Soixante ans après l’indépendance du pays, le père de L’Eternel Jugurtha, Jean Amrouche, mort il y a soixante ans justement, n’est pas encore reconnu. Fin connaisseur du monde littéraire, il est même peu connu dans son pays natal, puisque marginalisé à l’avènement de l’indépendance par ceux qui ne veulent pas comprendre que «par-dessus les différences de langue, de mœurs ou de religion, l’intelligence est une patrie». «La poésie est toujours un acte de paix, disait Pablo Neruda. Le poète naît de la paix comme le pain naît de la farine. Les incendiaires, les guerriers, les loups cherchent le poète pour le brûler, pour le tuer, pour le mordre.»
Histoire de famille et naissance d’un écrivain
Comment écrire un texte sur cet homme multiple, si exceptionnel et au parcours tragique ? Nul autre n’a pu le faire mieux que Kateb Yacine dans son puissant poème C’est vivre, écrit en hommage aux trois grands écrivains (Fanon, Amrouche, Feraoun), tous morts en l’espace de six mois, quelques mois seulement avant l’indépendance de l’Algérie. Ces vers suffisent à eux seuls pour dire leur destin tragique scellé juste avant que «La lumière du jour» de l’indépendance éclate : «Fanon, Amrouche, Feraoun/Trois voix brisées qui nous surprennent/Plus proches que jamais/Fanon, Amrouche, Feraoun/Trois sources vives qui n’ont pas vu/La lumière du jour.»
Une des sources «qui faisaient entendre/Le murmure angoissé/Des luttes souterraines», un des trois «qui n’ont pas cessé d’écrire/Portant à bout de bras/Leurs œuvres et leurs racines», Jean Amrouche, un de ce trio légendaire honoré par l’illustre Kateb, fut l’ennemi implacable du silence et de la lâcheté. Jean Amrouche, alias Jean El Mouhoub, est un pionnier incontournable de la littérature algérienne d’expression française, cette littérature née justement avec lui, Mouloud Feraoun, Mohamed Dib, Mouloud Mammeri et Kateb Yacine. Issu d’une famille chrétienne de Kabylie, il est né le 7 février 1906, à Ighil Ali, un village de la vallée de la Soummam, perché sur les Mont Bibans. «Jean El-Mouhoub Amrouche est donc né par une nuit neigeuse, une nuit de tempête, le 7 février 1906 (…) Il ne fut déclaré à Akbou que le 13 février, à cause de cette tempête de neige», écrivait Réjane Le Baut dans Jean El-Mouhoub Amrouche, Algérien universel. Ses parents, Fathma Aït Mansour Amrouche, Belkacem Amrouche, élevés par les pères et les sœurs catholiques dès leur prime jeunesse, étaient convertis au christianisme.
Quelques années seulement après la naissance de Jean, la petite famille quitte la Kabylie natale où elle vivait dans des conditions difficiles, pour s’installer en Tunisie. Ecrivaine devancière, la mère Fathma Aït Mansour Amrouche, maternité de la littérature algérienne, a relaté sa vie dans son célèbre et très émouvant livre autobiographique Histoire de ma vie.
C’est elle qui a transmis l’amour de la poésie, l’attachement au pays natal et à la langue maternelle à ses enfants, Jean et Taos. Après des brillantes études secondaires au collège Alaoui de Tunis, puis à l’école normale supérieure Saint Cloud, à Paris, Jean Mouhoub embrasse une carrière de professeur de lettres à Sousse, à Bône et à Tunis. Très attachés à leurs origines, ayant senti très tôt l’urgence de sauver leur culture d’une mort programmé, obsédés par la nécessité de rassembler et de préserver les lambeaux du patrimoine ancestral déchiré, Jean et Taos consacrèrent leur temps à recueillir et à traduire les contes et les chants berbères légués oralement par leur mère, faisant d’eux un trésor de la littérature universelle.
Dans l’introduction de son livre Chant berbère de Kabylie, paru en 1939, Jean, écrit : «Il fallait transcrire et traduire d’urgence ces chants, non seulement parce que leur survie tient au souffle de ma mère mais aussi parce que le pays, dont ils portent l’âme, est frappé de mort…»
Un peu plus loin, le grand transcripteur de ces chants kabyles ajouta : «Le peuple kabyle avait pu garder ses franchises contre tous ceux qui l’avaient soumis. Il résiste mal à la victoire mécanicienne. Ses traditions meurent peu à peu, et avec elles, sa poésie. J’ai voulu contribuer à la sauver.»
Viscéralement attaché à sa langue et à ses racines et ouvert sur le monde, Amrouche a atteint l’universalité tout en restant fidèle à lui-même. Ferme et inébranlable, il a lutté avec ferveur, cherché inlassablement ses origines dans l’histoire millénaire de la Numidie et des berbères, glorifiant un passé de résistance et de lutte menées par des figures mythiques et historiques. Lucide et avisé, il a mené son combat lumineux contre le totalitarisme et le génocide en s’appropriant de plus en plus le combat des aïeuls.
Le 16 avril 1962, l’écrivain mourut de maladie, en exil, à Paris, quelques semaines seulement après le cessez-le-feu.
Genèse d’une œuvre née dans l’arène
«La grandeur du caractère réside dans la constance», disait Jean Amrouche dans l’Eternel Jugurtha. Comme Jugurtha, l’ancêtre guerrier, Jean Amrouche, «sait ce dont il est virtuellement capable, que la valeur d’un homme se mesure à ses actions, et que seule la main ouvrière peut achever ce que l’esprit a commencé». Poète de renommée mondiale, Jean Amrouche a laissé une œuvre poétique aussi puissante que douloureuse où sa grande sensibilité aux causes justes ainsi que son déchirement entre les deux cultures, française et kabyle, se révèlent magistralement.
En 1934, aidé par son ami Arnaud Guillet, il publia son premier recueil de poésie Cendres, puis un deuxième Etoile secrète, en 1937. Sa poésie justement, hantée par le spectre de l’enfance perdue, traversée par le sentiment d’exil, nourrie de la sève des ancêtres, forgée dans la verve biblique, irriguée des sources de la vie, est une poésie humaine, universelle.
L’arène si troublée des années quarante, avec ses grands bouleversements et ses choix décisifs, avait agrandi le jeune Amrouche, ambitieux et plein d’enthousiasme. Journaliste hors pair, inventeur d’un genre littéraire nouveau, brillant homme de radio entre 1944 et 1959, à Tunis-RTT (1938-1939), Radio France Alger (1943-1944) et Radio France Paris (1944-1958), il a réalisé simultanément des entretiens d’une valeur inestimable avec des écrivains et des penseurs mondialement connus et reconnus.
Les penseurs Gaston Bachelard, Edgar Morin, Paul Claudel, Roland Barthes, Jean Starobinski, les poètes et romanciers André Gide, François Mauriac, Pierre Emmanuel, Claude Aveline, Jean Lescure, Kateb Yacine, Max-Pol Fouchet entre autres furent ses prestigieux invités. C’est sur ces entretiens avec les grands noms de la philosophie et de la littérature que Jean Lescure a écrit dans Histoire des littératures :
«Les enregistrements des entretiens de ce véritable créateur du genre qu’est Amrouche avec Gide, puis avec Claudel, Mauriac, Ungaretti sont des œuvres dont l’histoire de la littérature ne se passera qu’avec dommage, et dont la perte serait aussi grave que celle du manuscrit des Caves du Vatican, de Protée, de Genitrix, ou l’Allegria. (…)
Ce qui est bouleversant ici et à jamais digne de l’attention des hommes, ce sont précisément les voix humaines, en leur origine même, à ce point où elles ne sont pas encore distinctes des mots qu’elles prononcent.
Ce sont les soupirs traqués de Gide devant l’impitoyable question que lui inflige Amrouche, ce sont les roulements massifs de Claudel, les essoufflements torturés d’Ungaretti, les murmures difficiles de Mauriac. Et neuf fois sur dix Amrouche trouve la question qui contraint son interlocuteur à faire aveu de lui-même, et à renoncer à se protéger du masque que l’existence mondaine a autorisé sa voix à se former».
Ses articles de presse, ses études et critiques littéraires publiés dans des revues en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en France sont des trésors ciselés par un intellectuel nourri aux mamelles de la culture universelle, mais en quête constante de ses racines, de son identité et de l’indépendance de sa patrie.
C’est justement pour cette raison qu’il a écrit en 1946 son essai L’Eternel Jugurtha dans une tentative de refondation de l’histoire en déterrant une histoire nationale de résistance jusqu’à là occultée. Édité une année après les événements du 8 mai 1945, cet essai est considéré comme une vraie réplique au discours colonial. Dans chaque mot, dans chaque parole, dans chaque vers, Jean Amrouche dénonce avec véhémence et courage intellectuel inégalé le système colonial et affirme fermement sa solidarité active avec sa partie blessée et avec son peuple en lutte.
En 1958, dans un puisant poème intitulé Le combat algérien, l’impénitent Jean Amrouche, le poète-militant ouvertement impliqué dans les événements d’Algérie, a crié sa colère et son indignation face à l’injustice et à l’humiliation infligées aux algériens par la France coloniale. Pour avoir dénoncé énergiquement les ravages du colonialisme, pour avoir revendiqué clairement l’indépendance de son pays et de son peuple, il a dû subir vindictes et représailles de la part de l’administration française. En 1959, il perd son poste de rédacteur en chef de la radio RTF où il anime l’émission «Des idées et des hommes» alors qu’il est l’intermédiaire entre le général de Gaulle et Ferhat Abbas, le président du Gouvernement provisoire de la République algérienne.
Dans Algérie-Actualité, Tahar Djaout a écrit si pertinemment : «L’œuvre poétique de Jean Amrouche ne vaut pas par son abondance : elle s’arrête pratiquement en 1937, alors que le poète vivra jusqu’en 1962. La majeure partie de sa vie est consacrée au déchiffrement du monde et à la recherche du territoire natal (Chants berbères de Kabylie, 1939), au questionnement du travail intellectuel (ses entretiens avec J. Giono, F. Mauriac, P. Claudel, A. Gide, G. Ungaretti) et au combat politique (ses interventions dans la presse écrite et à la radio). (…) La figure de l’Absent, au départ imprécise et mystérieuse, s’impose peu à peu et resplendit dans sa pureté et sa grandeur. Elle devient présence obsessionnelle.
Mais elle n’est pas l’unique. (…) Présence douloureuse de l’enfance et de l’espace natal doublement perdu (par la distance et par la foi) - qu’on se rappelle dans Cendres ce poème sur la mort dédié aux tombes ancestrales qui ne m’abriteront pas, présence du corps jubilant et des fruits terrestres apaisants. (…) L’inspiration de Jean Amrouche est avant tout mystique, d’un mysticisme qui transcende la religion pour créer ses religions propres : celle de l’amour éperdu, celle de la contemplation cosmique, celle de l’harmonie des éléments.
S’éloignant de l’ascétisme religieux, le verbe de Jean Amrouche éclate en des poèmes opulents, gorgés de ciels, de sèves, d’orages, de fruits et de femmes.» De 1928 à 1962, Jean Amrouche a tenu un journal publié en 2009 par Tassadit Yacine Titouh.
L’Éternel Jugurtha…
L’Eternel Jugurtha est une sorte de reconstruction symbolique pour retrouver les repères, pour se réapproprier les mythes fondateurs de la nation. Décrivant justement Jugurtha, le Nord-Africain, incarnation du génie et de la vaillance, il dessine parfaitement, avec le fusain des mots, le héros accompli, le révolutionnaire en perpétuelle renaissance.
Investi de cette noble mission humaine assignée par les ancêtres et dictée par l’urgence de sauvegarder l’héritage ancestral, Jean Amrouche a réussi le portrait d’un génie authentique par lui-même. Les quelques fragments de cette œuvre magistrale, portraiture merveilleusement ce personnage fabuleux, à la fois mythe et réalité. Voilà quelques- unes de ses caractéristiques :
«Je suppose, pour plus de commodité, qu’il existe un génie africain ; un faisceau de caractères premiers, de forces, d’instincts, de tendances, d’aspirations, qui se composent pour produire un tempérament spécifique.»
Oui ; ce génie africain existe.
«Un des traits majeurs du caractère de Jugurtha est sa passion de l’indépendance, qui s’allie à un très vif sentiment de la dignité personnelle. (…) Composé humain d’une sensibilité extrême, affligé d’une imagination qui dégénère assez vite en mythomanie, le moindre propos risque de le blesser profondément, de déchaîner sa colère et de le porter aux actes les plus violents.» «On reconnaît d’abord Jugurtha à la chaleur, à la violence de son tempérament. Il embrasse l’idée avec passion ; il lui est difficile de maintenir en lui le calme, la sérénité, l’indifférence, où la raison cartésienne échafaude ses constructions.»
«Il ne connaît la pensée que militante et armée pour ou contre quelqu’un.»
«Il aperçoit l’idée pure comme un éclair au flanc de l’orage.»
«L’imagination aussitôt s’en empare, lui donne une forme et l’exagère en vision.»
«Privé de la chaleur de l’enthousiasme et du ragoût de l’émotion, Jugurtha se désintéresse du lent progrès de la pensée abstraite.»
«Il est poète ; il lui faut de l’image, le symbole, le mythe».
N’est-ce pas là un tableau parfaitement peint pour lui par lui-même ? Jean Amrouche n’est-il pas ce fier «Jugurtha [qui] représente l’Africain du Nord, c’est-à-dire le Berbère, sous sa forme la plus accomplie : le héros dont le destin historique peut être chargé d’une signification mythologique» ?
Frénétique, débordant d’envie de vivre, pour lui et pour les siens, Jean Amrouche crée, et, comme le Jugurtha décrit par lui-même «il s’abandonne à la volupté du même cœur qu’il se jette dans l’action, ignorant toute mesure et tout tempérament.» «Il est assez lucide pour apercevoir la raison de la volupté : qu’elle puisse conduire à l’extase, au néant où la conscience d’être au monde s’abime dans le vertige ; mais il sait que la nuit est un refuge précaire : on remonte toujours à la conscience.» «Ce qui explique l’accent du désespoir, permanent et incurable, la mélancolie déchirante qui font le charme des grandes complaintes du désert.» «Jugurtha y chante ce qu’il éprouve lorsqu’il se penche sur lui-même ; comme Narcisse sur sa fontaine, il exhale une plainte où l’on entend comme un sanglot éternel le désespoir de l’homme orphelin, jouet de forces toutes puissantes qui l’écrasent».
«Son climat de prédilection, celui où il se sent vraiment vivant, c’est le climat de la passion et de la lutte», écrit-il encore. «Si l’on ménage son amour-propre et le sentiment qu’il a de sa dignité, on peut s’en faire un ami et obtenir de lui beaucoup et jusqu’au dévouement le plus passionné, car il est généreux, jusqu’au faste, comme seuls savent être généreux les princes et les pauvres gens, peu attachés aux biens de ce monde, les premiers parce que comblés, les seconds parce que la misère et le dénuement les préservent de l’avarice du cœur et des mains.»
«En d’autres termes, Jugurtha croit très profondément à l’unité de la condition humaine, et que les hommes sont égaux en dignité ou en indignité, selon qu’on les compare entre eux ou qu’on les compare à ce qui est au-dessus d’eux par nature.» «Il s’ensuit une propension naturelle à l’indiscipline, au refus de reconnaître toute discipline imposée du dehors». «S’il inquiète c’est qu’il est prompt à s’inquiéter : d’où ces regards coulants, frisants, et son comportement rétractile.»
Ecoutons-le encore : «On sait bien, (…), que le génie africain est par excellence hérétique, et lors même qu’il embrasse et définit une contrainte orthodoxe, il ne s’y tient avec tant de rigueur que parce qu’il doit demeurer lui-même tout armé pour combattre sa propre tendance à l’hérésie.» «Dès que l’hérésie triomphe en orthodoxie, dès qu’elle ne nourrit pas la révolte, Jugurtha trouve en son génie la source et dans les circonstances l’occasion d’une nouvelle hérésie». Voilà le génial Jean Amrouche, véritable héritier de l’ancêtre Jugurtha, résistant, fier et libre : «On peut affamer les corps, on peut battre les volontés, mâter la fierté la plus dure sur l’enclume du mépris. On ne peut assécher les sources profondes où l’âme orpheline par mille radicelles invisibles suce le lait de la liberté».
Les Amrouche : des noms restés dans l’histoire
Les noms des Amrouche sont restés dans la mémoire collective. Mais les faiseurs et défaiseurs de l’Histoire officielle, les prétentieux contrefacteurs d’identités et de religions, ont tout fait pour reléguer aux oubliettes leur patrimoine et leur souvenir afin de les effacer de la mémoire du peuple et du pays. Intentionnellement, ils ont livré à l’oubli leur œuvre et leur histoire qui témoignent éternellement de la bravoure de ses anciens propriétaires sacrifiés à la cause de leur peuple, morts pour « obéir aux saintes lois de leur patrie ». Une bravoure qu’aucune souillure humaine, aucune épreuve divine n’a jamais pu altérer ni dissoudre.
Les noms des Amrouche sont restés dans l’histoire de la littérature : Marguerite-Fadhma Aït Mansour Amrouche, l’icône de la littérature algérienne : et toute femme n’est pas capable de dire : «Voici l’Histoire de ma vie.» Jean El-Mouhoub Amrouche, l’Eternel Jugurtha, le poète, qui dédie un peu de ses Cendres aux tombes ancestrales qui ne l’abriteront pas. Si l’administration coloniale a entamé des représailles à son encontre à cause de son dévouement au combat libérateur, l’Algérie libérée de la France coloniale mais ligotée par les chaînes d’un ostracisme patent, l’a ignorée, l’ignore encore à cause de sa confession chrétienne.
Elle refuse même d’honorer l’énorme sacrifice qu’il a consenti pour elle comme elle refuse de classer la maison où il a vu le jour, comme patrimoine national. Jamais suffisamment français pour la France, renégat pour l’Algérie, Jean incarne l’image d’une victime exemplaire sacrifiée sur l’autel de l’entre-deux identitaire. Marie Louise Taos Amrouche, les chants, les poèmes, les contes berbères passent, comme Le Grain magique, de mère en fille.
Les chants, les poèmes et les contes qui «avaient permis [à la mère] de supporter l’exil et de bercer [s]a douleur» : mère, fils et fille, Ighil Ali, Bougie, la terre natale, la votre, est à jamais orpheline, à jamais meurtrie. Aujourd’hui, les noms des Amrouche sont restés dans les annales, mais leur domicile historique intimement lié la mémoire du pays est solitaire au cœur de leur colline oubliée juchée dans les montagnes kabyles.
«Mourir ainsi c’est vivre»
Quelques semaines après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, Jean Amrouche, l’ardent défenseur de la justice et de la liberté, l’homme qui a tant plaidé la cause de l’indépendance de sa patrie, meurt d’un cancer, en exil. Dans son puissant poème cité en haut, écrit en hommage aux trois figures de la littérature algérienne, mortes avant l’indépendance du pays, Frantz Fanon, Mouloud Feraoun et Jean Amrouche, Kateb Yacine disait : «Guerre et cancer du sang/Lente ou violente chacun sa mort/Et c’est toujours la même/Pour ceux qui ont appris à lire dans les ténèbres /Et qui les yeux fermés/N’ont pas cessé d’écrire/Mourir ainsi c’est vivre.» Vivant plus que jamais, soixante années après sa disparition, «l’étoile qu’il portait au front ne s’est pas éteinte», disait de lui son ami Jules Roy.
Par Yacine Hebbache, Écrivain