Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, fait le point sur l’état des relations entre l’Algérie et la France, après la grave crise diplomatique entre les deux pays. «Nous sommes, aujourd’hui, je crois, dans une phase ascendante, laborieusement ascendante. Parce qu’il y a un grand nombre de difficultés dans cette relation bilatérale. Singulièrement, lorsqu’il s’agit, en ce qui nous concerne, de la protection et la préservation de la sécurité et de la dignité de nos compatriotes en territoire français. C’est un sujet auquel nous sommes particulièrement sensibles. Il y a également d’autres sujets, j’allais dire, sont quantifiables et des solutions de compromis sont toujours possibles», déclare-t-il dans une interview accordée, vendredi, aux chaînes françaises France 24 et RFI.
Selon lui, les deux présidents, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, sont en contact. «Les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont une excellente relation personnelle. Ils se téléphonent. Parfois, c’est annoncé et parfois, ce n’est pas annoncé. La communication entre les deux chefs d’Etat existe, elle est cordiale et confiante», affirme-t-il.
Ramtane Lamamra laisse entendre, par la même occasion, la possibilité de rouvrir l’espace aérien algérien aux avions militaires français en partance vers le Mali, dans le cadre de l’opération «Barkhane». «Il s’agit d’une mesure technique qui n’a pas vocation à durer éternellement. La situation est ce qu’elle est. Des ponts de la coopération algéro-française sont en train de se remettre en place, donc, cette question ne doit pas être traitée comme étant quelque chose d’éminemment politique», déclare-t-il. L’Algérie, rappelons-le, a décidé, en octobre dernier, d’interdire le survol de son territoire par les avions militaires français en réaction aux propos d’Emmanuel Macron sur l’histoire de l’Algérie et le régime algérien.
«C’est une compréhension correcte de la dynamique de ce que j’appelle la phase ascendante de la relation algéro-française», précise le chef de la diplomatie algérienne. Et d’ajouter : «Lorsqu’il s’agit d’atteinte à la mémoire, à l’histoire, ou à la dignité du peuple algérien ou de compatriotes installés ou voyageant en France, ceci constitue, souvent, des motifs très sérieux des difficultés dans les relations bilatérales.» Ramtane Lamamra n’exclut pas aussi que le président Tebboune accepte l’invitation d’Emmanuel Macron à se rendre à Bruxelles à la mi-février pour le sommet UE-UA.
Revenant sur le cas des Algériens menacés d’expulsion de France, il explique la démarche des autorités algériennes. «Dans la discussion avec les autorités françaises, nous veillons à ce qu’il n’y ait pas de charter et à ce que les gens bénéficient des recours possibles devant les autorités françaises avant la reconduction aux frontières. Les autorités algériennes veillent, véritablement, à ce que ces accords algéro-français soient exécutés, mais de manière convenable», soutient-il.
Questionné sur l’histoire, il explique : «Nous estimons que l’histoire doit être laissée aux historiens et que cela doit se faire dans la sérénité, et que cette appropriation par chacun des peuples concernés de son histoire devrait se faire, dans la mesure du possible, sans acrimonie et sans les accusations qui ne sont pas forcément avérées.»
Concernant les attentes de l’Algérie à l’occasion de la commémoration des Accords d’Evian, il précise : «La cohérence de l’histoire voudrait que l’indépendance de l’Algérie, chèrement reconquise, s’accompagne de la réappropriation de tous les biens, matériels et immatériels, qui sont les siens et qui ont été déplacés et dont certaines autorités, certaines personnes physiques ou morales françaises, se sont appropriées.»
Et d’ajouter : «Nous avons un canon à Brest, les archives, il reste même quelques crânes de héros de la résistance algérienne contre l’invasion française. On se demande, d’ailleurs, si c’est vraiment civilisé que de garder dans des musées les crânes de résistants algériens dont on fait des trophées. Cela pouvait s’expliquer à l’époque de la montée du colonialisme, mais pas à l’ère des indépendances et de la souveraineté des peuples.»
S’agissant de l’évolution des relations algéro-françaises, Ramtane Lamamra souligne que «l’Algérie ne fera la guerre qu’en légitime défense». «L’Algérie a trop connu les affaires de la guerre coloniale justement pour souhaiter s’engager dans une confrontation armée avec un pays voisin. Il faut se demander si ceux qui développent une coopération militaire avec des puissances militaires étrangères n’ayant rien à voir avec la région nord-africaine ne sont pas ceux qui parient sur le pire», dit-il, annonçant que «l’Algérie est prête à organiser un dialogue fraternel entre le Mali et la Cédéao».