Après des semaines de négociations, les Etats-Unis n’ont pu faire passer, vendredi, leur projet de résolution pour un cessez-le feu à Ghaza, en raison de son contenu partial. Le nouveau vote du Conseil de sécurité de l’ONU sur un cessez-le-feu est reporté à demain, a appris hier l’AFP de sources diplomatiques.
Le débat autour du projet américain d’une résolution pour un cessez-le-feu à Ghaza a été houleux vendredi dernier, aussi bien en coulisse que durant les séances d’avant et d’après vote, selon des sources médiatiques, accréditées au siège de l’Onu à New-York.
Le texte ne parle pas clairement d’un cessez-le-feu immédiat et permanent, comme il a été affirmé par les diplomates américains.
Il parle de «l’impératif d’un cessez-le-feu immédiat et durable» avec «un besoin urgent d’étendre le flux d’aide humanitaire» à tous les civils et de lever «toutes les barrières» à l’acheminement de l’aide, sans pour autant faire injonction à Israël de permettre à ces aides d’entrer à Ghaza et d’atteindre les populations civiles sans être ciblées par les bombardements, comme cela est le cas à ce jour.
Le projet de résolution laisse subsister le doute sur les auteurs des attaques contre le personnel médical et humanitaire, en responsabilisant les groupes armés et l’entité sioniste, alors c’est cette dernière qui bombarde les hôpitaux, arrête, humilie et tue les membres du personnel médical et humanitaire.
Le texte condamne «tous les actes de terrorisme», mais ne cite que «l’attaque du 7 octobre, la prise et le meurtre d’otages, le meurtre de civils, la violence sexuelle et l’utilisation de bâtiments civils à des fins militaires». Point de mot sur les actes génocidaires, les crimes de guerre, les exécutions sommaires commis par l’armée d’occupation.
Certes, il rejette «tout déplacement forcé de civils à Ghaza», puis «exige du Hamas et des autres groupes armés» qu’ils «accordent immédiatement un accès humanitaire à tous les otages restants», sans pour autant faire de même en exigeant d’Israël l’accès humanitaire aux centaines de milliers de Palestiniens du nord et du centre de Ghaza, privés de nourriture, qui font face à la famine.
Le projet américain ne cite point l’Unrwa, l’agence onusienne qui permet aux Ghazaouis de survivre et qui est devenue un témoin gênant à abattre pour Israël. En clair, les USA, comme Israël, ne veulent plus de l’Unrwa et tentent par le projet de résolution de l’exclure totalement du mécanisme d’aide humanitaire à Ghaza.
En outre, le projet exige de «toutes les parties» de «respecter les mécanismes de notification humanitaire et de déconfliction en place pour éviter la mort de civils», sans pour autant désigner Israël qui bombarde les immeubles résidentiels et rase des zones d’habitation sans avertir.
Juste avant de le passer au vote, l’ambassadrice des Etats-Unis a souligné : «Malgré les divisions et les divergences au sein du Conseil, tous ses membres souhaitent un cessez-le-feu immédiat et durable permettant la libération des otages et l’acheminement d’une aide humanitaire beaucoup plus importante à Ghaza. La résolution doit pouvoir être exécutée sur le terrain. Ne pas adopter cette résolution serait une erreur historique.»
Pour la diplomate, le Conseil de sécurité «doit obliger le Hamas à accepter l’accord proposé pour libérer les otages». Elle a exhorté les membres du Conseil à «condamner le Hamas et les violences sexuelles commises», avant de conclure que «cette résolution, après son adoption, va appuyer les efforts diplomatiques en cours des Etats-Unis, de l’Egypte et du Qatar».
«Les Américains induisent la communauté en erreur»
Des propos qui tranchent totalement avec l’intervention du représentant de la Russie : «Depuis 6 mois, nous n’arrivons pas à adopter une résolution pour un cessez-le-feu.
Toutes les tentatives, à 4 reprises, ont été vaines à cause du veto américain. Tantôt Washington dit qu’il est prématuré de parvenir à un cessez-le feu, qu’il faut donner du temps aux négociations, tantôt il exige du Conseil de ne pas gêner les négociations sur le terrain, tantôt il appelle à attendre un accord au Ramadhan, six mois plus tard, Ghaza a été rasée (…)»
Le représentant russe rappelle les propos du secrétaire américain, Antony Blinken, tenus le 20 mars à Djeddah, où il évoque le projet de résolution pour un cessez-le-feu, avant de lancer : «Mais dans cette résolution, l’appel au cessez-le-feu n’existe pas. Les Américains induisent la communauté en erreur (…)»
Le diplomate russe a exhorté les membres du Conseil à ne pas voter le projet. Pour lui, le projet «ne doit pas recueillir les voix parce qu’il renvoie à une conception inacceptable». Juste après le vote et le rejet du projet de résolution américain par les veto russe et chinois, la représentante américaine décrit le veto de «scénique». «C’est honteux pour ce Conseil.
Ils ne voulaient pas voter une résolution rédigée par les USA. Ils veulent que le Conseil échoue même après des semaines de négociations. La Chine et la Russie ne font rien sur le plan diplomatique pour contribuer à une solution politique (…).
Il y a un autre projet de résolution que vous souhaiteriez adopter, mais en l’état actuel, ce texte échoue à contribuer aux efforts diplomatiques dans la région. Ce qui est pire, c’est qu’il pourrait donner au Hamas un prétexte pour s’écarter de l’accord qui lui est proposé.»
Intervenant au nom de l’Algérie et du groupe arabe, l’ambassadeur algérien à l’Onu a d’abord fait le constat de la situation humanitaire chaotique à Ghaza, en rappelant le projet de résolution voté par la majorité des membres du Conseil, mais rejeté en raison du veto américain. «Ceux qui pensent que la puissance occupante décide de respecter ses obligations en vertu du droit international se trompent. Ils doivent renoncer à cette fiction.
Depuis plus d’un mois, l’Algérie a participé à ces processus de négociation pour arriver à un texte plus raisonnable. Nos préoccupations fondamentales n’ont pas été prises en compte. Nous n’avons jamais cessé de rappeler l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat pour éviter la perte de nouvelles vies.
Malheureusement, le projet de résolution n’est pas à la hauteur de nos attentes. Il ne prend pas en compte les souffrances du peuple palestinien. 32 000 personnes mortes, et 73 000 blessées, 12 000 handicapés de manière permanente. Elles ne se sont pas mutilées. Elles ont été tuées et blessées par l’armée occupante.
Les vies palestiniennes comptent. Le texte évite de citer la responsabilité de la puissance occupante israélienne. Ces personnes ne se sont pas mutilées. Elles ont été tuées et les auteurs de ces crimes doivent rendre des comptes. Les vies palestiniennes comptent. Le texte n’envoie pas un message clair en faveur de la paix.
Il ne présente pas de garantie contre une nouvelle escalade.» Pour l’ambassadeur algérien, «il s’agit d’un laisser-passer pour continuer à tuer les civils palestiniens. Il est clairement dit que ce cessez-le-feu, je cite, ‘‘visant à réduire les victimes civiles provoquées par des opérations en cours et dans le futur’’.
C’est une carte blanche pour une opération militaire à Rafah. Les dispositions particulières du projet mettent en danger l’avenir de l’Etat palestinien. Il n’évoque pas l’Unrwa qui joue un rôle essentiel». Pour lui, sa présence «est vitale dans la région».
Report du vote au conseil de sécurité
Le représentant de l’Algérie a relevé, en outre, que «tout texte qui met à mal le mandat de l’Unrwa est inacceptable pour les pays arabes, dans la mesure où les opérations de l’Office restent essentielles pour les réfugiés palestiniens et la stabilité dans toute la région».
Le diplomate a ajouté, par ailleurs, que certaines dispositions de ce projet de résolution «mettraient également à mal l’avenir d’un Etat palestinien, ce qui passe par la réconciliation intrapalestinienne, avec l’ensemble des factions palestiniennes».
Le représentant de la Chine a, pour sa part, déclaré que «si les Etats-Unis étaient sérieux sur leurs intentions, ils n’auraient pas posé leur veto à de multiples projets de résolution et n’auraient pas attendu si longtemps, tout en restant évasifs sur des questions fondamentales».
Le diplomate a regretté que le Conseil n’ait que trop «traîné des pieds et perdu beaucoup de temps» pour exiger un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et durable à Ghaza. Pour la Chine, ce texte est loin des attentes et de la préoccupation internationale. Le projet n’expose pas son opposition à une offensive à Rafah. Un autre projet de résolution, clair au sujet du cessez-le-feu et est conforme à une direction juste, que nous appuyons».
Le Guyana, qui s’est abstenu de voter, a déploré que le texte américain évite d’évoquer la responsabilité de la puissance occupante, Israël, notant qu’à la lecture du projet, «il est quasiment impossible de comprendre qui commet toutes ces atrocités et inflige tant de souffrances aux civils palestiniens de Ghaza», avant de préciser que «sur les 41 paragraphes et 236 mots, le nom d’Israël n’a été cité qu’une seule fois».
Le représentant d’Israël a déclaré, quant à lui, que «si le projet américain avait été adopté, cela aurait montré qu’aux Nations unies, la morale a été rétablie».
Pour le diplomate, le projet d’offensive terrestre à Rafah s’est fixé pour objectif de libérer les otages et de réduire à néant les capacités militaires du Hamas : «Nous avons réussi à démanteler 18 bataillons du Hamas, mais il en reste quatre à Rafah.
Il n’y a pas d’autre alternative, car si nous échouons, le Hamas et d’autres groupes de la région vont à nouveau organiser des attentats.» Après le veto d’une résolution américaine mentionnant un cessez-le-feu à Ghaza, le vote d’une résolution alternative programmé pour samedi au Conseil de sécurité de l’ONU a été reporté à demain, a appris l’AFP de sources diplomatiques.
Ce report a été décidé pour permettre de nouvelles discussions sur un projet de résolution préparé par plusieurs membres non permanents du Conseil, dont la dernière version vue par l’AFP, «exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat», ont précisé ces sources.