Le dossier libyen est passé quasi inaperçu devant le Conseil de sécurité de l’ONU suite à la communication, samedi dernier, de l’envoyé spécial Abdoulaye Bathily. Les 15 membres du Conseil se sont limités à publier, avant-hier, une déclaration commune pour réaffirmer «leur attachement à un processus politique inclusif en Libye, mené et contrôlé par le peuple libyen, ainsi que leur soutien à tout processus consistant au choix des dirigeants à travers des élections».
Une nouvelle forme pour un processus électoral, toujours incertain.
La nouvelle initiative consiste à former un Comité de pilotage en Libye, sous l’égide de l’ONU, pour organiser les élections ; un objectif derrière lequel courent Libyens et partenaires étrangers depuis les accords de Sekhirat du 17 décembre 2015.
Le Conseil de sécurité a appelé les parties prenantes à «un engagement clair et constructif, à respecter l’indépendance et l’intégrité du processus électoral, ainsi que les résultats des élections, en coordonnant étroitement avec l’envoyé spécial de l’ONU». Abdoulaye Bathily veillera à la formation d’un comité de pilotage des élections, qui assurerait les besoins politiques, logistiques et techniques à ce processus convoité en vain par les Libyens depuis bientôt huit ans.
Déjà, le président du gouvernement d’union nationale, Abdelhamid Debaiba, et le président du Conseil présidentiel, Mohamed Menfi, ainsi que le président du Conseil de l’Etat, Khaled Mechri, basés tous à Tripoli, ont exprimé leur soutien à l’initiative.
De son côté, Fathi Bach Agha, le président du gouvernement soutenu par la Chambre des députés et basé à Syrte, a exprimé, lui aussi, son soutien à l’initiative de Bathily dans une rencontre des deux hommes à Syrte. «Nous souhaitons que l’année 2023 soit celle des élections, surtout après le rapprochement observé entre la Chambre des députés et le Conseil de l’Etat sur la base constitutionnelle», a assuré Bach Agha, suite à sa rencontre avec Bathily. La tournée de l’envoyé de l’ONU à Syrte et Benghazi a reçu des échos favorables.
Leçons à tirer
L’initiative de Bathily concernant les élections en Libye n’est nouvelle que par sa forme. Sept ans se sont écoulés et six envoyés spéciaux de l’ONU sont passés depuis les accords de Sekhirat du 17 décembre 2015, annonçant des élections après 18 mois en Libye. Depuis, plusieurs autres initiatives (Berlin, Paris, Tunis, Genève, Le Caire, La Valette, Rabat, New-York, Moscou, etc.) sont tombées à l’eau.
La dernière, celle de Genève, prévoyait des élections durant le 4e trimestre 2021. L’instance des élections a même supervisé la mise à jour du registre des électeurs. Toutefois, ce processus a été «bousillé», en dernière minute. «Tant que l’opération électorale n’est pas sécurisée par des forces armées défendant l’Etat libyen unifié, et ce n’est pas encore le cas aujourd’hui, nul ne saurait parler d’élections indépendantes», pense le politologue libyen Jamel Bennour, ancien chef du Conseil régional de Benghazi, à l’aube de la révolution du 17 février 2011. Il semble donc clair que les conditions objectives pour la tenue d’élections ne sont pas encore réunies en Libye, malgré le couvre-feu qui tient encore entre les Libyens, depuis trois ans.
Il est utile d’attirer l’attention au fait que Le Caire a exprimé son «étonnement» concernant l’initiative de Bathily. Le Caire abrite pourtant les pourparlers d’unification de l’armée libyenne.
C’est dire la complexité du dossier des élections en Libye. «L’Occident n’a vraiment bougé que lorsqu’il y avait fermeture des ports pétroliers de l’Est et blocage de près de la moitié de la production libyenne d’énergie», a ajouté Bennour. «Aujourd’hui, gaz et pétrole coulent à flots, les étrangers ne s’inquiètent pas des problèmes du Libyen lamda», conclut le politologue.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami