Dans l’entretien accordé à El Watan, le jeune essayiste Ali Chibani évoque le long combat du poète Jean El Mouhoub Amrouche (1906-1962) pour la dignité de son peuple. «Ses écrits prouvent aussi que Jean Amrouche s’est, dès son adolescence, assigné la mission d’être «la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, comme l’écrit Aimé Césaire», souligne-t-il. S’agissant de la nécessaire réhabilitation de cette figure majeure de la littérature et du combat politique, l’auteur est sans appel : «Ceux qui connaissent le parcours politique, journalistique et littéraire de Jean Amrouche sont admiratifs et reconnaissants. Ceux qui l’ignorent parce qu’ils n’ont pas eu l’opportunité d’entendre parler de lui peuvent le faire en découvrant son œuvre, et c’est là le seul hommage valable que l’on puisse rendre à un écrivain. Quant à ceux qui veulent le faire oublier, je suis certain qu’ils ne reconnaîtront jamais l’importance qu’a eue cet homme d’exception dans l’histoire de la première moitié du XXe siècle.»
Soixante ans après l’indépendance du pays, le père de L’Eternel Jugurtha, Jean Amrouche, mort il y a soixante ans justement, n’est pas encore reconnu. Fin connaisseur du monde littéraire, il est même peu connu dans son pays natal, puisque marginalisé à l’avènement de l’indépendance par ceux qui ne veulent pas comprendre que «par-dessus les différences de langue, de mœurs ou de religion, l’intelligence est une patrie». «La poésie est toujours un acte de paix, disait Pablo Neruda. Le poète naît de la paix comme le pain naît de la farine. Les incendiaires, les guerriers, les loups cherchent le poète pour le brûler, pour le tuer, pour le mordre.»