Les Maliens se sont prononcés hier par référendum sur un projet de nouvelle Constitution. Ce premier vote depuis l’avènement de la junte il y a trois ans a valeur de test, mais la crainte des attaques djihadistes et les désaccords politiques ont empêché sa tenue dans plusieurs localités, notamment dans le Nord, selon l’AFP.
Environ 8,4 millions de Maliens sont appelés à dire oui ou non au texte que leur soumet la junte et qui renforce les pouvoirs du Président, mais que conteste une opposition hétéroclite, notamment d’influentes organisations religieuses hostiles au maintien du principe de laïcité de l’Etat. Les résultats sont attendus dans les 72 heures. Les électeurs se sont rendus en nombre dans les bureaux de vote de Bamako.
Mais la crainte des attaques djihadistes et les désaccords politiques ont empêché sa tenue dans plusieurs localités, notamment dans le Nord. Les électeurs n’ont pu se rendre aux urnes dans plusieurs localités du Nord. Les anciens mouvements rebelles signataires d’une paix fragile avec Bamako ont refusé de permettre l’organisation d’une consultation sur un projet où ils disent ne pas retrouver l’accord qu’ils ont signé en 2015.
Le matériel électoral n’a pas été acheminé vers les bureaux dans la région de Kidal, bastion des ex-rebelles, a dit un responsable du gouvernorat. Dans la région de Ménaka, qui subit depuis des mois la poussée de l’organisation Etat islamique, les opérations se sont limitées à la capitale régionale en raison de l’insécurité, ont rapporté des élus.
Dans un environnement rendu difficilement déchiffrable par l’opacité du système et les restrictions imposées à l’expression, le vote pourrait délivrer des indications, à prendre avec prudence, sur le soutien de la population à la junte et à son chef, le réputé populaire colonel Assimi Goïta, ainsi que sur la situation intérieure.
«Souveraineté»
Les militaires, qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 et l’exercent sans partage, revendiquent de faire reculer les djihadistes sur le terrain. Le vote a lieu moins de 48 heures après le congé donné par Bamako à la Mission de l’ONU après dix ans de présence. Les autorités estiment que la Mission a failli et que le Mali peut assumer sa sécurité par ses «propres moyens».
Les autorités se sont beaucoup investies en faveur de cette réforme qui doit pallier les insuffisances de la Constitution de 1992, volontiers désignée comme un facteur de la faillite de l’Etat face à la multitude des défis : propagation djihadiste, pauvreté, ruine des infrastructures ou délabrement de l’école.
Parmi les changements par rapport à la Constitution de 1992, l’acceptation ou non d’un renforcement des pouvoirs présidentiels est l’un des enjeux de la consultation. Les détracteurs du projet le décrivent comme taillé sur mesure pour un maintien des militaires au pouvoir au-delà de la présidentielle, prévue en février 2024, malgré leur engagement initial à rétrocéder la place aux civils après l’élection.
Le texte fait la part belle aux forces armées. Il met en exergue la «souveraineté», leitmotiv de la junte depuis son avènement, puis la rupture avec l’ancienne puissance dominante française, ainsi que la lutte contre la corruption, associée à l’ancien régime. Il se distingue surtout en renforçant les pouvoirs du Président.
Il prévoit l’amnistie pour les auteurs de coups d’Etat antérieurs à sa promulgation, et alimente les spéculations persistantes sur une éventuelle candidature du colonel Goïta à la présidentielle.