Une telle initiative peut éviter à la région le pire des scénarios qui la guette en raison de sa proximité avec de nombreux pays en crise.
De fortes rumeurs sur des affrontements opposant l’armée malienne aux rebelles de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), au nord du Mali, ont fait dimanche dernier le buzz sur les réseaux sociaux sans que Bamako ne confirme ou n’infirme les faits.
Mais tard dans la soirée, une déclaration du porte-parole de la coordination, Ali Ag Mohamed, a été diffusée, mettant un terme à cette campagne d’intox visant les rebelles de la CMA. «Je confirme qu’il n’y a aucun affrontement entre les mouvements de l’Azawad-CMA contre mes milices russes ainsi que les unités de l’armée au cours des dernières heures.
Les chefs militaires de la CMA ont donné des instructions strictes pour éviter tout conflit, mettant en priorité la sécurité des civils malgré la mobilisation générale des combattants», a écrit Ali Ag Mohamed, sur son compte X (anciennement Twitter), reconnaissant par ailleurs «un profond mécontentement qui règne à tous les niveaux».
Le responsable s’est montré un peu inquiet des déclarations publiques de certains combattants au sein de la CMA qui, selon lui, «ont commencé à faire des déclarations publiques» dans lesquelles ils menacent de rejoindre ouvertement «les mouvements djihadiste», dans le cas où «les efforts échoueraient et si aucune mesure n’est prise contre les violations de l’armée de Bamako», parce que «ils n’ont aucun autre choix».
Pour Ali Ag Mohamed, «il convient de dissiper toute confusion concernant les prétendues coordinations militaires entre Al Nosra (groupe terroriste, ndlr) et les mouvements de l’Azawad», précisant que « les individus qui ont choisi de rejoindre Al Nosra sont similaires à ceux qui ont décidé de rejoindre les unités de l’armée ou d’autres groupes et factions combattantes.
Prétendre qu’il existe une coordination militaire serait contradictoire en soi, car cela impliquerait également une coordination avec les unités de l’armée qui compte des combattants originaires de l’Azawad».
En conclusion, Ali Ag Mohamed met en garde contre une évolution dangereuse de la situation au nord du Mali, en affirmant qu’il est «nécessaire de comprendre que la situation est tendue, que des mesures concrètes doivent être prises pour faire face aux violations commisses par ces milices et les unités de l’armée. Faute de quoi, les conséquences pourraient être l’adhésion déclarée aux mouvements djihadistes».
L’inquiétude du porte-parole de la CMA semble légitime en raison des informations faisant état de combats plutôt entre les forces maliennes et les groupes djihadistes, qui tentent de profiter du retrait prématuré des forces de la Minusma, dans les régions de Tombouctou et de Ber.
Par leur silence, les autorités ont laissé planer le doute sur les assaillants qui ont attaqué les positions de leurs forces armées durant ces dernières 24 heures.
A travers sa déclaration, le porte-parole de la CMA a exprimé une lourde inquiétude quant à l’évolution dangereuse de la situation, mais a laissé entendre qu’une lueur d’espoir était permise et peut éviter le pire des scénarios.
Il a affirmé que «les instructions données pour éviter les conflits avec les forces armées» répondent aussi à «l’attente des résultats des correspondances et des rencontres entre la CMA et les médiateurs».
En fait, Ali Ag Mohamed a fait allusion à une initiative de la CMA visant à renouer le dialogue avec les autorités à Bamako, pour éviter d’aggraver la situation sécuritaire et politique, déjà lourdement affectée par les crises qui laminent les pays qui entourent le Mali, notamment le Niger, le Tchad, la Libye, pour ne citer que ceux-là.
C’est à la suite d’une grande rencontre ayant regroupé le 20 août dernier, de nombreux membres de la CMA, de la société civile et des notables du Nord pour discuter de la situation et surtout discuter de la possibilité de reprendre le dialogue avec les autorités maliennes.
La rencontre a eu lieu au domicile d’un des notables, Bajan Ag Hamatou, membre du CNT (Conseil national de transition) député-maire et notable de la région de Ménaka et s’est terminée très tard dans la nuit avec une série de propositions et une commission a été installée, hier, pour prendre contact avec Bamako et obtenir une réunion de pourparlers ou de négociations entre les deux parties.
Pour les plus optimistes, la médiation pourrait aboutir à une sortie de crise, d’autant que des voix de nombreux notables ont plaidé pour une prise de conscience et un retour à la table des négociations afin de régler les problèmes sécuritaires et politiques de la région entre Maliens.
C’est le cas de l’Aménokal de Kidal, Mohamed Ag Intalla, qui avait anticipé sur les appels à l’apaisement, en rendant public un communiqué dans lequel il a exprimé sa «préoccupation par la rumeur en lien avec les tensions vraies et supposées entretenues autour du retour de l’armée malienne après le retrait de la Minusma» et a rappelé son «attachement à la paix et à la mise en œuvre consensuelle de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger» puis a appelé les forces armées maliennes et les mouvements signataires à «convenir des modalités pratiques pour l’occupation de l’armée reconstituée des emprises laissées par la Minusma, et ce, au plus tard le 31 décembre 2023».
Il a également invité «les partie à mettre en place dans les meilleurs délais les conditions propices à la reprise du dialogue intermalien afin d’accéder la mise en œuvre de l’accord (d’Alger, ndlr)».
Il est donc certain que les voix du dialogue se multiplient pour faire taire celles de la confrontation prônées de part et d’autre et qui pourraient entraîner la région dans un marécage où une multitude de groupes armés terroristes et contrebandiers s’affronteront chacun pour des intérêts occultes et au détriment de ceux d’une population qui a tant souffert et qui risque de reprendre la difficile route de l’exode.