La décision prise par l’Algérie de suspendre le «traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération», qui lie Alger et Madrid depuis 2002, a fait réagir l’Union européenne en tant qu’allié «organique» de l’Espagne.
En effet, vendredi dernier, le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, et le vice-président de la Commission en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis, se sont exprimés à travers un communiqué commun cité par l’AFP, dans lequel ils ont estimé que la décision d’Alger est «extrêmement préoccupante». «Nous évaluons les implications des actions algériennes», ont affirmé les deux responsables européens, qui se sont réunis à Bruxelles avec le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares.
L’UE s’est notamment inquiétée des retombées de l’instruction donnée aux établissements financiers «d’arrêter les transactions entre les deux pays, qui semble être en violation de l’accord d’association UE-Algérie, en particulier dans le domaine du commerce et de l’investissement», ont déploré Josep Borrell et Valdis Dombrovskis.
Mercredi dernier, peu après l’annonce de la suspension du traité d’amitié avec Madrid, l’Association des banques et des établissements financiers (ABEF) a, de fait, adressé une note aux banques où l’on peut lire : «Suite à la suspension du traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération avec le royaume d’Espagne, il vous est demandé de procéder au gel des domiciliations bancaires des opérations de commerce extérieur de produits et services de et vers l’Espagne, à compter du jeudi 9 juin.»
Pour l’Union européenne, une telle mesure «conduirait à un traitement discriminatoire d’un Etat membre de l’UE et nuirait à l’exercice des droits de l’Union au titre de l’accord».
LES ENGAGEMENTS D’ALGER
Les deux responsables européens ont soutenu que l’UE «est prête à s’opposer à tout type de mesures coercitives appliquées à l’encontre d’un Etat membre».Répliquant à cette déclaration, l’Algérie a regretté «la précipitation avec laquelle la Commission européenne a réagi, sans consultation préalable ni vérification aucune auprès du gouvernement algérien», selon un communiqué de notre représentation diplomatique auprès de l’Union européenne à Bruxelles.
Notre représentation a déploré aussi le fait que la Commission européenne «ne se soit pas assurée que la suspension d’un traité politique bilatéral avec un partenaire européen, en l’occurrence l’Espagne, n’affecte ni directement ni indirectement ses engagements contenus dans l’accord d’association Algérie-Union européenne». «S’agissant de la prétendue mesure d’arrêt par le gouvernement des transactions courantes avec un partenaire européen, elle n’existe en fait que dans l’esprit de ceux qui la revendiquent et de ceux qui se sont empressés de la stigmatiser», lit-on encore dans la réponse de notre chancellerie à Bruxelles.
Concernant les approvisionnements énergétiques qui ont suscité de vives inquiétudes en Espagne depuis mercredi, nos représentants ont écarté tout scénario de suspension des livraisons de gaz à l’Espagne. «L’Algérie a déjà fait savoir par la voix la plus autorisée, celle de Monsieur le président de la République, qu’elle continuera à honorer tous ses engagements pris dans ce contexte», a rassuré notre mission diplomatique auprès de l’Union européenne, avant de souligner : «A charge pour les entreprises commerciales concernées d’assumer l’ensemble de leurs engagements contractuels.»
C’est mercredi dernier que l’Algérie a décidé de suspendre son traité d’amitié avec l’Espagne, dans un contexte marqué par des tensions exacerbées avec Madrid depuis que le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a renoncé à la position traditionnelle de l’Espagne dans le dossier du Sahara occidental en apportant son soutien au plan marocain.
Ce 8 juin donc, un communiqué du palais d’El Mouradia a annoncé que «l’Algérie a décidé de procéder à la suspension immédiate du traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération, qu’elle a conclu le 8 octobre 2002 avec le royaume d’Espagne et qui encadrait jusqu’ici le développement des relations entre les deux pays».
Les autorités espagnoles, note la présidence de la République, «se sont engagées dans une campagne tendant à justifier la position qu’elles ont adoptée sur le Sahara occidental en violation de leurs obligations juridique, morale et politique de puissance administrante du territoire, qui pèsent sur le royaume d’Espagne jusqu’à ce que la décolonisation du Sahara occidental soit déclarée accomplie par les Nations unies».
«Ces mêmes autorités, qui assument la responsabilité d’un revirement injustifiable de leur position depuis les annonces du 18 mars 2022 par lesquelles le gouvernement espagnol actuel a apporté son plein soutien à la formule illégale et illégitime de l’autonomie interne préconisée par la puissance occupante, s’emploient à promouvoir un fait accompli colonial en usant d’arguments fallacieux», assène le communiqué de la Présidence.