Que l’élite politique française organise une marche contre l’antisémitisme, c’est de son droit, mais qu’elle le fasse au nom des «valeurs républicaines et du droit», c’est une véritable manipulation, voire une forfaiture. En réalité ce qui visé c’est d’apporter, par ce biais-là, un nouveau soutien à Israël après l’avoir exprimé publiquement, directement ou à travers divers médias publics et privés complices, et cela, depuis un mois, sans relâche, réserve ni nuance.
Un des rares dirigeants français lucide et courageux, Jean-Luc Mélenchon, président du parti La France insoumise, l’a compris en refusant de participer au rassemblement d’aujourd’hui. Il déclare que «cette soi-disant marche contre l’antisémitisme à l’appel de Meyer Habib, Le Pen, Zemmour, Braun-Pive et Larcher fonctionne comme une manipulation, ne vous laissez pas embobiner». Il dénonce «un rendez-vous pour les amis du soutien inconditionnel au massacre perpétré par l’armée israélienne à Ghaza».
Par cette clarification, il se démarque du président Macron, qui a annoncé ne pas participer à la marche mais qu’il «salue avec respect» ceux qui défileront. Il y voit «un motif d’espérance». C’est donc, subtilement, une forme de soutien de Macron à la politique génocidaire d’Israël entreprise actuellement dans la Bande de Ghaza. Le président français, qui s’est rendu à Tel-Aviv, n’a jamais évoqué la mort de plus de 11 000 civils, dont près de la moitié sont des enfants, et la destruction de la moitié des habitations de l’enclave.
Toutes les grandes ONG humanitaires du monde l’ont pourtant suffisamment informé. Il s’est contenté de proposer une dérisoire aide humanitaire et de s’engouffrer dans la proposition des accords d’Oslo de «deux Etats» sans exiger au préalable l’arrêt des frappes et la mise en place d’un cessez-le-feu. De nouveau donc, le pouvoir français et une large partie de la classe politique du pays dévoilent leur vrai visage de soutien inconditionnel à Israël, se rangeant ainsi derrière les Etats-Unis. Ils brandissent le souci de la lutte contre l’antisémitisme mais lui font perdre toute son essence à force de l’instrumentaliser à fond au bénéfice des Israéliens et du mouvement sioniste mondial, fortement implanté en France et partie prenante de la décision politique.
Comble de l’ironie, même le parti fasciste des «Le Pen» sera présent à ce rassemblement, alors que Jean-Marie, son fondateur, avait traité la Shoah de «détail de l’histoire», manifestant ainsi un antisémitisme des plus primaires et des plus abjects. Ce parti sera entouré des autres formations politiques et personnalités de droite et de gauche, qui pourtant avaient juré de le combattre par tous les moyens et où qu’il soit. Forfaiture et trahison ! Israël vaut bien une messe !
La classe politique française a raté l’occasion de se positionner dans l’évolution de l’histoire, qui passe par le respect du droit international et humanitaire. Elle se devait d’exiger avec force l’arrêt des massacres ainsi que cela se fait dans la plupart des grands pays européens et même aux Etats-Unis, où la société civile donne des leçons à la classe politique. Elle se devait d’exiger la sauvegarde des survivants de Ghaza, leur accès à l’eau et l’électricité coupée par les Israéliens et leur accès à l’aide alimentaire internationale au compte-gouttes.
Enfin, cette classe politique se devait de faire œuvre utile en exigeant de l’occupant israélien de cesser sa politique colonisatrice engagée dès 1948 et qui se poursuit encore par l’annexion des terres palestiniennes par les colons suprématistes, qui n’hésitent pas à perpétrer des massacres en Cisjordanie. La classe politique française a préféré ne rien faire de tout cela et ignorer toutes ces évidences incontournables dans le traitement de la question palestinienne.
En tournant le dos à l’histoire, la droite et son alliée du moment, qui est l’extrême droite, confortent Israël et se voilent les yeux devant le génocide des Palestiniens.
Cela ne règle en rien, en fin de compte, la question de l’antisémitisme en France, diluée et instrumentalisée au bénéfice d’un soutien inconditionnel à Tel-Aviv. Et cela donne enfin du grain à moudre à tous ceux qui pointent du doigt les musulmans de France dans les actes antisémites.
Et c’est gravissime pour une classe politique censée protéger sur son sol une communauté musulmane de 6 millions de personnes. Son avenir s’annonce sombre. Le coup d’accélérateur sera donné par la nouvelle loi sur l’immigration en discussion qui, à coup sûr, avec l’ambiance pro-israélienne en France passera comme une lettre à la poste.