Processus électoral en Libye : Tripoli et Tobrouk tournent toujours en rond

15/06/2023 mis à jour: 17:15
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La loi électorale proposée empêche Haftar de se porter candidat

Le Conseil de l’Etat libyen a annoncé, 12 juin 2023, la transmission des deux projets de loi concernant l’élection présidentielle et celle de la Chambre des députés au Parlement siégeant à Benghazi. En première réaction, 90 des 170 membres dudit Parlement n’ont pas trouvé mieux que d’aller au quartier général de Khalifa Haftar pour le rencontrer. 

Un déplacement plein d’interrogations, même si c’est le Parlement qui désigne l’état-major de l’armée. C’est donc le Parlement libyen qui a nommé Khalifa Haftar à la tête de l’Armée nationale libyenne (ANL). 

Le président du Parlement dispose donc de l’autorité pour interroger le chef de l’ANL. 

Or, c’est Aguila Salah, le président du Parlement de Benghazi, qui a préféré faire le déplacement avec ses troupes à la base militaire de Rajma, quartier général des forces de Haftar. Aguila se serait rendu au QG de Haftar pour se faire pardonner de la gaffe commise par la délégation du Parlement à Bouznika, qui a validé un texte comprenant une clause disant que le candidat à la présidentielle n’a pas de double nationalité. 

Or, Khalifa Haftar, potentiel candidat, a également la citoyenneté américaine. Cela veut dire que la loi électorale proposée empêche Haftar de se porter candidat. Il y a donc de quoi aller demander pardon à celui qui a «bataillé» pour préserver ce Parlement. Lequel déplacement veut sûrement dire que le Parlement ne va pas valider cette proposition. Salah Aguila a déjà dit lundi dernier, lors d’une interview à Caire Infos qu’il va discuter les accords de Bouznika avec les forces politiques. 

Pourtant, l’article 30 de l’amendement 13 de l’organisation provisoire des pouvoirs (la petite Constitution libyenne) dit clairement que l’accord unanime de la commission 6+6 signifie son passage automatique à la publication sur le Journal officiel. Va comprendre !

Faits et commentaires

Les déclarations de Salah Aguila dans son interview à Caire Infos montrent clairement qu’il ne s’attendait nullement à ce que les ententes de Bouznika comportent cette clause bloquant la candidature de Khalifa Haftar. 

Le déplacement des 90 députés au quartier général de Haftar a servi de mea culpa pour les députés, alors que l’interview de lundi dernier a servi pour lancer l’alternative aux accords de la commission 6+6 à Bouznika. «Le différend n’est pas entre Aguila et Mechri, le président du Conseil de l’Etat, c’est plutôt Aguila qui a renié l’accord parce qu’il ne permet pas à Khalifa Haftar de se porter candidat à la présidentielle», explique le politologue Fathi Chebli sur Radio Wassat TV. 

Pour sa part, le vice-président du gouvernement d’union nationale, Hassine Gatrani, assure que «personne, moi compris, ne veut lâcher son poste en Libye». 

Sa position est partagée par Ramzi Remih, conseiller de l’organisation libyenne de Sécurité nationale. Retour donc à la case départ parce que Salah Aguila ne dispose pas de pouvoirs en dehors du parapluie de Khalifa Haftar, et ce, en dépit des réticences des puissances étrangères, contentes de l’accord signé à Bouznika. Salah Aguila n’a pas, semble-t-il, d’issue indépendante de Haftar.

Ces tergiversations ne font pas oublier le fait que le chef des renseignements généraux égyptiens, le général Abbès Kamel, a déjà fait beaucoup de périples ces dernières semaines, l’emmenant à Benghazi pour rencontrer, séparément, Salah Aguila et Khalifa Haftar. Abbès Kamel a également fait la semaine dernière un saut à Rome pour rencontrer Abdelhamid Dbeiba, qui se trouvait en Italie pour discuter la question migratoire avec Giorgia Meloni. 

Tout le monde connaît le poids de l’Egypte sur les décisions de l’Est libyen. Toutefois, et cela se confirme une nouvelle fois, tant que le pétrole coule à flot à partir de la Libye et que la question migratoire trouve des solutions en composant avec les groupes armés dans le pays, les puissances internationales ne s’inquiètent point de la situation des citoyens libyens, principaux victimes de cette crise qui se prolonge depuis juin 2014.

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

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