandats d’arrêt contre lui, son épouse et ses deux enfants et l’accusent avec violence. Pour des raisons d’Etat, je ne voudrais pas aller dans le détail ».
Il s’est attaqué à Belkacem Zeghmati, alors ministre de la Justice, en regrettant cependant, que « la preuve » qu’il détient « soit toujours à la présidence » et pas sur lui. «Zeghmati a envoyé une lettre au président, lui demandant pardon. Il lui a expliqué qu’il a été sommé de lancer le mandat d’arrêt par le ministre de la justice. Chakib Khellil a grandi au sein de notre famille avec les grands de ce pays. Même lorsqu’il était aux USA, il est resté en contact avec mon frère et moi-même. Il en est de même, lorsqu’il est rentré. Mais, l’enquête n’a retenu que les SMS pas même les visites qu’il nous rendait », a-t-il souligné.
Il a catégoriquement nié avoir donné « une quelconque instruction » à Tayeb Louh, et rappelé qu’à l’issue d’un conseil des ministres, son frère, alors président, a évoqué l’affaire avec le Garde des Sceaux, durant plus de deux heures, sans qu’il ne soit au courant des détails de l’entrevue : « A la fin, il m’a dit qu’il a discuté avec Louh, pour voir comment régler l’affaire de Chakib dans un cadre légal. Je recevais beaucoup de courrier et 80 % concernaient des plaintes que j’orientais vers les départements concernés pour une prise en charge, sans aucune instruction. Mais, sur les réseaux sociaux je suis à longueur de journée, insulté diffamé, accusé d’avoir pris toutes les richesses du pays. Chaque usine qui sort, on cite mon nom. Je ne suis pas son frère par affiliation seulement, mais aussi par la relation particulière ».